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À New York, le covid-19 bouleverse le marché de l’immobilier

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Christophe Bourreau, directeur associé de BARNES New York
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 6 avril 2020, mis à jour le 7 avril 2020

Afin de comprendre le marché immobilier de la ville de New York, épicentre du coronavirus aux États-Unis, notre édition est partie à la rencontre de Christophe Bourreau, Directeur associé de BARNES New York. À la tête d’une équipe internationale de 12 personnes, le spécialiste de l’immobilier haut de gamme répond aux besoins et attentes d’une clientèle, elle aussi, internationale. Achat, vente, location, investissement locatif, l’agence est une référence new-yorkaise, mais aussi mondiale, dans le domaine de l’immobilier de luxe. Face au coronavirus, Christophe Bourreau nous raconte les changements de son métier mais nous parle aussi du marché.

 

Le métier de l’immobilier s’adapte

Dans les nouveaux bureaux de BARNES New York, investis début mars, on parle anglais, français, portugais, espagnol et chinois. Sauf que depuis la mi-mars, le silence règne dans l’open space. Christophe Bourreau et son équipe, comme l’ensemble des américains, se sont mis en mode télétravail. Pas simple pour des agents immobiliers ! Sinon une véritable innovation, mais aussi, une manière inédite d’appréhender leur métier.

« La crise, nous l’avons vu arriver de Chine en janvier » précise Christophe Bourreau qui compte de nombreux contacts au pays du soleil levant. Et de rajouter « en les écoutant, eux qui étaient en confinement très strict, nous étions surpris que les médias et les gouvernements occidentaux n’en parlent pas plus que ça ». Mais à New York, les affaires continuent, les biens immobiliers se vendent, s’achètent, se louent. À ce moment-là, Christophe Bourreau a un objectif : tripler en 2020 le chiffre d’affaires réalisé en 2019.

En mars, les choses se corsent et les consignes se durcissent face à la pandémie qui se dirige tout droit vers les États-Unis. Il faudra un mois pour en faire le pays au monde le plus touché par le nouveau coronavirus. Entre-temps, des règles sont imposées au niveau fédéral, de la ville et de l’état. Aux entreprises de s’y adapter ! Le 15 mars, le directeur de BARNES New York prend la décision de mettre l’ensemble de son équipe en télétravail : « on voyait le métro comme un danger » précise-t-il. Pas évident pour ce métier de contact. « La première chose très difficile dans notre métier est de ne plus serrer les mains ». Lors des visites, durant la courte période entre le moment où l’épidémie a été prise au sérieux aux États-Unis et la « pause » demandée par le gouverneur Andrew Cuomo, de nouvelles habitudes s’imposent peu à peu : « on ne prenait plus l’ascenseur en même temps que nos clients » précise Christophe Bourreau. L’ambiance se détendait tout de même lors des visites puisque BARNES New York propose des biens haut de gamme, et donc de beaux volumes où la distanciation sociale est plus aisément applicable.

Très vite, l’équipe se découvre un nouvel allié, sans doute comme de nombreux télétravailleurs. Zoom ! Les coups de fil généralement passés aux clients deviennent vite des rendez-vous Zoom. Le business prend une allure plus humaine. La proximité par écran interposé s’impose naturellement. Comme si finalement ce télétravail pesait à tout le monde et que chacun cherchait à se raccrocher à l’image de son interlocuteur. « On ne communique pas moins, mais mieux, grâce à l’image qui réduit les distances. »

La deuxième quinzaine de mars, BARNES New York a dû s’adapter : « tout s’est accéléré par tranches de 24 heures » relate Christophe Bourreau. Avec le « stay at home » demandé par le gouverneur, les visites d’appartements ne sont plus autorisées mais les acheteurs et les vendeurs, sont toujours là ! « Nous avons densifié notre palette d’outils marketing : le « virtual showing », les plans en 3D, la vidéo… ». Force est de constater que ça marche et que le marché, bien que ralenti, continue de fonctionner. Christophe Bourreau et son équipe ont fait plusieurs transactions grâce à ces nouveaux outils. De même, un de leur bien, affiché à 33 millions de dollars a déjà reçu plusieurs demandes. Gage que les acheteurs ont aussi plus de temps, aussi bien pour regarder que pour acheter.

