Comme beaucoup d’autres lieux incontournables à Jakarta, la devanture de Dia.Lo.Gue n’est pas tapageuse. On entre dans ce vaste espace par une massive porte latérale en bois. Les raisons de la pousser sont infinies : déjeuner, boire un café, acheter des souvenirs de Jakarta, des accessoires éco-responsables, un batik, voir une exposition, admirer le design intérieur de ce bâtiment pensé par le célèbre architecte indonésien Andra Matin en 1998… Ou simplement fêter les 10 ans de cette institution ce mois-ci.
Nous avons rencontré Engel Tanzil, dont l’envie de créer un lieu d’échanges, d’éducation et de passage (au sens propre comme au figuré), est à l’origine de Dia.Lo.Gue. Cette jeune femme, fille d’un haut fonctionnaire indonésien, a passé trois années de son enfance en Nouvelle-Calédonie et parle donc parfaitement français. « Pour mon premier jour à l’école Yvonne Dupont de Nouméa, ma mère m’a envoyée en me disant : ‘tu dois dire bonjour à tout le monde, ça veut dire selamat pagi, et tu dis je m’appelle Engel’. Je n’avais pas le choix : personne ne parlait le bahasa Indonesia là-bas ! »
Engel avait 9 ans. De son passage en école française, elle retire l’idée qu’il faut exprimer son opinion. Contrairement à l’école indonésienne dont le format est celui d’un cours magistral, elle se souvient de son institutrice française qui lui demandait sans cesse : « qu’est-ce que tu en penses ? ». Engel apprécie l’amour que les Français portent à l’histoire, aux archives, à l’éducation aux grandes œuvres artistiques françaises, qu’elles soient littéraires, musicales, culturelles… En parallèle, elle constatait que l’Indonésie était trop peu connue : « dans l’esprit des gens, Indonésie égale Bali. Je voulais expliquer pourquoi l’Indonésie c’est autre chose ».
C’est ainsi qu’est née son envie de créer un lieu d’échange. Le nom de Dia.Lo.Gue est très symbolique : outre le sens de ce mot en français, il signifie en dialecte betawi « lui.toi.moi ». Chez Dia.Lo.Gue, outre admirer les expositions temporaires (qui ne durent qu’un mois !), on peut se restaurer et acheter des souvenirs, ces deux dernières activités permettant de financer la première. « Les gens se demandent qui je suis. Je n’ai pas de diplôme d’art : j’ai fait des études de droit. Ce que je veux, c’est parler de tout, avec tout le monde. On entre gratuitement à Dia.Lo.Gue. Vous pouvez dire à votre personnel de maison d’y aller ! Nous voulons toucher les Indonésiens de la rue. Et nous parlons de tout : couture, design, littérature, développement durable, éducation… On ne se limite pas aux activités traditionnelles d’une galerie. »
Pour ses expositions, Engel aime s’emparer de sujets dont personne ne parle. Par exemple, les innovations « lifestyle », l’écologie, la bande dessinée, la culture au sens large. L’exposition dont elle est la plus fière portait sur l’écrivain dissident indonésien Pramoedya. « Je me souviens avoir étudié Victor Hugo, avoir parlé des ‘Misérables’ à l’école. Ici les enfants indonésiens connaissent peu Pram, qui a pourtant été traduit dans 52 langues. » Après deux années de recherche, Engel a donc monté la première exposition portant sur le plus célèbre auteur indonésien à l’étranger, réunissant pour cela des archives, des lettres, recréant le bureau de l’écrivain avec le mobilier d’origine, a organisé une soirée avec la famille de Parm.
Prochaines dates à noter : exposition de dessins de décembre à janvier 2020, partant de ce qu’on trouve sous le mot-dièse #seekaseek sur Instagram.
Dia.Lo.Gue commercialise également le beau livre « Inside Studio Indonesia », qui met en avant le travail d’artistes indonésiens actuels, avec de superbes photos. C’est le résultat de cinq années de recherches par quatre professionnels de l’art, dont le mari d’Engel. Le livre a été tiré à mille exemplaires pour sa première édition, et il n’en reste que 75.
Dia.Lo.Gue
Jl. kemang selatan 99 a
jakarta 12730, indonesia
t. +62 21 719 9671
lun-jeu 9.30 - 18.00
sam-dim 9.00 - 21.00