Médiateurs historiques dans le conflit israélo-palestinien, les Etats-Unis font preuve d’un interventionnisme modéré depuis l’attaque du 7 octobre mais les réactions de ses politiciens restent nombreuses. Dans moins d’un an, le pays retourne aux urnes afin d'élire son président. Et à l’heure où les candidats sont déjà en campagne électorale, cette problématique internationale pourrait bien peser pour remporter la Maison Blanche.
Les Démocrates divisés sur la question
Le président sortant Joe Biden est le favori à sa propre succession chez les Démocrates. Durant toute sa carrière politique, y compris lorsqu’il était vice-président des Etats-Unis de 2008 à 2016, il a toujours été un fervent défenseur de la cause israélienne. “Un sioniste dans le coeur” qui n’a pas hésité à se déplacer sur le territoire 10 jours après les attaques terroristes du Hamas. Il avait ainsi rendu visite à Benyamin Netanyahou. Début novembre, Joe Biden a préféré demander des “pauses tactiques” pendant les premières semaines du conflit, plutôt que de parler de cessez-le-feu. Une position qui ne fait plus l’unanimité chez les démocrates depuis une dizaine d’années, notamment chez les jeunes électeurs.
Plus récemment, son soutien sans faille pour Israël est à nuancer. Alors que les autorités militaires israéliennes prennent de plus en plus le contrôle de Gaza, le président des Etats-Unis a exigé que le principal hôpital de la zone - Al-Chifa - ne soit pas un lieu de combats : “J'espère et je m'attends à des actions moins intrusives à propos de l'hôpital. Il doit être protégé.”
Profitant de la cote de popularité en baisse de Joe Biden, âgé de 80 ans, et de la méfiance des électeurs face à son âge, l'homme d'affaires millionnaire Dean Phillips met tout en œuvre pour remporter l’investiture des Démocrates. Si l’actuel député est clair sur son soutien à la cause israélienne - “nous sommes avec Israël, la paix est notre mission” a-t-il scandé sur le plateau de CNN le 11 octobre dernier - il a aussi eu des mots pour les Palestiniens ces dernières semaines : “Nous devons avoir de la compassion pour les hommes, femmes et enfants palestiniens innocents lors des issues tragiques qui les touchent durant ce conflit.”
Le Parti Républicain rangé du côté d’Israël
Les Républicains semblent enfin unis sur un même sujet, quoique… Au lendemain de l’Election Day, les candidats à la primaire des Républicains se sont réunis à Miami le mercredi 8 novembre pour un nouveau débat, toujours sans la présence du favori et ex-président Donald Trump. Organisé en partenariat avec la très influente association conservatrice juive, la “Republican Jewish Coalition”, l’événement a été l’occasion pour les candidats d’afficher leur soutien à Israël.
Encore en vogue il y a quelques mois, Ron DeSantis a perdu peu à peu sa popularité que conserve l’ex-président des Etats-Unis. Pour se démarquer, le représentant républicain affiche alors des positions très fortes. Et son opinion sur le conflit entre Israël et le Hamas en est la preuve. S’il soutient Israël, il ose également critiquer les Palestiniens, en s’opposant à l’arrivée des habitants de Gaza outre-atlantique : “Les États-Unis ne devraient pas absorber ces réfugiés. Ils ont élu le Hamas, soyons clairs. Tout le monde n’est pas membre du Hamas, la plupart ne le sont probablement pas. Mais ils ont élu le Hamas.”
“La dernière chose que nous devrions faire, c'est dire à Israël quoi faire” - Nikki Haley, candidate républicaine
Ancienne gouverneure de Caroline du Sud, Nikki Haley, est la concurrente qui progresse dans les sondages depuis cet été. Par le passé ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, elle a toujours été explicite sur son soutien à la proclamation d’un Etat juif. Elle l’a fait savoir lors du 3e débat républicain : “La seule chose que nous devons faire est de soutenir l’éradication du Hamas. Israël n’a pas besoin des Etats-Unis. Ce sont les Etats-Unis qui ont besoin d’Israël. Israël est le fer de lance pour tout ce qui concerne ce terrorisme islamiste.”
Parmi les candidats qui affichent leur soutien inconditionnel à l’allié historique des Etats-Unis, Vivek Ramaswamy est le plus discret d’entre eux. L’entrepreneur américain de 38 ans avait proposé en août dernier de “réduire les financements à Israël au fur et à mesure que l’Etat hébreux serait reconnu par un plus grand nombre de pays du Moyen-Orient”. Une sortie qui avait suscité de vives critiques dans son camp. Deux semaines plus tard, il avait fait machine arrière en déclarant que l’aide militaire octroyée à Israël “est profitable pour les deux pays” et qu’elle serait poursuivie et “augmentée s’il est élu”. Au vu de l’actualité, cette dernière clarification a permis de mieux comprendre son positionnement favorable à Israël.
Malgré ses affaires judiciaires, Donald Trump continue d’être le candidat principal du parti Républicain. S’il ne souhaite pas se mêler à ses adversaires lors des débats, il multiplie déjà les meetings et chacune de ses sorties fait réagir. Cela n’a manqué le 12 octobre dernier lorsqu’il a qualifié le Hezbollah - groupe islamiste chiite et parti politique basé au Liban - de “très intelligent”. Ajoutant par la même occasion que “personne n'aurait imaginé s'aventurer en Israël, si l'élection (de 2020 - ndlr) n'avait pas été volée”.
Robert Kennedy Jr., l’indépendant pro-Israël
Le populiste anti-vaccin et neveu de John Fitzgerald Kennedy est un personnage intriguant qui compte jouer les trouble-fêtes durant la campagne présidentielle américaine. Voulant, un temps, briguer l'investiture des démocrates, il s'est finalement déclaré candidat indépendant et pourrait aussi récupérer quelques voix du côté des électeurs républicains, en particulier les jeunes et populistes. Au lendemain du 7 octobre dernier, il avait publié un communiqué de soutien à Israël : “Cette attaque ignominieuse, non provoquée et barbare contre Israël, doit être accueillie par une condamnation mondiale et un soutien sans équivoque au droit de l'État juif à l'autodéfense.”
Des influences sur les élections américaines ?
En février 2022, à quelques mois de nouvelles élections présidentielles en France, la guerre en Ukraine avait été un des sujets importants de la campagne des candidats, contraints de porter un regard sur le conflit qui sévissait aux portes de l’Europe. À un an des présidentielles américaines, le conflit entre Israël et le Hamas - et plus largement tous ceux qui existent au Moyen-Orient - peut avoir un effet dès les primaires des deux principaux partis politiques. Celles du parti républicain démarrent le 15 janvier 2024, celles Démocrates commenceront à partir du 3 février.
L’élection présidentielle américaine est le scrutin national qui suscite le plus d’intérêt à l’international. De ce fait, les positionnements sur les différents conflits mondiaux portés par la personne élue en 2024 seront scrutés de toute part et déterminants dans le choix des électeurs.
S’ils sont plutôt similaires dans le camp républicain, les nuances existent chez les Démocrates. Le positionnement pro-israélien pourrait même jouer des tours à l'actuel Président-candidat : Par exemple, dans le Michigan, un État aux quinze grands électeurs et où le vote arabo-américain pèse lourd. De quoi lui coûter sa victoire lors d’un match retour le 5 novembre 2024 face à Donald Trump ?