La prise en charge médicale est une préoccupation majeure, notamment quand on arrive dans un pays étranger et d’autant plus au moment crucial de devoir accoucher. Données statistiques, retours d’expérience et témoignages de professionnels, voici un petit tour d’horizon des possibilités qu’offre la Turquie pour donner naissance selon ses choix.
Le contexte sanitaire turc: une situation inégale entre un système public exsangue et un système privé performant
Pour ce qui est du contexte sanitaire, il est important de noter qu’entre 2003 et 2013, la Turquie a transformé son système de santé et a considérablement renforcé l’offre de services sanitaires. L’instauration de la couverture maladie universelle en 2008 a contribué « à l’amélioration des résultats en matière de santé, à une plus grande équité des financements, à une meilleure sécurité financière et à une plus grande satisfaction des usagers » selon un rapport de la Banque mondiale. Cependant, le secteur public manque de financement et de nombreux hôpitaux sont surchargés, allongeant ainsi les délais de rendez-vous et de prise en charge. L’alternative est le secteur privé, celui-ci est beaucoup plus onéreux mais moins en tension, avec une prise en charge rapide et de qualité.
Gynécologie-obstétrique: des accouchements sur-médicalisés
Concernant le domaine spécifique de la gynécologie et plus particulièrement de la prise en charge des grossesses, les dernières statistiques relatives aux taux d’accouchement par césarienne en Turquie (près de 60% à Istanbul) montrent que les pratiques sont bien différentes de celles d’Europe occidentale. En Turquie, en 2005, ce taux était pourtant de 27%. Selon le Docteur Emine Özel Tashan, gynécologue et fervente partisane des accouchements par voie basse, les médecins et les patientes “préférent la sécurité et le confort d’une opération programmée plutôt que l’imprévisible d’un accouchement naturel”. Elle ajoute également que “les récits traumatiques liés à l’accouchement par voie basse circulent dans les familles, ce qui n’encourage pas les changements dans ce domaine”. De plus, le perfectionnement des techniques médicales et la méconnaissance des techniques liées aux accouchements par voie basse, sont autant de facteurs encourageant le recours à la césarienne. “J’ai souhaité accoucher par voie basse pour mon 4ème enfant, comme je l’ai fait pour les 3 autres mais ça n’a pas été possible ici” confie Clémentine. “Le bébé était mal positionné et le médecin incapable d’effectuer une manœuvre pour le faire avancer, j’ai donc subi une césarienne en urgence”. Pour elle, la barrière de la langue et la formation des praticiens à l’accouchement par voie basse ont entraîné cette prise en charge non conforme à son souhait de départ.
Les "doulas", accompagnatrices de la grossesse et de la naissance
Des professionnels turcs sont cependant sensibilisés et formés à l’accompagnement des femmes enceintes pour les guider vers un accouchement en accord avec leurs convictions (césarienne ou non).
Contrairement à la France, où la profession est encore balbutiante, la Turquie a un réseau de “doulas” relativement bien développé. Ces professionnelles accompagnent les femmes enceintes et leur partenaire avant, pendant et après leur accouchement. Elles prennent en charge les séances de préparation à l’accouchement, et de rééducation périnéale comme une sage-femme le fait en France, mais elles sont là aussi et surtout au moment de l’accouchement. “A 1h du matin, quand les contractions se sont faites plus fortes, j’ai appelé ma doula et elle est venue en quelques minutes pour m’accompagner dans ce moment. Elle a aussi été l’interface indispensable entre les praticiens turcophones et moi et mon conjoint anglophones” nous raconte Marie. “A mon arrivée en Turquie, c’est aussi elle qui m’a orientée vers une gynécologue capable de pratiquer un accouchement par voie basse”, ajoute-t-elle. Véritables détentrices d’un savoir-faire qui tend à être occulté, le rôle des doulas vient compléter celui parfois surmédicalisé du gynécologue. Elles apportent connaissances biologiques et physiologiques aux parents en devenir et mènent une politique de santé publique parallèle et officieuse tentant de faire baisser le taux de recours à la césarienne dite “de confort”.
Le taux de césarienne ne baisse cependant pas en Turquie depuis plusieurs années, alors même qu’une loi en 2012 est venue encadrer cette pratique. Le problème est d’autant plus difficile à résoudre car les femmes qui ont accouché une première fois par césarienne, accouchent, dans la majorité des cas, par césarienne pour leurs enfants suivants.
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