Post Covid-19 : Et si on partait vivre sur une île ?

La pandémie a imposé une nouvelle réalité au monde : la potentielle dangerosité des contacts sociaux. On peut alors se demander si, acheter une île pour y jouer les Robinson Crusoé ou déménager dans l’une d’elles pour le prix d’un studio parisien, ne serait pas une si mauvaise idée.


Faut-il être milliardaire pour vivre sur une île ? Pas forcément. Selon les spécialistes, les îles sont vendues entre 25.000 dollars et 50 millions de dollars. Lorsque la pandémie du Covid-19 a éclaté, les agences spécialisées dans les ventes d’îles ont constaté une hausse de 30% à 40% des demandes de renseignements pour acheter ou louer des îles privées.

Cet attrait n’est pourtant pas nouveau. De nombreuses personnes avaient déjà fait le pari de laisser derrière elles la vie des grandes métropoles, pour s’installer dans des pays ayant pour seule frontière de l’eau salé et du sable. Aux dernières nouvelles, plusieurs de ces îles étaient encore à l'écart de la pandémie, comme les îles Solomon ou les îles Cook, dans le sud du Pacifique.
 

Comment choisir son île ?

Dans la plupart des cas, le mot « île » évoque le sable chaud et la mer turquoise sous un soleil éclatant. Or, des îles habitables sont présentes tout autour du gobe, du Groenland à la Nouvelle Zélande en passant par le Kazakhstan.

Dans le cas où vous souhaiteriez acquérir un bout de terre au milieu de l’océan, vous devez vous assurer d’avoir assez de temps pour vous y rendre et en jouir pleinement au moins un mois par an. Si c’est le cas, la distance de votre domicile jusqu’à votre nouvel éden n’a pas d’importance. En revanche, si vous n’avez que quelques jours libres éparpillés durant l’année, il est plus judicieux d’investir dans une île proche de chez vous. C’est ainsi que les Américains investissent particulièrement dans les Caraïbes, qui ne sont qu’à deux heures de la Floride.

En prenant en compte ces paramètres et vos propre désirs, il est important de voir les avantages et les inconvénients de la position géographique de votre futur nirvana. Les îles canadiennes sont par exemple moins chères que dans les Caraïbes, mais la météo pourrait être un frein. Certes les îles s’écartant le plus de l’Equateur ne disposent pas d’une météo permettant de se balader en tenue d’Adam et Eve toute la journée, mais elles n’ont pas non plus les animaux et insectes en tout genre qui accompagnent les climats chauds.
 

Si l’on souhaite y construire sa villa de rêve, il ne faudra pas oublier que l’acheminement de matériaux peut avoir un certain coût. Par exemple, la profondeur de l’eau entourant votre île doit être assez importante pour le transport de matériaux de construction.

En choisissant l’endroit idéal pour jouer les Robin Crusoé, il ne faut pas oublier que de vrais pirates arpentent les mers et océans. Il faudra s’assurer que la région de votre achat n’a rien contre les étrangers. Comme pour un jean, le mot d’ordre pour bien choisir son île : l’essayer avant de l’acheter !
 

Dans quel but ?

Selon Vladi, PDG de l’agence immobilière Vladi Private Islands « les Français ne sont pas de gros acheteurs comparés aux Américains. Ces deux dernières années ont d’ailleurs été très calmes. Ils tendent plus à investir sur les côtes françaises et britanniques, voire un peu aux Seychelles, près de l’île Maurice et de la Polynésie française, mais c’est plus rare ».

Pourtant ce fut le cas de Frédéric Tardieu, lauréat du trophée innovation des Trophées des Français d’Asie et d’Océanie grâce à sa fondation Sulubaai sur l’île de Pangatalan. Sa femme et lui tombent amoureux de cette petite île abandonnée des Philippines de 400 mètres de long par 120 m de large. Ils décident de tout plaquer et d’acheter cet îlot afin de protéger les ressources naturelles de l’archipel de Palawan et d’aider au développement des populations locales. En cinq ans, ce sont plus de 63.000 arbres et 6.000 pieds de mangroves qui sont plantés. Ils restaurent 20 hectares de fonds marins et peu à peu, l’île reverdit et la faune locale réapparaît. Pour financer tout cela, ils ont monté un projet d’éco-tourisme de luxe qui ouvrira l’année prochaine 100 nuits par an.

Pour d’autres, acheter un bout de terre représente également une nouvelle perspective d’investissement. C’est du moins ce que ce sont dit cinquante Français amoureux de l’île Rihiveli, en se cotisant pour racheter cette île des Maldives. En reprenant la licence d’exploitation de l’île, en accord avec le propriétaire de la concession, leur projet est de développer un concept alliant tourisme et développement durable en y rénovant les bungalows à l’abandon et en diversifiant les loisirs tout en préservant la faune et la flore de l’île. Le projet « Rihiveli - Save the Dream », consiste à développer un concept écologique et social, basé sur la convivialité, mais également à renforcer l’amitié franco-maldivienne.

Acheter un bien sur une île peut aussi être une bonne idée pour établir sa résidence secondaire. La Grèce en a été le théâtre. Lors de la chute de plus de 50% du prix de l’immobilier, beaucoup de Français se seraient installés dans les îles des Cyclades pour y passer une partie de l'année. 

Quelles sont les lois et les règles à connaître ?

