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Linda Kurtovitch : une artiste en mouvement

nouvelle-calédonie danse spectacle Linda Kurtovitchnouvelle-calédonie danse spectacle Linda Kurtovitch
©GregoryRousset
Écrit par Clotilde Richalet
Publié le 20 décembre 2020, mis à jour le 18 février 2021

S’ils ont quitté la Nouvelle Calédonie : la Nouvelle Calédonie ne les a jamais quittés. Éloignés pour quelques semaines ou plusieurs années, ils sont la preuve que l’on peut avoir des racines et des ailes. Partons ensemble à la rencontre de ces Calédoniens explorateurs, voyageurs, créateurs…

Aujourd’hui j’ai RDV avec Linda Kurtovitch : Danseuse Art-Thérapeute

Lors de notre rencontre courant Octobre, Linda est en résidence à La Cité Internationale des Arts à Paris, lieu emblématique de la création s’il en est. L’air est frais et nous nous installons en terrasse, mais la passion de vie de Linda va vite raviver nos ardeurs et embraser notre conversation.

 

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© Clotilde Richalet Szuch 

 

Les origines du rêve

« J’ai voulu être danseuse depuis l'âge de 4 ans. » commence Linda.

Dès son plus jeune âge elle observe ses parents qui pratiquent l’Aïkido, cet art martial extrêmement graphique et esthétique. De ces envolées dans la pratique du sport elle aime le mouvement des corps. Elle l’annonce à ses parents : elle fera de la danse volante.

C’est par la danse classique qu’elle commence son apprentissage. Elle est convaincue que c’est sa voix et à l’âge de 9 ans elle passe l’audition de l’Opéra de Paris. C’est à ses 15 ans qu’elle part en internat faire Danse-Etude pour pouvoir pratiquer son art 15 heures par semaine. Plus tard c’est la Nouvelle-Zélande qui l’attire pour une formation plus portée sur la danse contemporaine et la réflexion sur l’art et la chorégraphie. Sa première embauche est pour une compagnie Hip-Hop, et comme une suite logique elle évolue ensuite pendant 4 ans au sein de compagnies locales en Nouvelle-Calédonie comme celle de Sthan Kabar-Louet ou de Richard Digoué pour ne citer que celles là. 

Après une remise en question dues à des blessures au corps, Linda s’éloigne de ces premières expériences.

 

L’instant décisif : le traumatisme comme élément moteur de la création artistique

En 2006 Linda a été prise dans une émeute à Nouméa. La jeune femme se voit mourir ce soir-là: « Ma voiture était une épave, j'ai pu m'échapper mais ça m'a vraiment traumatisé. »

A cette période Linda commençait à donner des cours de danse à des enfants. Pendant un de ces cours elle a eu comme un déclic : une envie de transmettre la danse à des personnes fragilisées, et aussi de transmettre par la danse des émotions à des personnes qui ne vont pas bien. Probablement un écho à son propre traumatisme.

Linda est alors partie en Belgique où elle a trouvé une formation spécialisée pour artistes qui veulent travailler en milieu d'aide, d’accueil et de soins.

Je suis devenu art-thérapeute. J'ai évolué dans une équipe d'artistes qui vont en pédiatrie 19 heures par semaine et moi je dansais au pied du lit des patients.

L’Art-Thérapie n’existait pas à Nouméa. En 2013, elle a eu envie de transposer son savoir chez elle.  Elle a monté une association et engagé des artistes plasticiens avec qui elle a œuvré en pédiatrie. Elle a ainsi transmis sa passion pour la danse dans les milieux fragilisées, et en priorité pour les enfants hospitalisés et pour les enfants autistes.

 

 

Duo avec un Moustique

En 2010 Linda crée un solo nommé :  "Duo avec un moustique", création qu’elle interprètera pendant 4 ans.

Le trailer du spectacle ici.

