De la série « Sex and the city » au « Museum of sex », le mot sexe s’affiche en néon rouge dans la ville de New York, emblème d’extravagance et de liberté. Mais il faut repartir dans les années 60, date à laquelle est née la libération sexuelle aux États-Unis pour comprendre comment cette ville, marquée comme le reste du pays par un puritanisme évident, est devenue la capitale de la liberté et des possibilités.
Une révolution sociétale et sexuelle
Dans les années 60, la pilule contraceptive est mise en circulation aux États-Unis. A la radio, dans les magazines, on parle plus librement des relations hommes/femmes. La littérature sulfureuse d'Henry Miller et de sa maîtresse Anaïs Nin circule partout. On commence à percevoir une nette augmentation des divorces et l'essor de l'union libre. Sur la côte Ouest du pays, né le mouvement hippie et son fameux slogan « Peace and Love ». Alors que le pays est en guerre contre le Vietnam, les jeunes commencent à choisir l’amour plutôt que la guerre. L’amour, on le célèbre, on l’écrit, on le chante, on le fait. Des communautés libertaires expérimentent la promiscuité sexuelle et l'amour libre. En 1968, le festival de Woodstock en est le témoin.
À la fin des années 60, New York est le théâtre de cette transformation sociétale, de cette révolution sexuelle, de ce nouveau souffle de libérté. Les artistes en première ligne. Robert Mapplethorpe découvre la photographie alors qu’il explore les limites de sa sexualité aux côtés de la scène gay new-yorkaise libérée et underground, dans les clubs miteux Mineshaft et Anvil où se déroulent alors les soirées SM, fétichistes et autres passes. Alors en couple avec la future chanteuse Patti Smith, il fait régulièrement des allers-retours entre le Chelsea Hotel, où le jeune couple vit, et Time Square, alors haut temple de la prostitution new-yorkaise. Ensemble, ils sont les précurseurs d'un rejet des normes, de la dichotomie du genre et de la sexualité bien rangée. Du moins, Smith accepte par amour, la quête sexuelle de Mapplethorpe. Ensemble, ils sont ce que des millions d’autres jeunes adultes recherchent : la liberté.
Œuvre de Robert Mapplethorpe
Comme une injonction à la tolérance, la sexualité libérée de Robert Mapplethorpe ramène aux prémisses de la révolution gay. Car si elle est une préférence sexuelle, l'homosexualité est alors aussi une revendication, un comportement, une identité à part entière et qu'il faut à tout prix défendre. Là encore, la communauté peut compter sur le monde artistique. D’Andy Warhol à Mapplethorpe, de Keith Haring à Allen Ginsberg, l’un des fondateurs de la Beat Generation.
Cette sexualité, Mapplethorpe l'a déifiée dans son art. Ses nus masculins continuent de nourrir controverses et débats enflammés. Après le mantra de l'amour libre érigé par les sixties, la décennie 70 a prôné haut et fort le plaisir sexuel pour en faire son mot d'ordre. La liberté passait par la sexualité, ouverte, déviante, décuplée. Bref, une vision du monde duelle et hédoniste, à la limite artistique.
Le New York des années 1970 évoque systématiquement un cool immuable, éternel. Bien avant l'avènement d'internet, la mode, l'art et la musique se déploient en souterrain, à l'ombre du regard déplacé des maisons de production. L'underground vit son âge d'or. New York est en pleine explosion, en pleine création. Elle gagne son galon de ville de liberté.
À la fin des années 70, la libéralisation sexuelle se banalise. Elle ne prend plus l'allure d'une revendication militante mais la forme d'une démocratisation plus souterraine. C'en est fini du puritanisme. Du moins en apparence.
La revendication gay
À New York, les années 70 sonnent aussi la libération homosexuelle et avec elle, une certaine ouverture d’esprit. Est-ce à ce moment-là que New York est devenue la ville des possibles ? En 1969, né à New York le Gay Liberation Front. Dans les années suivantes, et de l’autre côté du pays, en Californie, une communauté homosexuelle se forme et consacre un style de vie nouveau, revendiqué comme tel, avec ses clubs, ses modes vestimentaires, ses styles musicaux. La « mode » gay apparaît. A l'université, des « gay and lesbian studies » s'implantent aux côtés des autres domaines d'études consacrés aux minorités tels que les « feminist studies » ou les « cultural studies ».
L’arrivée du VIH, au début des années 80, glace la communauté gay américaine. À la base de cette épidémie qui semble toucher uniquement la communauté gay, un virus inconnu. Avant qu’il ne soit découvert, on parle de « gay cancer ». Il emporte des milliers de personnes. Parmi les new-yorkais célèbres à en mourir. Robert Mapplethorpe. Paradoxalement, le sida a peut-être joué en faveur de la reconnaissance de l'homosexualité.
À l’aube des années 90, une nouvelle chasteté et contre-révolution morale s’installe aux États-Unis. Un courant néoconservateur se mobilise contre les dérives du libéralisme sexuel. Ils continuent aujourd’hui, à se battre contre uen autre forme de liberté : celle de disposer de son corps.
Toujours plus de tolérance
Plus tard, la ville de New York, l’une des plus tolérantes au pays de l’oncle Sam ouvre la voix au combat transgenre. À New York, en 2015, il est possible de changer de sexe, ce marqueur humain mais aussi ce marqueur social. La ville de New York, réputée parmi les plus progressistes des États-Unis, a été la première ville américaine à délivrer, en 2016, un acte de naissance portant la mention « intersexe ». Un an plus tôt, sous l’influence du président d’alors, Barack Obama, il est possible de changer son sexe sur son acte de naissance. Entre 2015 et 2017, quelque 700 new-yorkais ont fait effectuer cette modification. 55% se sont fait enregistrer comme étant du sexe féminin alors qu’ils étaient nés masculins, tandis que 45% étaient initialement des femmes demandant à être désormais des hommes. Parmi les postulants, 41 étaient mineurs et ont fait la démarche avec le consentement de leurs parents.
À New York, il soufflera toujours ce vent de liberté. La liberté d’être qui on souhaite. La liberté de changer de sexe.
« Poppy » 1988, Robert Mapplethorpe