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Coronavirus : Collapsologie, survivalisme, où va le monde ?

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Écrit par Déborah Collet
Publié le 3 mai 2020, mis à jour le 18 février 2021

Ralentissement de l’économie, pénurie de médicaments, rupture des chaînes de distribution alimentaire… Est-ce la fin de notre monde tel qu’on le connaît ? Les théories des collapsologues et des survivalistes rencontrent de plus en plus d’adeptes. Les Français semblent être effrayés par la crise sanitaire, et pour cause, l’ennemi est invisible. Face à cette impuissance collective, certains cherchent des solutions alternatives, comme le survivalisme. 

 

Les survivalistes, prêts à affronter le Covid-19 

Les survivalistes également appelés "preppers" sont des dizaines de milliers à travers le monde à se préparer pendant des années, voire des décennies à combattre tous les périls inimaginables: catastrophes naturelles ou nucléaires, guerres civiles… ou encore pandémies. 

Frédéric Cuvelier, partage le même avis, lui qui après avoir accumulé une série d’échecs personnels et professionnels, a décidé de partir vivre trois mois dans sa voiture retranchée dans une forêt. À la suite de cette expérience, il a décidé de démontrer, en créant des stages de survies avec différents scénarios que nous "n'avons besoin de rien de spécial pour vivre". "Lorsqu'on connaît des techniques de survie, rien n'est perdu", ajoute-t-il. Confiné dans une maison familiale en Hautes-Alpes, il détient une pièce chargée de denrées alimentaires à longue conservation. La famille garde précieusement, depuis quelques années, "des panneaux solaires portatifs, des batteries autonomes, un groupe électrogène et des pastilles de purification pour l’eau" afin de pouvoir survivre en toute autonomie. Pour faire face au Covid-19, l’entrée de la maison a été transformée en sas de décontamination, où "tout ce qui rentre doit être lavé."

John, quant à lui, survivaliste depuis 10 ans raconte qu’il a "tout de suite compris la gravité de la pandémie". Il explique que sa famille et lui ont dû "acheter en urgence tout ce qu’il fallait en matériaux pour les travaux en cours." John ajoute "On a arrêté de voir nos amis, nos beaux-parents. On a doublé nos stocks de bougies et de piles, d’épices, d’outillages. On a doublé nos outils d’autonomie : baratte à beurre, presse à huile, moulin à farine…" Selon lui, de nombreux Français n’étaient pas prêts et de ce fait, "ils risquent de provoquer des pénuries". Il affirme que les survivalistes peuvent se confiner sans problème et sans risque de manquer de quoi que ce soit. 

Un autre survivaliste italien pense que nous vivons dans un système socio-économique plus fragile que nous ne le pensons. Selon lui, nous avons besoin de nous préparer, tout d’abord, en faisant des prévisions alimentaires sans pour autant tomber dans l’excès. Il décrit la frénésie actuelle : "Je vis dans la région du Val d'Aoste et il y a des petits magasins dans des endroits reculés qui ont été dévalisés par les touristes, sans parler de la course aux masques. La perte de la rationalité et de la raison s'est produite beaucoup plus facilement que je ne le pensais". Ces comportements inquiètent d’autres survivalistes qui conseillent "Ne faites pas vos réserves en période de chaos, vous finiriez par dépenser une fortune dans des bêtises. La panique de dernière minute est exactement ce qu'il faut éviter."

Joshua, quant à lui, papa de 39 ans et ancien agent de la RATP, a déménagé de son appartement en ville et a opté pour une maison de campagne dans la région de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Depuis plusieurs années, il s’interroge sur la fin du monde. Il avait préparé son stock de denrées pour tenir au moins six mois. Ayant l’habitude de manger bio et de se déplacer à vélo, il a continué de se rendre au travail et vivre comme si de rien était quand la pandémie est arrivée en France. Les seuls changements dans sa vie ont été que les enfants soient à la maison et que sa femme fasse office d’institutrice. Un autre père de famille témoigne sur un groupe Facebook "En plus des stocks alimentaires, médicaux… Toute la famille fait une cure de 1000 mg de vitamine pendant un mois en vue de booster les défenses immunitaires avant impact du Covid-19."