Sur le marché de la location, là encore, le Français s’adapte. Avant que la pandémie ne vienne figer les États-Unis, des locataires avaient prévu de quitter leur logement, d’autres avaient prévu d’y entrer. « Les entrées et sorties des locataires se font au cas par cas. Dans chaque building, il faut désormais demander une autorisation au management ». Il y a aussi les baux à rediscuter. « Nous avions des locataires de la Caroline du Nord qui devaient entrer dans un appartement le 15 avril, mais avec le « travel ban » entre états, nous devons rediscuter les termes du contrat de location avec le propriétaire ». Chaque cas devient unique et le rôle de l’agent immobilier s’élargit. 

 

Négocier 15 à 20 % sur une transaction

Mais où va le marché ? Beaucoup font le parallèle entre la crise de 2008 et celle qui s’installe suite à la pandémie de Covid-19. Or en 2008, la crise était financière, alors qu’aujourd’hui l'origine de la crise se trouve dans l'économie réelle, c'est à dire que c'est la production elle-même qui est à l'arrêt ; il y a à la fois une crise d'offre et de demande. Aussi, à chaque crise, on se pose la question : comment va se porter le marché de l’immobilier ? 

Christophe Bourreau est arrivé chez BARNES en 2008, au début de la crise des subprimes. Il regarde l’actualité avec un certain recul et l’analyse avec lucidité. « Aujourd’hui, il y a un gel des transactions. 20 à 30 % des listings sont retirés » précise-t-il. Il faut savoir que, plus un bien est listé depuis longtemps, plus cela lui porte préjudice. Pour connaître la date de mise sur le marché d’un bien immobilier, il suffit de regarder ce que les agents immobiliers appellent dans leur jargon le « DOM » (days on the market). Il y a deux semaines, l’industrie immobilière s’est accordée pour arrêter les DOM, et donc, ne pas porter préjudice à des biens arrivés sur le marché au mauvais moment. 

Mais les ventes continuent, et c’est sans doute le moment pour les acheteurs de se porter acquéreur. Ces deux dernières semaines, Christophe et son équipe ont réalisé trois transactions immobilières, négociées entre moins 15 % et moins 20 %. Selon Christophe Bourreau « les vendeurs savent qu’ils ne vont pas avoir beaucoup d’offres, faute de visites possibles, donc les acheteurs en profitent et ils ont raison. Nous les conseillons sur des offres aussi agressives que possible et obtenons des termes que personne n’aurait imaginé il y a encore un mois ! »

Autre argument avancé par le Français en contact avec des investisseurs de l’Hexagone « il y a un an, plusieurs clients investisseurs aux profils très financiers m’ont dit sentir une récession arriver. Ils m’avaient alors dit qu’ils reviendraient vers moi à ce moment-là. En quelques jours, ils ont été six à m’appeler. Ils sont désormais prêts à investir ».

Dernier argument de poids, « contrairement à 2008, les banques ne vont pas fermer les robinets ».

Christophe Bourreau l’affirme, aujourd’hui, il est possible de faire des propositions d’achat jusqu’à moins 25 % du prix affiché. Un moment idéal pour les acheteurs et autres investisseurs...

Du côté du locatif, l’expert immobilier se réfère à 2008 où les Américains ne pouvaient pas acheter, faute de suivi des banques. Ce qui avait finalement été porteur pour le marché locatif. Son pronostic, suite à la crise sanitaire, là encore, le marché locatif devrait se renforcer. La montée spectaculaire des chiffres du chômage devrait impacter favorablement le locatif. Il y aura moins de prétendants à l’acquisition donc plus de prétendants à la location.

En ce début de mois d’avril et face à la polémique du gel de loyers demandé par de très nombreux new-yorkais pour les mois d’avril et de mai, Christophe Bourreau indique ne pas avoir été contacté par des locataires pour demander un délai ou pour demander un allègement du loyer, « nous recevons les loyers entre le 27 et le 4 du mois ; nous verrons bien dans quelques jours si nous avons des retards de loyer ». Comme l’ont indiqué le gouverneur Cuomo et le maire Bill de Blasio, les loyers sont dus, à chacun, les propriétaires, aussi bien que les locataires, de faire preuve de sagesse, de souplesse et de bonne entente.

En cette période hors norme, qu’il est toujours difficile de croire réelle, Christophe Bourreau pense à tous les entrepreneurs français qui ont traversé l’Atlantique pour vivre leur rêve et développer leur business. Tous ces petits business qui font vivre la communauté. Tous ces business dont le fondateur dépend pour travailler et pour vivre aux États-Unis. Son espoir : que les solutions proposées par le gouvernement fédéral soient suffisantes pour assurer la survie de ces entreprises, de ces restaurants et de ces boutiques. C’est avec beaucoup de sincérité et d’émotion qu’il pense à eux.

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