Les inspirations dans sa danse sont diverses, bien sûr il y a cette esthétique visuelle des arts martiaux qui lui vient de son enfance mais également toutes les danses traditionnelles indiennes, les danses des Balkans autant que les danses traditionnelles océaniennes ou des pays africains…

Quand je lui demande ses sources d’inspiration Linda me répond : « la vie », et ensuite elle ajoute « la mort ».

J'aime qu'on soit en lien avec le corps, pour moi s'il y a une raison d'être sur terre c'est bien qu'on a une enveloppe et que cette enveloppe on doit la transcender.

Linda a besoin de sens et de donner un sens aux choses. Pour elle l'endroit entre le ciel et la terre : c'est notre corps.

Femme forte et fragile à la fois, Linda est un paradoxe entre cette énergie brute et affirmée qui se dégage d’elle, et un discours et une sensibilité à fleur de peau. Elle me confie que paradoxalement à ce dynamisme apparent, elle a besoin de lenteur quand elle danse, pour que les choses se posent et prennent leur place.

 

Son rapport au Centre Culturel Tjibaou

Linda a également une formation en management culturel, et elle a été responsable du Département Spectacle du Centre Culturel Tjibaou pendant 2 ans avant de venir à Paris en résidence de création à la Cité Internationale des Arts.

Elle se rappelle :

Quand le centre était encore en chantier, nous avions pu allé le visiter. C'était vraiment magique de se dire qu’allait sortir de terre un lieu où ensemble toutes les cultures océaniennes allaient pouvoir vivre ensemble et devenir un centre stratégique.

Aujourd’hui en tant qu'artiste Linda souhaiterait que le Centre « nous mette en lien avec plus d'artistes du Pacifique ; qu’on ait plus de master-class, de rencontres, que ce soit encore plus ouvert ! », et en tant que danseuse elle me confie que c'est une chance de danser là-bas tant la salle est magnifique.

 

Le mouvement

Quand je demande à Linda ce que lui inspire le mot « mouvement » elle me parle aussitôt des populations nomades, et des mouvements géographiques des migrateurs océaniens qui voyageaient : d’un village à l’autre, d'une tribu à l'autre, d'une île à l'autre, et aussi de l'Europe au Pacifique.

Linda est issue d'une grande lignée de voyageurs, cela fait 7 générations que sa famille est en Calédonie mais ils ont toujours voyagé.  Linda porte ça dans ses gènes me dit-elle. Aussi trouver un nid peut être compliqué. Un héritage nomade parfois lourd à porter?

Peut-être qu'à force d'avoir dit que je faisais de la danse volante : je me suis envolée…

Et c’est pleine de passion et de douleur que Linda me parle de son pays et de son futur.

Le mouvement pour moi c'est le secret de la vie. Sans mouvement il n'y a pas de vie. Et c'est ce que je souhaite pour mon pays : que nous nous mettions en mouvement avec bienveillance.

 

Son œuvre emblématique

C’est avec beaucoup de modestie que Linda me dit qu’elle se trouve trop jeune dans son œuvre pour parler "d’œuvre emblématique" ou même pour se qualifier elle-même de chorégraphe.

Mais si je ne dois parler que d'une de mes oeuvres:  je vais parler d'une qui n'existe pas encore qui s'appelle “O MAMA” !

Cela parlera des femmes. Il y en aura au minimum 6. C’est un travail qu’elle avait commencé à produire pour les Nuits Blanches de Bruxelles en 2012, une performance qui parlait de la figure de Marie, de Marie-Madeleine et de Madonna !

Mais pour l’heure c’est d’un solo dont il s’agit. Elle le prépare depuis sa résidence de création à le CIA; résidence qui a été rendu possible, entre autres, grâce à l’appui de POEMART. (sortie prévue en juin 2021 à Nouméa).

 

Je remercie Linda pour cet échange intense, une artiste passionnée en création permanente, et semble t-il en mouvement perpétuel. 

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© Clotilde Richalet Szuch 

 

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