Elections Inde : Le BJP à court de solutions pour faire face à la crise de l'emploi

 L’Inde face aux préoccupations liées à l’emploi des jeunes

Le principal opposant de M. Modi, le chef du Congrès Rahul Gandhi, a déclaré avoir beaucoup appris au cours de son "Yatra" (un mot hindi désignant un voyage spirituel) - une marche de 4 000 km (2 485 miles) à travers l'Inde conclue l'année dernière et au cours de laquelle il a rencontré des représentants de toutes les couches de la société. De ce parcours, il retient que ''le vrai problème est le problème du chômage qui génère beaucoup de peurs et de colère''.

Lors de sa première campagne en 2014, M. Modi avait promis de créer 20 millions d'emplois par an grâce au développement d'une industrie manufacturière et du tourisme à forte intensité de main-d'œuvre, à la modernisation de l'agriculture et à la promotion de l'entrepreneuriat. Cinq ans plus tard, l'accent mis sur l'emploi avait complètement disparu du nouveau programme de son parti.

Un déséquilibre entre l'offre et la demande dans l'emploi en Inde

Pourtant, le BJP est loin de tenir ses promesses en matière de création d'emplois. Selon un récent rapport (''India Employment Report 2024'') des chercheurs de l'Institut pour le développement humain de New Delhi et de l'Organisation internationale du travail (OIT), 5.2 millions d'emplois ont été créés en moyenne chaque année au cours de la dernière décennie (2012-2022). Si ce chiffre représente à peine plus de 25% des emplois promis en 2014 il est surtout très insuffisant pour absorber la main d'œuvre disponible car sur la même période, la population en âge de travailler a augmenté de 12,6 millions par an, selon les Nations Unies. La situation est également aggravée par le niveau élevé du travail informel qui représente près de 90% des travailleurs. Le rapport note également que le problème du chômage en Inde est de plus en plus concentré parmi les jeunes, en particulier les jeunes instruits et les femmes des zones urbaines. Le chômage des jeunes, estimé à 12,4 % en 2022, a plus que doublé depuis 2000. Il augmente avec le niveau d'éducation, avec un taux particulièrement élevé chez les jeunes diplômés (29,1 %), et surtout chez les jeunes femmes diplômées (34,5 %), reflétant une inadéquation entre les aspirations des jeunes et les emplois disponibles.

Une croissance soutenue qui ne se traduit pas dans les emplois

La croissance soutenue de l'Inde ne s'est pas encore transformée en opportunités d'emploi massives. L'une des raisons est que le processus de croissance est axé sur les services – contrairement à la plupart des pays développés qui ont connu un boom manufacturier au cours de leur processus de développement. Le Gouvernement a également du mal à réformer son secteur agricole peu productif. La part de l'emploi dans l'agriculture est passée de 42,4 % en 2019 à 45,4 % en 2022, ce qui suggère un renversement du processus Kuznets-Lewis (un passage progressif de l'agriculture à des activités à revenus plus élevés dans le processus de développement d'un pays) pendant les années de pandémie.

Le Gouvernement continue de prôner la croissance de l'emploi. D'abord en reportant le recensement national prévu en 2021, une première dans l'histoire moderne du pays. Pour augmenter artificiellement le taux de participation des travailleurs, le ministère des Statistiques continue d'utiliser une méthodologie non conforme à l'OIT, incluant le « travail familial non rémunéré » (qui a considérablement augmenté pendant la période COVID). Le Gouvernement a également régulièrement démenti les études sur l'état de l'emploi, notamment celles réalisées par des experts ou encore par des commissions officielles. Il a récemment créé 52 millions de nouveaux emplois formels au cours des quatre dernières années, en s'appuyant sur les données de l'Employee Provident Fund Organization, mais le chiffre réel doit être près de la moitié car de nombreux salariés se sont inscrits plusieurs fois alors que certains nouveaux inscrits avaient déjà un emploi auparavant.

Une population vieillissante 

L'Inde doit se dépêcher pour profiter de son dividende démographique. Le pays se trouve aujourd'hui dans une position démographique très favorable avec une grande proportion de sa population en âge de travailler mais cette situation unique pourrait s'inverser en moins de deux décennies. Si le Gouvernement indien subventionne massivement les industries à forte intensité de capital et celles tournées vers l'exportation, il n'investit pas assez dans le capital humain du pays. Augmenter le budget de l'éducation (qui a été réduit lors du dernier budget publié en février) pourrait être une première étape.