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Etienne Le Labourier (GUILLIN) : “ Il faut anticiper le monde de demain”

Etienne le labourier Etienne le labourier
Etienne Le Labourier, directeur de GUILLIN en Italie
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 5 octobre 2021, mis à jour le 6 octobre 2021

Le secteur des emballages est un univers extrêmement vaste. Acteur de la transition écologique, il subit par ailleurs les problématiques liées à la globalisation. Entretien avec Etienne Le Labourier, directeur de la filiale italienne de GUILLIN, référent européen de l’emballage alimentaire. Un enjeu de taille dans le pays troisième producteur de déchets en Méditerranée, dont 80% sont des emballages plastique.

 

Expatrié à Milan depuis un an, vous vivez en réalité une nouvelle aventure italienne. Quel parcours vous a conduit jusqu’en Italie ?

J’ai commencé à travailler avec l’Italie durant mes études, et depuis je ne l’ai jamais vraiment quittée ! Alors que j’étais en école d’ingénieur en agriculture à Beauvais, avec des amis parlant italien, nous avons réalisé une étude de marché dans la Péninsule pour le groupe Cecab, qui détient D’Aucy en France. De fil en aiguille, j’ai effectué des stages chez d’Aucy, d’abord en France puis en Italie, avant d’y travailler dans le cadre d’un VSNE (aujourd’hui appelé V.I.E). Et c’est ainsi que j’ai habité près de 5 ans à Milan.
Je suis rentré en France pour des raisons familiales en 1996, - comme tout breton qui revient dans son pays, j’ai atterri en Bretagne ! - , en travaillant toujours dans l’agroalimentaire, et toujours chez D’Aucy. Mais l’international me manquait. Je me suis alors occupé du marché de l’Europe du Sud dans une multinationale américaine. Cela m’a ainsi permis de rester en contact avec l’Italie. J’ai conservé cette chance en entrant chez GUILLIN il y a 13 ans, où je dirigeais l’international. Et depuis un an, je suis enfin de retour à Milan – un souhait qui ne m’avait jamais vraiment quitté -, en tant que Directeur de la filiale italienne.

 

GUILLIN se positionne comme référent européen de l’emballage alimentaire. Comment a évolué le secteur depuis la création l’entreprise il y a 50 ans ?

GUILLIN est une société familiale née en 1972, avec l’idée de créer des emballages pour la vente de pâtisserie en supermarché. La société a progressivement évolué, au rythme du développement de la grande distribution en France. Aujourd’hui, elle produit des solutions d’emballages alimentaires responsables tant pour la grande distribution que pour la restauration en général, mais aussi pour l’industrie (de la viande, poisson, fruits et légumes), les producteurs, les collectivités.
Résultat, elle compte aujourd’hui 30 sociétés, principalement en Europe, et produit 60% de son chiffre d’affaires à l’étranger. Le groupe GUILLIN est toujours dirigé par la famille GUILLIN et est coté en bourse depuis 1989. Son premier marché historique reste la France, le deuxième le Royaume-Uni, devant l’Italie.

 

Il s’agit aussi d’un secteur devenu dépendant des exigences liées à la transition écologique et à son encadrement législatif. Comment s’adapter ?

C’est un défi permanent, il faut se renouveler continuellement. Heureusement, le groupe GUILLIN est très innovant et agile, ce qui lui permet de réagir vite, d’autant que les nouvelles lois en faveur de la transition écologique imposent des deadlines parfois très strictes. Mais plus que s’adapter, il faut anticiper le monde de demain, organisé autour de l’économie circulaire pour optimiser les ressources. Défenseur d’une utilisation raisonnée des emballages, GUILLIN suit ainsi depuis plus de 20 ans une logique d’écoconception et intègre au minimum 30% de matière recyclée dans ses emballages en PET, ce qui améliore sensiblement leur empreinte carbone. Ce pourcentage varie en fonction des applications et peut aller jusqu’à 100% pour certaines gammes. Les emballages sont 100% recyclables, réutilisables ou compostables, et constituent tous une alternative économique et écologique fiable répondant à tous les usages. L’objectif final reste le même : protéger les aliments et les consommateurs.

