Rapidement après l’arrêt de l’entretien des espaces verts dû au circuit-breaker, la nature a commencé à reprendre ses droits un peu partout à Singapour, sous les yeux ébahis de nombre de ses habitants.
Après plusieurs semaines de circuit-breaker, l’absence d’entretien des espaces verts a mené Singapour à se révéler sous un nouveau look… plus rustique ! En effet, qui n’a pas remarqué ces parterres de végétation luxuriante et ces fleurs sauvages abonder sur les bords des chemins ? Sans parler de l’épanouissement d’une multitude de petits animaux qui dépendent de ces plantes, en particulier les papillons, pourtant en déclin à Singapour. Le spectacle de cette nature qui a repris ces droits l’espace de quelques semaines dans la Cite-Etat a ému toute une partie de la communauté, tandis qu’une autre s’en est insurgée. Les uns réclament le maintien d’espaces sauvages non-entretenus dans la ville, alors que les autres dénoncent la négligence des autorités face au risque de voir proliférer des animaux nuisibles. Le débat est soulevé : Singapour doit-elle conserver des espaces verts sauvages en centre-ville ? Le look rustique de la ville fera-t-il partie intégrante du new normal ?
Avant d’aborder la position des autorités à ce sujet, lepetitjournal.com a souhaité revenir sur le mode de vie des papillons, leur rôle au sein de l’écosystème, ainsi que les causes de leur déclin, afin de mieux comprendre les enjeux d’une telle requête.
La vie et le rôle des papillons
Les papillons sont les insectes de la famille des lépidoptères. On distingue les espèces diurnes, aux ailes colorées et les espèces nocturnes (moths), aux couleurs plus ternes. Les papillons ont un développement holométabole (métamorphose) en 4 phases : œuf, chenille, chrysalide (croissance souvent effectuée dans un cocon), imago (papillon). La métamorphose complète prend entre 2 et 3 semaines. Les adultes vivent 2 à 4 semaines. Certains lépidoptères peuvent vivre jusqu’à 6 mois. 99% des espèces de papillons sont phytophages. Les chenilles se nourrissent de feuilles tendres, ce qui leur vaut souvent mauvaise réputation. Les adultes quant à eux, sont équipes de pièces buccales spécialisées, en forme de trompe (proboscis), qui leur permettent d’aspirer le nectar de plantes à fleurs. Certains se nourrissent également de fruits en décomposition, de déjections d’oiseaux ou de purin d’animaux. Les papillons assurent donc les rôles de décomposeurs et de pollinisateurs naturels. Leur régime alimentaire peut aussi se limiter à une ou plusieurs espèces de plantes à fleurs, impactant également la survie d’autres insectes, mammifères, oiseaux et reptiles. Les lépidoptères sont par conséquent très vulnérables aux facteurs de dégradation de leur environnement et constituent de véritables bioindicateurs de « l’état de santé » d’un écosystème.
(G) A Common Grass Yellow feeding on the flower of the Coat Buttons (butterflycircle.blogspot.com)
(D) A Blue Pansy feeding on the flower of the Coat Buttons (butterflycircle.blogspot.com)
Les causes du déclin des papillons à Singapour
Le développement de Singapour depuis le début du 19eme siècle lui a coûté quelques 98% de sa surface forestière. Ceci a évidemment eu un impact majeur sur les populations animales de l’île, en particulier les insectes. Avec la déforestation, de nombreux habitats naturels ont été détruits. Sur les 381 espèces de papillons enregistrées à Singapour, seules 240 ont été vérifiées au cours des 6 dernières années. Même si Singapour reste aujourd’hui une ville « verte », la majorité des plantes ornementales qui agrémentent les parterres, les bordures de routes et les parcs sont des variétés importées, auxquelles les papillons ne sont pas forcément adaptés. Les plantes-hôtes des papillons sont également victimes du désherbage intensif. D’autre part, les insecticides dit « biologiques », à base de bacille de Thuringe (Bacillus thuringiensis ou Bt), utilisés dans le cadre de la lutte anti-moustiques, sont toxiques pour les lépidoptères. Le développement des papillons est aussi impacté par les insecticides et désherbants visant à éliminer les chenilles et leurs plantes de prédilection. Enfin, le réchauffement climatique a tendance à affecter la taille, la couleur et les ornements des ailes, ainsi que les capacités migratoires des insectes. Les pollutions aérienne et lumineuse ont également un impact très néfaste, les dernières affectant particulièrement le cycle de vie des papillons de nuit.
Les atouts des espaces verts dans la ville
Outre la protection de la biodiversité, la communauté en faveur du projet de conservation de zones sauvages avance de nombreux arguments. Elle souligne notamment que : l’environnement naturel est bénéfique au bien-être et à l’immunité des habitants ; les espaces naturels sauvages stimulent la créativité et offrent un sentiment de liberté ; les individus ayant accès à un espace vert sont plus performants dans leur travail. Par ailleurs, c’est aussi le côté social qui est mis en avant avec l’idée que les zones végétalisées peuvent aider à « reconnecter les communautés et raviver des relations de bon voisinage, un point faible souvent montré du doigt à Singapour ». C’est notamment le constat qui est fait au sein des jardins partagés aux alentours de quelques logements HDB. C’est aussi ce que remarquent les habitants qui se portent volontaires pour aider les quelques agriculteurs urbains (cultures hydroponiques) établis sur le toit de certains immeubles.
La réponse des autorités singapouriennes
« Let’s make Singapore our garden » est la volonté affichée de National Parks (conseil statutaire du gouvernement) d’étendre et de protéger les espaces naturels dans la ville. Depuis plusieurs années, le conseil a mis en place un certain nombre de mesures visant à attirer et soutenir les espèces locales d’insectes, d’oiseaux et de petits mammifères. Un effort particulier a été porté à l’amélioration des habitats, par la restauration des parcs, ainsi que par la mise en place d’espaces naturalisés et de plantations sur plusieurs niveaux le long des routes, recréant la structure naturelle des forêts. La réintroduction d’une couverture végétale apportant nourriture et abris pour les papillons, les abeilles et d'autres pollinisateurs tels que les Nectariniidaes (sunbirds), est également en cours de mise en œuvre. Les représentants de National Parks ont récemment déclaré que ces travaux reprendraient petit à petit après l’assouplissement des mesures du circuit-breaker. Par ailleurs, en réponse au risque de voir proliférer les espèces nuisibles, un certain nombre de moyens de lutte naturelle (en place ou à l’étude) mériteraient d’être mis en avant. Il s’agit notamment du rôle que jouent certains insectes comme les libellules, classées parmi les principaux prédateurs des moustiques.
Liens utiles :
Rejoignez le Club des lecteurs contributeurs !
Suivez-nous sur Instagram, likez notre Page Facebook et abonnez-vous à notre newsletter !