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Caroline Faucher-Winter : la New-Yorkaise qui murmure à l’oreille des licornes

Partir à la conquête de l’écosystème tech new-yorkais peut être un véritable défi pour les entrepreneurs français. Expatriée depuis 20 ans aux Etats-Unis, Caroline Faucher-Winter est notamment co-présidente de la French Tech New York. Dotée d’un intense parcours professionnel, elle accompagne les starts-up françaises qui souhaitent s’implanter sur le sol américain.

Caroline Faucher-Winter, co-présidente de la French Tech New YorkCaroline Faucher-Winter, co-présidente de la French Tech New York
Écrit par Elena Rouet-Sanchez
Publié le 28 mai 2024, mis à jour le 29 mai 2024

La French Tech New York rassemble une importante communauté d’entrepreneurs français, pour certains expatriés de longue date aux États-Unis. Mais au-delà de cela, elle est aussi le point de rencontre des Français dans la technologie et de la communauté tech locale. Véritable « productrice de licornes », comme elle aime appeler la French Tech, Caroline Faucher-Winter partage son expérience professionnelle et personnelle et offre un précieux aperçu de la diversité et de la qualité des projets entrepreneuriaux français dans le monde de la tech américaine. 

 

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel ?

J’ai débuté dans le domaine de la communication après avoir terminé des études en Biochimie à Paris, qui ne me plaisaient pas vraiment. J’imaginais alors que ma carrière se déroulerait dans l’industrie pharmaceutique. Mais en 1998, le monde des start-ups et de la technologie s’est dévoilé à moi lorsque j'intègre l’équipe du premier incubateur de startups français, Tokamak. En 2004, je suis partie vivre à Washington DC avec mon mari entrepreneur tech et mon bébé. Malgré mon manque de maîtrise de l’anglais, j’ai rapidement trouvé ma place dans le milieu professionnel américain - même s’il ne s’agissait pas de communication au début. J’ai commencé par travailler pour la Mission de la Commission européenne ainsi que pour le représentant de la Banque Centrale Européenne au FMI. Par la suite, je suis retournée à mes premiers amours professionnels en travaillant pour des entreprises américaines cherchant à s’établir en France. Mon parcours a pris une nouvelle direction lorsque j’ai été embauchée par Business France en tant que responsable de l’image économique de la France en Amérique du Nord guidée par Pascal Cagni, nommé au même moment Président du Board de BF, ce qui m’a permis de m’impliquer activement dans la French Tech New York dès sa création, en 2015.

En parallèle à la French Tech de New York, je travaille depuis 5 ans pour le Galion Project, le premier club d’entrepreneur français. Je gère la communauté de ces entrepreneurs qui sont basés aux États Unis ou déployant leurs activités sur le sol américain.  Depuis 2022, je collabore avec l’agence de relations presse Kalamari, qui répond parfaitement aux besoins des entreprises technologiques françaises qui ont besoin de visibilité et d'adaptation de leurs messages sur les deux continents. Ma mission principale est de soutenir le développement des start-ups francaises sur le sol américain. 

 

La French Tech de New York en pleine conférence

 

 


Les États-Unis sont la première puissance économique du monde, et 50 % des entrepreneurs français qui pensent à l’international vont le faire par les États-Unis.


En tant que co-présidente de la French Tech New York, quelles sont vos principales responsabilités et objectifs ?

En tant que co-présidente de la French Tech New York depuis janvier 2021, mes responsabilités principales, partagées avec Nicolas Girard CEO de Oxio, impliquent la supervision et la coordination des activités de notre organisation et bien sûr de m’assurer de sa pérennité financière. En effet, nous sommes une organisation non-profit et notre board est uniquement composé de bénévoles. Les donations et partenariats financiers sont indispensables pour mener à bien notre mission ici. 
La French Tech à New York rassemble une communauté d’environ 300 entrepreneurs français mais aussi tout un écosystème de talents (ingénieurs, scientifiques ou autres). Les communautés French Tech en Amérique du Nord sont intéressantes parce qu’elles sont souvent portées par des expatriés de la première heure qui aujourd'hui veulent soutenir les nouveaux arrivants. Il y a 20 ans, l'écosystème professionnel en France ne favorise pas leur épanouissement professionnel. Beaucoup ont donc choisi de s’installer aux États-Unis, où ils sont restés. Aujourd’hui, après avoir fondé avec succès de nombreuses entreprises, ils ressentent le désir de contribuer à la France. Ce sentiment de « giveback » s’est amplifié avec la création de la French Tech il y a 10 ans, leur donnant un cadre pour faire valoir leur expérience auprès de l'écosystème tech et entrepreneurial français . 


Les États-Unis offrent-ils davantage d'opportunités aux jeunes entrepreneurs que la France ?

