L'arrivée des taïkonautes le 15 octobre à bord de la station spatiale chinoise Tianhe symbolise les ambitions spatiales de la Chine. Cette mission habitée de six mois en orbite marque une étape pour la Chine et sert de vitrine. Cette nouvelle est largement commentée et suivie par les potentiels alliés et concurrents de la Chine qui joue désormais au coude à coude avec les Etats-Unis, voire prend la tête de la course à l'espace selon plusieurs observateurs. Voici pourquoi.
Extension de la station spatiale chinoise
C'est à bord de la station spatiale chinoise Tianhe "Harmonie céleste" que le vaisseau Shenzhou-13 s'est arrimé le 15 octobre dernier, moins de sept heures après son décollage depuis le désert de Gobi. La taïkonaute (nom des astronautes chinois) Wang Yaping accompagnée de deux confrères masculins le commandant Zhai Zhigang et Ye Guangfu doivent séjourner pendant six mois à bord de Tianhe, dans l'unique module déjà en orbite sur les trois prévus pour la station spatiale Tiangong. Ce sera la plus longue mission habitée effectuée à ce jour par la Chine. Après une mission de trois mois à bord de cette même station qui s'est achevée en septembre, le nouvel équipage aura cette fois-ci pour objectif de poursuivre la construction des deux modules manquants de la station spatiale, Wentian et Mengtian, qui constitueront à terme la station spatiale Tiangong en 2022 à environ 400 km d'altitude. Tiangong sera une station spatiale chinoise de 66 tonnes.
Avance technologique de la Chine
En comparaison, la Station Spatiale Internationale (ISS) pèse 405 tonnes et mesure un peu plus grand qu'un terrain de football. La station spatiale chinoise sera équipée d'un système de propulsion ionique qui améliorera considérablement l'efficacité énergétique et pourrait diminuer les temps de trajet vers Mars en amenant le voyage de 8 mois actuellement à 39 jours. Par rapport à la propulsion chimique qui caractérise actuellement la Station Spatiale Internationale, la technologie ionique est clairement plus efficace. Ainsi, alors que les propulseurs de l'ISS nécessitent quatre tonnes de carburant pendant un an, les propulseurs ioniques n'ont besoin que de 400 kg de combustible pour la même période. De même, si les panneaux solaires de l'ISS donnent déjà des signes de faiblesse, les cellules solaires chinoises sont d'un tout nouveau type et d'une durée de vie bien supérieure aux panneaux américains. Enfin, si la Station Internationale peut aujourd'hui accommoder 9 personnes au maximum, l'aménagement des trois modules chinois permettront de recevoir 12 personnes sur un espace bien plus réduit, la Chine ayant d'ores et déjà indiqué vouloir ouvrir sa station aux pays étrangers.
La construction d'une base sur la lune par la Chine et la Russie
La feuille de route des deux prochaines décennies de la Chine est déjà annoncée. Dès 2026, la Chine établira avec le concours de la Russie une base permanente lunaire. L'objectif à terme est d'assurer le ravitaillement des vaisseaux spatiaux pour pouvoir atteindre d'autres destinations à partir de la Lune. Cette permanence lunaire se fera sur plusieurs phases avec une mise en service en 2035. La première phase consistera à localiser à proximité du pôle sud de la Lune dans le bassin du cratère Aitken, l'emplacement le mieux adapté pour construire cette permanence lunaire. Puis débutera la construction de cette base lunaire entre 2026 et 2030 sur le site choisi, avant de passer en troisième phase, entre 2030 et 2035, lors de laquelle les premiers humains pourraient y vivre et travailler, laissant entrevoir une présence humaine permanente dès la période 2036-2040.
Etudes et exploitation minière sur la Lune par la Chine
Le bassin Aitken de 2500 km de diamètre et 13 km de profondeur se situe sur la face cachée de la Lune et regorge de données et d'informations qui pourraient jusqu'à expliquer la formation de la Lune et peut-être même du système solaire. Parmi les objectifs de la présence humaine permanente figure aussi l'exploitation des ressources minérales et de glace d'eau, pour produire les consommables dont auront besoin les futures expéditions humaines à destination de Mars voir de Jupiter. Cette alliance partiale sino-russe pourrait au passage permettre à la Chine d'acquérir ces technologies lui font défaut.
La Chine va-t-elle remplacer les Etats-Unis dans l'espace?
Pour la Russie, s'allier à la Chine permet de se désengager des partenaires liés au programme ISS (États-Unis, Japon, Canada et onze pays européens) dont la fin est programmée dans moins de 10 ans, en 2030, sans qu'un nouveau budget de remplacement soit à l'horizon pour l'instant. Les États-Unis, qui visent aussi la Lune avec les programmes Artemis et Gateway devraient donc suivre de près l'évolution de la collaboration sino-chinoise qui pourrait bien séduire d'autres pays alliés de Washington. Ironie du sort : c'est le rejet de la participation chinoise par les Etats Unis dans le programme de l'ISS qui a déclenché l'engagement de la Chine dans la conquête spatiale. Or aujourd'hui, la nouvelle station en orbite terrestre chinoise Tiangong, en s'ouvrant à la coopération internationale sous autorité chinoise, pourrait bien devenir la seule station orbitale en fonctionnement après l'arrêt de l'ISS. Si tel est le cas, l'espace représenterait pour Pékin un nouveau levier diplomatique sur des questions autres que spatiales.