Le groupe GUILLIN est désormais en mesure de proposer toute une palette de solutions, sans opposer les matériaux, ce qui conduit à offrir des emballages hybrides – base en carton et couvercle en plastique par exemple permettant de voir le contenu. Outre l’innovation, il ne faut pas oublier le design, qui doit conjuguer esthétisme et fonctionnalité.
Par ailleurs, dans une logique de développement durable toujours, nous tenons à avoir des sites de production à proximité des zones de consommation dans chaque pays où nous sommes présents. En Italie, la partie logistique et distribution des emballages est basée à Milan, à côté des grands centres de consommation de centre-nord de l’Italie. Et un site de production industrielle, spécialisé dans l’univers des fruits et légumes notamment, se trouve à Imola.

 

L’Italie est le troisième producteur de déchets en Méditerranée, dont 80% sont des emballages plastique. Un fabricant d’emballages tel que GUILLIN n’a-t-il pas un rôle à jouer pour lutter contre ce fléau ?

GUILLIN est très impliqué dans la sauvegarde des océans puisqu’en 2020, le groupe a signé un accord européen exclusif avec Prevented Ocean PlasticTM. Les communautés locales (pour l’heure principalement en Indonésie) captent le plastique sur les côtes avant qu’il n’arrive dans les océans. La collecte est ensuite recyclée et réinjectée dans notre chaine de production et dans nos emballages, selon un processus socialement responsable et certifié par OceanCycle®.
Grâce à ce partenariat, ce sont plus de 830 millions de bouteilles plastique qui ne finiront pas leur vie dans les rivières et les océans.
Nous venons ainsi de lancer une nouvelle gamme d’emballages de sushis, fabriqués avec une base carton et un couvercle recyclé contenant de la matière Prevented Ocean Plastic™, que l’on retrouve chez Esselunga par exemple. Sur l’emballage, un QR code à scanner permet d’expliquer la chaine de fabrication et le fonctionnement au consommateur.
Cela représente un réel investissement pour l’entreprise mais c’est une façon de montrer l’exemple et d’éduquer les populations à effectuer les bons gestes de tri.

 

Quel effet le Covid et les confinements successifs ont-ils produit sur le secteur des emballages ? On imagine une demande exponentielle avec le développement des ventes à emporter…

En réalité, le marché a été très fluctuant, suivant le rythme des confinements. Pendant le premier le confinement, la demande a en effet été très forte, puis elle est redevenue au niveau antérieur, avant de croître de nouveau. Reste que de manière générale, la demande tend à la hausse grâce aux nouvelles générations qui ont des habitudes de consommation différentes.
Pour tous ces emballages, la problématique a surtout été notre dépendance à l’égard de l’Asie. Les conteneurs ont été bloqués, l’augmentation des prix a été très forte, et nous ne recevions plus la marchandise. Cela fait prendre conscience qu’il est nécessaire de relocaliser. Ainsi, les emballages des poke bowls sont désormais produits ici, ce qui n’était pas le cas il y a quelques mois.

 

Le secteur des emballages est en réalité un univers extrêmement vaste. Outre l’exigence de renouveau lié à la transition écologique, quelles problématiques quotidiennes touchent le circuit des emballages ?

Il s’agit d’un secteur complexe et pour cela très enivrant. Confrontés à une globalisation importante, nous nous retrouvons fréquemment avec des soucis de conteneurs ou encore de matières premières. Quand on parle de recyclage et collecte, on doit aussi accepter des coûts supérieurs. Or cela est difficile à comprendre pour les grands donneurs d’ordre car nous sommes sur des logiques de mass market. On ne peut donc pas dépasser un certain coût d’emballage par rapport au prix de vente final. Il faut anticiper tous ces mouvements et travailler sur une palette de solutions pour nous permettre d’accompagner cette transition écologique sans détruire ce qui existe mais en l’optimisant.

 

Que pensez-vous de la Plastic Tax* (taxe sur le plastique) qui, après plusieurs reports, devrait entrer en vigueur en Italie le 1er janvier 2022, en vue de favoriser l’économie circulaire ?

La limitation du plastique, d’autant plus à usage unique, est bien sûr l’un des moyens pour pousser les évolutions. Mais cela a de fait pour conséquence de déstabiliser complètement les autres marchés. Par exemple, on se retrouve avec des ruptures de produits comme le carton. Il manque aussi de bois en ce moment et le prix a flambé de 50%. Reste que la pénurie est aussi un effet du Covid et de la diminution des containers sur l’eau.

 

*Voulue par le gouvernement Conte II en 2020, la Plastic Tax correspond à une valeur fixe de 0,45 centimes d’euros pour chaque kilo de produits plastique à usage unique vendu, qui se répercutera tant sur le producteur que le consommateur.

 

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