Aux États-Unis, il est rare d’entendre des gens dire « ce n’est pas possible, ne le fais pas, tu n’y arriveras pas ». La propension à prendre des risques est moins naturelle dans la mentalité française, il est vrai. Cependant, en moins de 10 ans, la France a considérablement évolué. Le dernier sommet Choose France par exemple démontre bien l'attractivité de la scène tech française pour les investisseurs et talents étrangers. Mais j’ai pu constater aussi une évolution réelle des mentalités en France vis-à-vis de l’entreprenariat. Les Français ont désormais une “Can do attitude” qui leur permet de viser plus haut et plus loin.  

 

Aux États-Unis, seulement 2 % des start-ups tech sont fondées par des femmes.

Quels sont les défis que vous avez rencontrés en tant que femme évoluant dans le domaine de la technologie et de l'innovation, tant aux États-Unis qu'en France ?

Il est encore difficile d’évoluer dans l’entreprenariat quand on est une femme, d’autant plus quand il s’agit de technologie. Aux États-Unis, seulement 2 % des start-ups technologiques sont fondées par des femmes - un chiffre qui reste relativement similaire à l’échelle internationale et qui n’a quasiment pas évolué depuis 2015. À cela, s’ajoute que seul 1 % capitalise ces startups… Ce qui signifie qu’en tant que femme, vous avez potentiellement la moitié moins de financement disponible sur le marché par rapport à un homme. Ces statistiques témoignent des obstacles persistants pour les femmes dans ce secteur. Malgré les initiatives et les mouvements visant à changer les choses, les fonds d’investissement restent largement dirigés par des hommes. Je pense que moins de femmes osent se lancer dans l’entrepreneuriat, surtout dans des domaines comme la technologie, en raison de ces disparités qui rendent ces secteurs moins attrayants pour elles. Mais le temps joue en la faveur de la parité et de la diversité. Il faut être patient. Les mentalités évoluent et les changements sont malgré tout palpables.

 

La French Tech de New York en pleine conférence

 

Il existe une relation historique et économique entre la France et les États-Unis.

 

Comment percevez-vous le paysage actuel de la French Tech à New York et quelles sont ses perspectives d'avenir ?

Il existe une relation économique historique entre la France et les États-Unis. Peu importe les changements politiques de part et d’autre, ces relations demeurent stables depuis des années. Les États-Unis restent un lieu attractif pour les start-ups, et l’image des Français s’est considérablement améliorée. Avec l’arrivée de nombreuses entreprises et startups sur le sol américain, la qualité des projets et la préparation des entrepreneurs pour faire face aux investisseurs et aux partenaires commerciaux américains ont nettement augmenté. Cette évolution représente un changement significatif par rapport aux dernières années. La France commence également à gagner en visibilité sur la scène tech internationale, ce qui n’était pas toujours le cas par le passé.

Aux États-Unis, des centaines de milliers de start-ups voient le jour chaque année, et le nombre de « licornes » est impressionnant. En comparaison, la France compte une trentaine de licornes. Ce que je remarque avec la French Tech, c’est que trop souvent, la principale motivation des entrepreneurs français est de se faire racheter, une approche qui contraste avec la mentalité américaine axée sur la croissance et l’expansion à long terme. C’est pour cela que la mission des communautés French Tech comme celle de New York est importante : infuser d’autres mentalités et pratiques dans l’esprit entrepreneurial français. Nous constituons avec tous les autres acteurs de la diplomatie économique française en Amérique du Nord, un support fondamental qui contribue au succès de ces startups.


Quelles sont, selon vous, les « clefs du succès » pour les entrepreneurs français souhaitant s'implanter et réussir dans l'écosystème tech de New York ?

Je ne prétends surtout pas détenir les clefs du succès, mais en me basant sur ma propre expérience, notamment en tant que conjointe d’un entrepreneur, je dirais qu’il est essentiel de bien préparer son expatriation. Lorsque vous partez en famille, il est crucial que chacun soit impliqué dans le projet, que les règles soient claires et que tous les membres de la famille soient alignés. J’ai observé de nombreux couples rencontrer des difficultés parce que le rythme de développement sur le marché américain est très différent de celui de Paris, ce qui peut provoquer des tensions à la maison et nuire à la progression du projet. 

Ensuite, d’un point de vue professionnel, je soulignerais l’importance de l’expression « Know before you go » . Il faut comprendre ce dans quoi vous vous engagez. Avant de vous rendre aux États-Unis, de rencontrer des investisseurs et d’élaborer votre stratégie go-to-market, il est essentiel de vous renseigner sur les différences en termes de fiscalité, RH, la composition du conseil d’administration, la communication ou le marketing. Cette préparation préalable permet d’éviter de devoir tout modifier par la suite, ce qui peut entraîner une perte de temps, d’énergie et d’argent. Il est donc conseillé de consulter des avocats, des professionnels et des experts-comptables le plus tôt possible. C’est ce que je m'efforce de faire aujourd’hui: mettre mon expérience et mon réseau d’experts aux Etats Unis à la disposition des startups françaises pour les aider à anticiper au mieux ces changements et les intégrer au plus tôt dans leur processus de développement. 

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