Patrick Legrand est en charge de la gestion de cinq résidences hôtelières des marques Ascott, Somerset et Citadines à Jakarta, toutes propriétés du groupe singapourien CapitaLand. Il nous parle de son métier et de l’impact de la pandémie dans le domaine de l’hôtellerie en Indonésie
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et comment êtes-vous arrivé en Indonésie ?
J’ai fait des études à Paris : tout d’abord un DEUG de droit puis un master en management hôtelier. Des stages chez Accord, puis un premier poste aux Etats-Unis pour le groupe Hyatt, le Maroc, retour à Paris. J’intègre le groupe Ascott en France, je passe ainsi des hôtels aux résidences hôtelières en tant que responsable de 11 propriétés dans le sud de la France. En 2014, une opportunité se présente et direction l’Indonésie pour prendre en charge les cinq résidences hôtelières du groupe sur Jakarta.
On retrouve très souvent des français dans la gestion et le management hôtelier, selon vous pourquoi ?
Je pense que le savoir-faire français, le souci du détail, la concision du service sont reconnus à l’international. « La French Touch » est un atout indubitablement.
Quelle est votre clientèle à Jakarta ?
Nous proposons des appartements avec services hôteliers qui vont du studio de 50 m2 à des appartements de 2, 3 et 4 chambres. Nous sommes situés près du centre d’affaires, des quartiers des ambassades et près des centres commerciaux. Nos clients sont en majorité des expatriés qui peuvent rester une semaine, un mois, une année ou plusieurs années. 15 % sont originaires d’Europe, les autres clients viennent principalement de Corée, Japon mais aussi Malaisie, Singapour, Inde ou bien des Etats-Unis. 80 % de notre clientèle est une clientèle d’affaire, le tourisme ou les déplacements familiaux représentent 20%. Nous avons aussi des clients indonésiens qui viennent travailler temporairement à Jakarta.
Quel est l’impact de la crise actuelle sur votre domaine d’activité ?
Nous avons bien sûr été impactés, mais de de façon moindre que les hôtels classiques. Notre clientèle est différente, nous avons de nombreux clients qui séjournent au mois ou à l’année chez nous. Nous avons dû adapter nos protocoles d’hygiène, mettre en place de nombreuses mesures pour protéger nos clients et notre personnel.
Comment votre groupe s’adapte à la situation et quels services proposez-vous à vos clients ?
Comme tous les groupes, nous avons dû nous adapter et développer de nouvelles stratégies commerciales. Nous proposons aujourd’hui un service « Work in Résidence ». Nous transformons nos appartements en suite de travail, le client peut ainsi vivre, travailler, innover et se détendre dans un même endroit. Nous installons tous les éléments essentiels au télétravail ; bureau, haut débit internet, webcam pour visioconférence, haut-parleurs Bluetooth, café, thé. Nous proposons des menus adaptés. Nos clients peuvent bénéficier de services de livraison de nourriture, d’épicerie, d’impression, de conciergerie… Nous leur proposons aussi du matériel pour pratiquer du sport.
Les clients peuvent choisir des forfaits journaliers, hebdomadaires ou mensuels. Selon la durée d’utilisation, nous adaptons l’espace.
Vous avez travaillé aux États-Unis, au Maroc et en France : quelles ont été les choses auxquelles vous avez du vous adapter en arrivant en Indonésie ?
J’avais vécu aux Etats-Unis, au Maroc, en France, des pays et des continents différents. J’ai très vite compris que pour travailler et gérer des équipes en Indonésie, il me fallait connaître le pays, les gens. J’ai rencontré, discuté, écouté et me suis imprégné du pays. Connaître et comprendre la culture du pays d’accueil sont nécessaires pour manager au mieux ses équipes.
Nous avons une clientèle coréenne et japonaise importante, il est nécessaire de connaitre la culture de nos clients. Ce que j’ai appris rapidement ; cela m’a permis d’être plus à l’aise et de pouvoir répondre à leurs attentes.
Quelle est la journée type d’un manager de résidence hôtelière ?
Il n’y a pas vraiment de journée type. Veiller à ce que les équipes soient opérationnelles, transmettre les informations, résoudre les problèmes quotidiens. J’aurais tendance à dire que chaque journée se prend comme un chocolat : on ne sait pas ce que l’on va découvrir à l’intérieur. Ce qui en fait un travail qui n’est en rien monotone, il y a toujours des nouvelles situations à gérer, des solutions adéquates à trouver. En résidence hôtelière, les clients restent plus longtemps, nous sommes ainsi plus proches d’eux et pouvons répondre plus facilement à leur demande. Et anticiper, anticiper !
L’hôtellerie est un secteur exigeant, où et comment recrutez-vous votre personnel ? leur proposez-vous des formations internes ?
Nous recrutons bien sûr des jeunes qui sortent des écoles hôtelières, mais je ne crois pas qu’aux diplômes. Un surdiplômé ne sera pas forcément efficace ou ne saura pas prendre des initiatives, nous en avons tous connu. La motivation, la façon d’être, la volonté, la personnalité, la prise d’initiative sont essentielles pour moi. Nous recrutons des jeunes sur la base de ces critères, mais aussi des moins jeunes qui apportent une expérience et de la maturité nécessaire à la cohésion d’un groupe. Il arrive que je me trompe, bien sûr, mais globalement ça fonctionne. Je suis également attaché à la non gentrification des postes, j’ai actuellement par exemple une jeune femme qui travaille au service technique et qui fait un excellent travail, elle apporte un sens du détail important au sein de l’équipe. Tout comme une personne qui s’occupe de faire les chambres peut, si elle est motivée, passer dans d’autres services et évoluer au sein du groupe.
Nous attachons aussi beaucoup d’importance à la formation de notre personnel. Chaque employé bénéficie d'entre 60h et 100h de formation par an que ce soit dans la sécurité, le savoir-faire, l’anglais, mais aussi la transmission aux plus jeunes de leurs connaissances.
Votre groupe devrait ouvrir sa deuxième résidence Citadine à Bali, qu’en est-il ?
L’ouverture de notre résidence Citadine idéalement localisée à Berawa Beach est prévue pour janvier 2021dans les règles d’hygiène et de sécurité relatives à la situation sanitaire ainsi qu’aux normes internationales « Ascott Care ».
Si vous aviez un conseil à donner à une personne qui viendrait travailler en Indonésie ?
Il faut avant tout prendre le temps de comprendre les gens, le pays, son histoire et s’immerger dans sa culture. Savoir-faire, expériences ne seront rien sans cette compréhension.