Hiandjing est un Sculpteur Tribal Kanak mais pas que. Son univers et son histoire sont uniques, comme son art. Artiste et Homme constamment engagé et inspiré par ses racines, il aime partager l’histoire et les coutumes de son île.
J’ai eu le plaisir de passer l’après-midi chez Hiandjing dans son Périgord d’adoption. Après avoir discuté chez lui, j'ai pu visiter son atelier et il m'a montré des pièces magnifiques. Ses sculptures sont empreintes de culture et de tradition tout comme lui. Hiandjing sculpte le bois, dont j’ai pu admirer quelques pièces, mais aussi la pierre ou le bronze.
Mais commençons par le commencement!
Une naissance et petite enfance pas comme les autres
Hiandjing est né dans la tribu de Tendo à Hienghène, et dès sa naissance son histoire extra-ordinaire commence :
A la naissance on m’a donné un prénom et quand on m'appelait par ce prénom j'étais toujours malade. On m'a fait venir dans une autre tribu et on m’a fait renaitre pour me donner autre prénom: Hiandjing.
Son premier prénom fut banni de la bouche des gens, lui-même ne s’en souvient plus aujourd’hui. Et même en questionnant ses oncles ou sa famille, personne ne lui dira jamais son nom de naissance.
C'est ainsi qu'il renait à 4 ans avec son nouveau prénom Hiandjing.
Il a donc été adopté par une famille d’un autre clan. L’“ adoption coutumière ” est une pratique répandue dans la société kanak, où un nouveau-né peut être élevé par une autre famille que celle de sa naissance. Ce mode d’adoption est entièrement régi par la coutume kanak, culturellement rattachée à la communauté mélanésienne du Pacifique.
Le premier rêve et la réalisation de son don
Sa première sculpture est très mystérieuse puisque tout commence dans un rêve.
Pour résumer en quelques mots, une nuit Hiandjing a fait un rêve. Et au réveil : il a sculpté un bloc de pierre. « Je ne sais pas comment mais j'ai sculpté ce caillou. »
Dans ce rêve, il traverse une forêt où il rencontre un groupe d'hommes qui lance des cailloux dans le vide. Un des hommes lui confie un caillou, il fait demi-tour et retraverser la forêt avec ce caillou dans sa main : le poing serré.
Quand il se réveille le poing est toujours serré mais le caillou n'est pas là. C’est ce jour-là que chez un ami qu’il commencera à gratter un caillou avec un tournevis et que les formes apparaitront.
J’ai longtemps cherché à comprendre pourquoi je sculpte.
Personne n'a jamais réussi à lui expliquer, les vieux Kanaks lui raconte des histoires, comme des leçons desquelles il doit tirer les conclusions et les explications ; tous parlent par métaphore.
« Je ne sais pas dessiner mais si tu me donnes un bout de bois je vois la forme, je l'imagine et je peux la créer. »
Son oncle lui explique que c’est normal qu’il voit des images dans ses rêves, comme des flashs, des images de lieux en Calédonie. Il lui explique que la flèche faitière du Nord a été sculpté par sa grand-mère et que tout cela est dans les gênes, dans le sang.
Ainsi à chaque fois qu’il faisait un rêve, il le sculptait au réveil.
Les créations et inspirations à l’âge adulte
La spirale de vie : le ballet des masques
La spirale de vie est le thème d’un spectacle et d’une exposition, et représente le cycle de la naissance, la vie et la mort, dans le monde physique comme dans le monde spirituel. Cette création de 45 minutes est un hommage à ses racines et à la culture Kanak.
Les différents masques créés par Hiandjing :
- masque de la forêt : qui représente les personnes qui nous aide à grandir et qui nous ont élevé
- masque de l’esprit : qui représente la bienveillance, l’esprit qui t’anime pendant ta vie
- masque du feu : qui fait partie de tes colères, des moment où l’on ne va pas bien
- masque de la terre : qui représente nos racines ancrées quelque part dans le monde
En tout, il y a 7 masques pour les 7 vies. Hiandjing est né le 7 de la 7 eme lune et de la 7 eme marée.
Dans une sculpture de masque : le nez représente la vie. Les yeux sont l’avenir. Le nez est le souffle de la vie. La bouche est la parole. Sur les chambranles, les gros nez sont donc signe de souffle de vie.
C’est aussi un récital où Hiandjing a voulu raconter son histoire, l’histoire de son adoption par une autre tribu quand il était bébé. Et aussi l’histoire de son père : gardien de la Pierre de Lune, qui raconte comment l'homme est né. Aux origines du monde la lune offrit sa dent sur un rocher qui émergeait des océans. Quand elle est tombée dans l’eau et s’est dissoute, les premiers être vivants sont apparus. Ceux qui restèrent sur le rocher se transformèrent en lézards, les Bai, clan de la terre. Ceux qui glissèrent dans l’eau devinrent anguilles et serpents, les Dui, clan de la mer.
Travail sur la Case
La case est la base de la Coutume Kanak. Il faut savoir la lire. La façon dont sont plantés les poteaux, comment sont posées les attaches, comment les poteaux tiennent entre eux. Ce sont les Liens qui sont importants. Et les nœuds définissent les Liens.
Pour sa première exposition, Hiandjing a travaillé sur le pilier central ; ensuite sur les cordages qui lient toutes les personnes ensemble. Chaque poteau défini quelque chose de précis et la façon dont il est attaché a une signification particulière.
Pour sa deuxième exposition, il travaille sur les attaches. Qui sont différentes selon les familles, elles représentent toutes des liens entre les personnes, et les nœuds vont donc être fait différemment.
Sa troisième exposition est un travail sur les interdits. Les sculptures, les masques, les chambranles, les flèches laitières ne sont pas pour tout le monde. Généralement ils sont réservés pour les « vieux », les sages de la tribu. Et la sculpture va protéger l’esprit d’un lieu.
Les expositions
Résidence d’artiste à Laongo au Burkina Faso
Performance à la tronçonneuse à Foussais-Payré
Résidence Forest Art en Guyane
Expo Brassage à la Mairie de Paris. Via la Maison de la Nouvelle Calédonie
Bloc au Lapidiales
Découverte du granit à Sain Jal
Mégalithe et Pierre magique
Ma rencontre avec Hiandjing a été extrêmement enrichissante humainement et culturellement. Je le remercie de sa générosité durant ce moment de partage. De son accueil chez lui jusqu'à la visite de son atelier j’ai été immergé dans un monde Kanak qui m’a absolument transporté !