L’Italie à l’honneur de la rentrée littéraire française, en trois romans

Milan a envoûté Stendhal car l’Italie a toujours su inspirer le monde des lettres et des arts. La rentrée littéraire ne fait pas exception. La librairie William Crocodile, la librairie jeunesse francophone de Milan, a aussi pensé aux parents et sélectionné trois romans qui se situent en Italie et qui font l'actualité de la rentrée littéraire en France. Leurs intrigues mêlent passions, délicatesse, raffinement, violence, conspirations et trahison, avec une trame historique et culturelle forte, fidèle à l’histoire et à la richesse artistique du pays.

Veiller sur Elle, de Jean-Baptiste Andrea

Le roman s’ouvre sur l’agonie d’un homme retiré dans un monastère italien, une agonie qu’on sent enveloppée d’un secret bien gardé. Cet homme, c’est Michelangelo Vitaliani. Sa mère lui a donné le prénom du grand artiste car elle espérait pour son petit Mimo une grande carrière de sculpteur. Mimo fut très vite orphelin de père, et envoyé chez un oncle alcoolique et bourru pour faire son apprentissage, dans la vallée de Pietra d’Alba dans le Piémont. Il s’y révèle incroyablement talentueux. C’est aussi dans cette vallée qu’il rencontre Viola d’Orsini, fille d’aristocrates, qui va l’instruire, lui donner les codes et l’ambition de la réussite. Mais quand Michelangelo Vitaliani devient un maître sculpteur que la noblesse et le clergé s’arrachent, il s’éloigne de Viola…
Veiller sur Elle est l’un des romans les plus réussis de cette rentrée littéraire. Il nous plonge dans les temps tumultueux de l’entre-deux guerres et de la montée du fascisme en Italie. La galerie des personnages est complète, bien fouillée et digne des grandes fresques. Jean-Baptiste Andréa mène le récit et ses rebondissements avec une écriture douce et poétique. Il réussit notamment à décrire avec une extrême délicatesse comment une Pietà peut toucher au plus profond son spectateur… On retient beaucoup de grâce de cette lecture.
Prix du roman FNAC. Livre en lice pour le Goncourt 2023.

Perspective(s), de Laurent Binet

Un polar épistolaire qui nous plonge dans la Florence de Cosimo de Médicis, en 1557. Le peintre Pontormo est retrouvé assassiné au pied des fresques de San Angelo. Giorgio Vasari est chargé de mener l’enquête par le duc de Florence, une enquête qui demandera un sens artistique et politique et qui exigera une grande discrétion. Car l’intrigue se complexifie quand d’autres personnages entrent en scène et pourraient avoir un lien avec le destin malheureux du peintre. La reine de France, Catherine de Médicis complote dans le dos de Cosimo pour récupérer le duché de Florence et fait appel pour cela à son ami républicain Piero Strozzi. Des religieuses, nostalgiques de Savonarole, sont des activistes dans l’ombre des couvents. Au Vatican, le pape condamne les nudités de la chapelle Sixtine. Que pense Michel Ange de tout ceci, exilé à Rome mais sollicité pour prodiguer quelques conseils à Vasari ?
L’intrigue nous immerge dans l’histoire et l’ambiance de cette belle époque de la Renaissance, où l’on se rend compte combien la politique et l’art évoluaient en grande proximité. Car l’enquête est un prétexte, ce n’est pas le sujet principal du livre qui reste un roman avec ses complots, ses alliances et mésalliances, ses histoires d’amour et de trahison. Beaucoup de personnages cependant, attention, il faut être un lecteur concentré !
 

Sauvage, de Julia Kerninon

A Rome, Ottavia Selvaggio a décidé à quinze ans d'être maîtresse de son destin. Ni ses histoires d'amour, ni le mariage, ni même la maternité ne la font dévier de sa route. Pendant que son mari s'occupe de leurs enfants, elle invente dans son restaurant une cuisine qui ne doit rien à personne. En robe noire et sans frémir, Ottavia avance droit, jusqu'au jour où un homme surgit du passé avec un aveu qui la pousse à douter de ses décisions. Comment être certaine d'avoir choisi sa vie ? Le désir a-t-il une fin ?
Une jolie balade à Rome et de doux moments gourmands car il s'agit là de partager la vie d'une cheffe. Une immersion en cuisine, et quelle cuisine ! La cuisine italienne, qui fait tant saliver... Mais lors de cette lecture, on vit aussi des moments de doute où l'on ne sait plus si l'on a envie de suivre cette femme "sauvage", cette Ottavia (une femme dure et qui semble sans faille), qui est prête à tout gâcher (une jolie famille, une vie accomplie) pour suivre un instinct, une idée folle pour les mots et les souvenirs d'un amant d'un instant. La langue est belle, le propos déconcertant. On en sort avec quelques belles questions et justement celle-là : être femme, mère, amante et passionnée par son travail aujourd'hui, n'est-ce pas déconcertant ?
 
Retrouvez ces trois romans et d’autres nouveautés de la rentrée littéraire à la Librairie William Crocodile.

Marie-Cécile Bouhier