 

Bunkers et armes, les Américains un peu trop prêts !

Né dans les années 1960 aux États Unis, le survivalisme d’aujourd’hui a pris des ampleurs démesurées. En Virginie occidentale, Fortitude Ranch abrite une centaine de personnes qui, depuis des années, se préparent à vivre dans des bunkers avec des murs en béton de 10 pieds de haut. Jusqu’ici le complexe faisait office d’installation de loisirs où les Américains pouvaient passer "une retraite de survie". En 2019, le directeur du domaine, un ancien militaire, décrit l’endroit "Dans les bons moments, la cabane dans les arbres du Fortitude Ranch est un endroit où les enfants peuvent jouer. Dans les mauvais moments, il deviendrait une tour de garde." 

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 Le camp de survie Fortitude Ranch, en Virginie occidentale.

 

À présent, certains adhérents se sont terrés dans les bunkers, accompagnés de gants et de masques, de nourriture lyophilisée… Plus inquiétant, tous les membres sont formés à l’utilisation de semi-automatiques AR-15 ou de fusils à pompe en cas de situation relevant de l’autodéfense. En période de pandémie comme à l’année, les formations de tir, de chasse, les ateliers d’élevage, de jardinage et d’agriculture sont les principales activités que vous pouvez retrouver sur le complexe.

 

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Les hauts responsables civils et militaires américains ont eux aussi un immense site de survie en Virginie appelé "Mount Weather". Pendant la guerre froide, des dizaines de milliers d’Américains avaient construit des abris antiatomiques privés lors des tensions avec l’Union soviétique. C’est le cas d’un milliardaire américain qui a construit à Las Vegas, une maison avec un souterrain très luxueux de 1 500 m2. La demeure est à vendre pour la modique somme de 16 millions d’euros.

 

 

Face à l’épidémie de Covid-19 qui touche de plus en plus le pays de l’Oncle Sam, le marché du bunker est à son apogée. Les fabricants racontent que la pandémie est devenue un argument de vente. Les espaces sécurisés réservés ordinairement aux plus riches, sont maintenant convoités par les familles qui choisissent de se faire construire des bunkers privés. Dans certaines régions, la demande d’abris s’échelonne de 3 000 à 11 000 dollars. Le Dakota du Sud, appelé également le grand désert américain, abrite une ville de bunker où près de 600 abris sont en cours de construction. 

 

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Une ville de bunkers dans le Dakota du Sud.

 

Une nouvelle vocation pendant le confinement : devenir survivaliste

Le Covid-19 a provoqué l’augmentation du nombre d’internautes présents sur les sites dédiés au survivalisme. "Citoyen prévoyant" est un site où sont réalisées plusieurs vidéos pour apprendre à faire des conserves en lacto-fermentation, à gérer ses stocks de nourriture sans faire de pertes, en somme à se tenir prêt à pouvoir gérer toutes les éventualités.

 

Au sein des forums, les bricoleurs expliquent qu’il est possible d’utiliser son urine comme désinfectant et qu’il est possible également de fabriquer soi-même un gel hydroalcoolique. On y retrouve des ateliers de fabrication comme, par exemple, la purification de son eau à l’eau de javel. Le Berkey, un purificateur d’eau autonome est devenu l’outil indispensable à avoir sur soi et il fait sensation sur la toile. Certains survivalistes ont mis à disposition de leurs internautes une liste de matériel sur Amazon. Les plus pessimistes conseillent de faire le plein d’éthanol et d’eau oxygénée, en cas de blessures. "Si demain, ça dégénère en guerre civile, tu auras d’autres préoccupations que de te laver les mains", raille un membre. 