Certaines agences immobilières sont dédiées à l’achat d’îles et vous aident à rentrer en contact avec les relais du pays où se trouvent votre île. La plupart des vendeurs sont des particuliers mais il arrive que des Etats mettent en vente une île, comme ce fut le cas en Grèce, suite à la crise économique de 2009. Mais elles peuvent être vendues sous certaines conditions.

Selon le pays d’acquisition, il est possible d’obtenir son bien en « freehold » c’est à dire en pleine propriété, permettant aux particuliers d’accéder à la propriété sans distinction de nationalité, ce qui est souvent le cas pour les îles américaines et européennes. En revanche, pour les îles en « leasehold », l’Etat souverain de cette île accorde un bail de longue durée, en général entre 10 et 99 ans. Les pays d’Asie et du Pacifique du Sud pratiquent ce genre de contrats. Mais la législation tend à limiter le droit de propriété aux acquéreurs étrangers, comme aux Philippines par exemple, où un étranger n’est pas autorisé à acheter une île. En Nouvelle-Zélande, un étranger ne peut acheter une île, que si elle a d’abord été proposée sur le marché du pays pendant un certain temps. Les eaux autour de votre île pourraient également ne pas vous appartenir. En effet, tout dépend de la zone maritime dans laquelle est située votre île. Si celle-ci est située dans les eaux territoriales, elle appartient à l’Etat. Au delà, elle rentre dans la zone économique exclusive.

D’autres contraintes légales peuvent entrer en jeu, comme en France avec la loi littorale qui interdit toutes constructions à moins de 100 mètres du rivage ou en Croatie où la plupart des îles sont devenues inconstructibles. Si vous devez construire sur une île en France, vous serez également dans l’obligation de laisser un sentier du littoral d’une bande de largeur de 3 mètres pour que les piétons puissent s’y promener.

En ce qui concerne les impôts, si vous êtes toujours rattaché à la France et que votre patrimoine dépasse les 790.000 euros, vous serez soumis à l’impôt de solidarité sur la fortune et serez obligé de déclarer votre île. Il est impératif de ne pas l'oublier, comme Liliane Bettencourt, si votre fortune excède ce montant. Si votre île devient votre résidence principale et que vous devenez résident fiscal dans le pays de l’île, il faudra remplir quelques critères, dont par exemple, un nombre de jours suffisants passés sur l’île. Ces conditions sont explicitées dans la convention fiscale entre ce pays et la France.
 

A défaut de pouvoir acheter sa propre île, louez-en une !

Si l’aventure ne vous fait rêver que pour un court temps, des îles sont à la location et ce, même sur Airbnb ! Ces petits bijoux peuvent être loués pour un week-end et jusqu’à une année entière. Les prix, quant à eux, varient de la même manière que les prix des îles à l’achat. Vous pourrez ainsi trouver des petits paradis dès 455 euros la nuit pour un groupe de 4 personnes, comme la Bird Island au sud-est du Bélize. Pour les plus aisés, des formules tout compris avec un capitaine de bateau, deux cuisiniers et une femme de chambre, sont proposées dans les Fiji jusqu’à 13.000 euros la nuit.
 

Ce secteur a été très prisé par les grandes fortunes lors du confinement, qui ont cherché un refuge isolé en plein milieu de l’océan. « Quand les aéroports ont commencé à fermer, nous avons reçu de nombreux appels de clients qui étaient sur leur bateau, leur yacht, coincés en plein milieu de l’océan», raconte Chris Krolow, patron de l’agence immobilière de luxe Private Islands Inc. « Ils étaient prêts à payer n'importe quel prix pour louer une île, même pour une durée d'un mois, c'était la panique ».

Le juste milieu : déménager dans un État insulaire

Sur les 30 pays et territoires n’ayant pas été touchés par la pandémie, 27 sont des îles. Pour les Etats insulaires touchés, comme la Nouvelle-Zélande, le virus a presque été éradiqué. L'isolement naturel des îles leur permet d’éviter ou tout du moins de contrôler plus facilement les pandémies.


 

Ceux qui décident de partir pour cette aventure sont bien souvent en recherche d’un environnement naturel préservé et de liens sociaux différents mais c’est surtout un changement de vie et une rupture avec la société de consommation qui les poussent à sauter le pas. Grâce à cela, les petites îles voient renaître une nouvelle forme d’attractivité territoriale. Il n’y a pas de profil type de personnes qui choisissent la vie insulaire, des retraités, des médecins, des entrepreneurs mais également des professeurs d’écoles, seuls ou en famille choisissent ce nouveau mode de vie. «Moi, je préfère me réveiller le matin et voir le lagon, prendre le kayak pour aller juste en face. Les couleurs du lagon, ça va du bleu au vert, c'est beau. Je ramasse du bois flotté, des coquillages. Je préfère ça que de me réveiller dans mon 25 mètres carrés à Paris.» confie à Slate, une habitante de la petite île de Raiatea en Polynésie française.

Mais comme soulignait Jean-Emmanuel, blogueur-voyageur ayant vécu en Nouvelle-Calédonie, entre les paysages stupéfiants loin du stress et les activités incroyables qu’il y a faire, être loin de sa famille peut être un frein majeur à son épanouissement. Cela, même lorsqu’on a réussi à faire abstraction des moustiques, requins, des périodes cycloniques et des prix excessifs sur l’île. Être résident d’une île est donc à double tranchant et peut, ne pas être adapté à tout le monde. Et vous, êtes vous prêt.e à tenter l'aventure ?