Lepetitjournal.com : Pour protéger son conjoint lorsque l'on part vivre à l'étranger, le plus simple n'est-il pas de se marier et d'établir un contrat de mariage ? Le PACS apporte-t-il des garanties suffisantes ?
Maître Dorothée Martel-Reison : Pour protéger l’autre, le mariage est incontestablement le moyen le plus efficace, où que l’on se trouve. Le contrat de mariage est ce qui permet d’établir les « règles du jeu » pendant le fonctionnement du mariage, notamment au moment d’une acquisition. Lorsqu’un couple est mobile dans le monde, le contrat permet de fixer ces règles du jeu, et évite que le régime matrimonial soit gouverné par des règles subies et non choisies par les deux époux. Le Pacs est un contrat pour des couples qui ne souhaitent pas forcément une protection aussi aboutie que celle procurée par un mariage, et ce pour des raisons variées, qui dépendent de chaque situation particulière. Le survivant partenaire d’un Pacs, en contrepartie d’une plus grande indépendance, d’une plus grande liberté que dans le mariage, sera moins garanti en effet.
Les couples français ayant établi une donation entre époux en France, par exemple lors d'achat immobilier, peuvent-ils voir ce dispositif remis en question en partant s'installer dans l'Union Européenne voire dans un pays tiers ?
D’une manière générale la donation entre époux, procédé juridique très franco-français, est à éviter dans un contexte international ; on lui préfèrera le testament, qui devra bien entendu être établi valablement et donc de préférence en prenant conseil auprès des professionnels (notaires, lawyers, ou autres autorités compétentes selon où l’on se trouve), pour être assuré de son exécution au décès.
Pour les successions, il existe des juridictions plus ou moins favorables aux intérêts du conjoint en cas de décès selon les pays où l'on réside. Est-il possible de choisir la loi de sa nationalité uniquement ? Par exemple si Monsieur X, ressortissant français ayant sa résidence habituelle à Barcelone décède. Quelle loi s'appliquera ?
Tous les pays de l’Union Européenne à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande, ont signé le règlement dit « successions » : cela signifie que tous ces pays obéissent aux mêmes règles de loi applicable au moment de l’ouverture d’une succession sur leur territoire : dans votre exemple, Monsieur X a sa résidence habituelle à Barcelone au moment de son décès, c’est donc la loi espagnole qui s’appliquera. A la nuance près qu’en Espagne, plusieurs lois s’appliquent dans les différentes régions d’Espagne…Pour éviter l’incertitude, ou parce qu’il préfèrera ce qu’il connaît le mieux, Monsieur X pourra, puisqu’il est français, choisir dans la forme d’un testament, sa loi nationale, la loi française, pour régir sa succession.
La situation sera-t-elle différente pour le conjoint s'il vit à Pékin par exemple ?
Si Monsieur X a eu sa dernière résidence à Pékin, et qu’il n’avait plus aucun rattachement avec la France, c’est le notaire chinois qui sera compétent pour régler la succession car la loi chinoise s’appliquera. Si Monsieur X a indiqué dans un testament qu’il choisissait la loi française pour sa succession, le notaire chinois, qui n’est pas tenu par le règlement, ne sera pas obligé de le respecter ! Il convient dans ces cas-là de consulter le notaire étranger, pour anticiper.
Monsieur Y, de nationalité française, a sa résidence habituelle à Bangkok. La grande majorité de son patrimoine est en France mais il souhaite protéger son épouse thaïe. Comment faire ?
Monsieur Y pourrait choisir la loi française (sa loi nationale) pour sa succession ; mais la Thaïlande ne respectera pas forcément ce choix de loi, qu’elle ne connaît peut-être pas ; donc comme précédemment, Monsieur Y aura tout intérêt à consulter le juriste compétent à Bangkok pour savoir ce qui peut arriver, et s’adapter aux règles de son pays de résidence pour protéger son épouse.
Le droit successoral issu du droit musulman prévoit qu’un non musulman ne peut pas hériter d’un musulman et réciproquement, ou encore réserve une part successorale bien inférieure pour les femmes que pour les hommes. Faut-il prendre des dispositions particulières pour sa conjointe en cas d'expatriation dans des pays où le droit musulman s'applique ?
La règle du « renvoi » en droit international privé évite précisément ce type d'inconvénient ; par exemple : un Français est résident au Maroc au moment de son décès, mais il n’a jamais pensé, ni souhaité, que sa succession soit soumise à la loi du Maroc, laquelle contient des règles culturellement « surprenantes » pour des Français : sa succession devrait normalement être réglée selon la loi marocaine, mais le Maroc, pays tiers au règlement successions, renvoie à la loi nationale du défunt, la loi française.
https://www.notaires.fr/fr/guide-juridique-de-lexpatriation