 

Alessandro, directeur de Portale Sopravvivenza, un des sites italiens les plus suivis en matière de préparation et de survivalisme, estime que les dernières semaines devraient nous inciter à réfléchir sur la fin de notre civilisation et à "notre préparation à des crises futures, qu’elles soient sanitaire, climatiques ou sociales." En revanche, il souligne le fait, que certains survivalistes, en pleine pandémie de coronavirus "cèdent à la paranoïa". La pandémie mondiale a accéléré le nombre de commandes sur les sites spécialisés en matériel et notamment en kit de survie. Christophe, fondateur du site survivre.com affirme "Il y a une plus forte demande, je dirais le double par rapport à d’habitude". Le dirigeant précise que les internautes achètent en masse "des rations de survie longue conservation, tout ce qui est filtration d’eau, et puis les classiques : masques de protection et gels hydroalcooliques." Selon les survivalistes, l’équipement adéquat pour prendre la fuite et se protéger de toutes menaces est de se munir d’un sac d’évacuation d’urgence contenant une réserve d’eau, des vivres, c’est à dire des nourritures en rations, déshydratées ou préparées, des gamelles et ustensiles, des matériels non urgents, des vêtements, un duvet, une bâche, un couteau, une lampe frontale. Le sac doit aussi contenir un panneau solaire compact, une banque d’énergie et un réchaud à gaz.

 

Pandémie mondiale, les prémices d’un effondrement de notre société ? 

Les survivalistes et les collapsologues pensent à l'après confinement. D’après eux, les supermarchés seront vidés et nous devront tous fuir la ville. "L’épidémie actuelle est un très bon entraînement pour l’après qui risque d’être plus critique" analyse un survivaliste. 

Dans les années 90, l’ancien président américain Dwight David Eisenhower a créé la "théorie des dominos" qui repose sur un basculement idéologique d’un pays provoquant la contagion des pays voisins par imitation. Avec l’apparition du coronavirus et sa propagation fulgurante de pays en pays, certains collapsologues se posent des questions. "C’est notamment dans la gouvernance liée à l’épidémie qu’il y a des indices d’un possible effondrement (…) Si l’économie pâtit de cette crise sanitaire, la théorie de l’effondrement regroupe un éventail d’autres crises potentielles, aussi bien climatiques qu’environnementales ou politiques." explique Anne Rumin, membre de l’Institut de collapsologie Momentum. 

Nous pouvons nous poser la question : Est-ce que cette crise pourrait être le "premier domino" d'un effondrement plus global ? Pablo co-auteur de Comment tout peut s'effondrer, ouvrage qui a popularisé le concept de la "collapsologie" appelle les Français à "apprendre de nos erreurs" afin d’éviter l’effondrement de notre civilisation après la pandémie. "Elle peut bien évidemment déclencher des crises alimentaires graves, et donc d'autres épidémies et favoriser les crises politiques. Sans oublier l'essentiel, le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs, qui n'attendent pas la fin de nos petits tracas d'humains. (…) C'est donc possiblement un premier domino, massif et brutal, qui a cette capacité d'en déclencher d'autres." a-t-il déclaré.

Depuis sa maison de campagne, Yves Cochet, ex-ministre de l’Écologie et président de Momentum, un groupe de réflexion sur l’effondrement du monde, explique sa vision du monde. Le politicien qui a écrit l’ouvrage Devant l’effondrement prédit entre 2020 et 2050 un effondrement de notre civilisation industrielle. Mais si l’espèce humaine subsiste à l’effondrement, qu’est ce qui se passera ? Il répond au média Brut "J’imagine ensuite deux phases. La première est l’intervalle de survie (2030-2040). C’est la plus pénible, car marquée par des guerres civiles, des famines et des épidémies. La population mondiale pourrait chuter drastiquement pour ne plus compter que deux ou trois milliards d’humains. Sans doute, ensuite, on peut espérer une étape de renaissance autour des années 2050. Mais il faut imaginer un monde sans voiture, sans avion, très probablement aussi sans électricité, et donc sans Internet."

 

Conscients en période d’urgence sanitaire que la priorité n’est pas aux changements climatiques, les survivalistes rappellent cependant que "le réchauffement climatique peut jouer un rôle important dans le développement et la propagation d’épidémies mortelles." En ce qui concerne les menaces futures, nous pouvons peut-être apprendre de la part des preppers que la prévention est toujours préférable au confinement.

 

 

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