Le saviez-vous ? Le ministre, ministro, appartient à la famille des « moins », des « minus ». Voici une nouvelle escapade linguistique étymologique franco-italienne des plus surprenantes !
On l'a souvent imaginé repu, le ministre, le ventre lisse et tendu et les boutons du pourpoint qui sautent l'un après l'autre sur le devant. Mais bon, ça, c'est peut-être la mauvaise foi ou le parti contraire qui parle. Quoique. On ne croirait pas si bien... médire : le ministre est un gros plein de soupe et, comble de l'ironie, c'est lui-même qui le dit.
Commençons par les trois lettres mei. Une interjection ? Une insulte oubliée? Du chinois ? En fait, il s'agit d'une racine remontée du fond des âges se situant à l'origine des mots caractérisant ce qui est petit ; diminuer, minimum, miniature ou moins, par exemple, en sont issus. Et ces trois petites lettres de rien du tout et pas toujours très visibles nous révèlent un secret politiquement bien gardé : le ministre, ministro en italien, vient d'un minister latin signifiant serviteur, domestique, esclave. L'histoire commence mal pour notre bonhomme en quête de renom et d'estime publique. Et on peut retourner la chose comme on veut, c'est dans les gènes. L'ego du bon notable prend une sacrée gifle. Et même une deuxième, coup sur coup, puisque minister est une contraction de mini-magister, traduisons: moins que le maître. Le ministre, ministro, appartient donc, par la loi inéluctable de la génétique et de la poisse, à la famille des moins que tout, des minus.
Quand minestrone n’était pas une soupe aux petits légumes, et la soupe non plus !
En français, le verbe ministrer, plus guère usité de nos jours, signifie servir. Le vieux verbe amenistrer signifiait donner : d'où administrer un remède, administrer une correction ou s’administrer un bon repas. Et voilà. En italien, minestrare, tout aussi désuet mais plus précis : servir la soupe dans l'assiette puis, plus largement, servir la nourriture à table. On apprend d'un simple coup de louche que les minestra et minestrone n'étaient pas, comme aujourd'hui, une soupe avec petits légumes et bouts de lard mais simplement le geste auguste du serveur. Ne prenons pas ça pour une coquetterie toute italienne. Une digression par nos cuisines nous dit en effet que la soupe, ça n'était pas non plus de la soupe: le mot désignait en fait la tranche de pain qu’on trempait dans du lait, dans le vin. L'expression trempé comme une soupe qui, en italien, tient dans le seul mot inzuppato (littéralement « ensoupé », de zuppa, soupe) en garde le souvenir, elle veut dire: très mouillé. On pourrait aussi parler de la soupe populaire, mensa per i poveri, qui indique le lieu proposant un repas aux démunis et qui ne consiste pas forcément en une belle platée de soupe.
Revenons à notre ministre. Tout, dans sa famille, tourne autour de l'amoindri et du petit, on l'a dit. Même des mots qu'on n'imaginerait pas si proches de l'infortunée fratrie. Le menu de nos restaurants par exemple, qui donna menù en italien (avec l'accent sur le u pour montrer ses origines françaises) est une liste par le menu, c'est-à-dire détaillée, des plats et boissons composant un repas. La minute, minuto en italien, est une petite partie du temps. Le menuet, qui donna le minuetto italien, est une chorégraphie à petits pas. Le ménestrel (de ministerialis, serviteur) qui donna menestrello, un poète chantant, au service des châtelains. Houlà, voilà bien de quoi faire pâlir notre ministre, quelle que soit sa couleur !
Cette fois, l'histoire des mots nous donne une leçon de vie civile et elle est simple : soyons président ou soyons peuple, l'entre deux sent trop la soupe. Alors saurons-nous ne pas pouffer en regardant les ministres parader, fiers et superbes, lors des prochaines cérémonies officielles ? Oui ? Même maintenant que nous avons eu vent de certains petits dénigrements linguistiques à leur endroit ?