Créatrice et ambassadrice de la marque Les Jamelles, la plus large gamme de vins de cépage en France, Catherine Delaunay est tombée sous le charme du Languedoc avec son mari Laurent Delaunay en 1995. Elle donne depuis lors naissance à des vins de caractère et de plaisir : une sélection et un assemblage de terroirs languedociens aux différentes tonalités, au service de l’expression de chaque cépage. Outre les « traditionnels », la gamme dévoile aussi des cépages plus rares, des sélections parcellaires et même, depuis un an seulement, un vin orange et un vin sans sulfite.
Mon goût et mon envie de travailler dans le vin viennent de là, de mes racines
Parlez-nous un peu de vous…
Je suis originaire du Beaujolais où mes parents avaient un domaine, j’ai toujours baigné dans l’univers de la vigne et du vin. Alors que nous étions très jeunes, mon père nous a demandé à mes sœurs et moi (nous sommes 4 sœurs), de venir l’aider dans les vignes surtout pendant les vacances d’été lorsque la vigne pousse très vite et qu’il y a beaucoup de travail. C’est un travail dur, peu ou pas mécanisable. Un cep après l’autre, il fallait de la patience et de la persévérance. A 14-15 ans, nous trouvions cela difficile et notre père nous disait souvent d’un air malicieux : « vous avez le soleil et le sable, que vous manque-t-il ? », « Juste la mer, Papa ! » répondions-nous... Avec le recul, cela a été une très bonne école et c’est un travail que j’aime vraiment, pas toujours facile : il fait froid l’hiver au moment de la taille et très chaud l’été, mais on voit, au rythme des saisons, la nature s’éveiller, croître, donner des fruits, subir les aléas du temps, y réagir, se rendormir.
J’aime finalement ce rythme où malgré un temps lent, chaque jour est différent, chaque année passionnante. Mon goût et mon envie de travailler dans le vin viennent de là, de mes racines. Je dis souvent que j’ai eu la chance d’avoir un père exigeant qui m’a donné le goût du travail, montré comment travailler avec la nature, avec ce qu’elle nous donne selon les millésimes. J’ai fait des études d’œnologie à l’université de Dijon avec le professeur Feuillat où j’ai rencontré mon mari. Je suis alors restée en Bourgogne, avant de descendre dans le Sud pour Les Jamelles.
Nous nous sommes alors tournés vers le Languedoc où un vrai vent de liberté se faisait sentir
Pouvez-vous nous parler de la genèse du projet ?
Très rapidement après notre rencontre, nous avons eu envie, mon mari et moi, de développer un projet ensemble et d’élaborer des vins de cépages au style gourmand et accessible. La Bourgogne offrait peu de perspectives à l’époque pour les jeunes oenologues que nous étions. Nous nous sommes alors tournés vers le Languedoc où un vrai vent de liberté se faisait sentir. A l’époque, la région était en plein renouveau : les vignerons avaient envie d’ouverture, ils plantaient de nouveaux cépages, des cépages internationaux. Nous avons senti le potentiel de la région et avons été parmi les premiers à croire en l’approche « Cépage » à une époque où le marché du vin était organisé par les seules appellations. La rencontre avec un ami américain a été décisive. Nous avons affiné la création du projet Les Jamelles ensemble et grâce à lui, nous avons pu expédier nos premières bouteilles, aux Etats-Unis en 1995. C’était le début d’une belle aventure !
Pour chacune de nos cuvées, les origines de nos raisins sont différentes selon les terroirs
À quoi ressemble une journée type ?
Eh bien en dehors des vendanges, période intense en cave où nous assistons à l’avènement du nouveau millésime, consécration de tout le travail d’une année dans les vignes, je passe beaucoup de temps à déguster les vins. En effet, tout au long de l’année nous devons surveiller les vins en cours d’élevage. C’est un travail important puisqu’il permet d’apporter de la complexité, un complément d’âme à nos vins et donc nous les suivons très régulièrement.
Pour chacune de nos cuvées, les origines de nos raisins sont différentes selon les terroirs. Effectivement, étant originaires de Bourgogne, mon mari et moi avons toujours apporté une grande attention aux terroirs et nous faisons un travail permanent pour identifier ceux qui conviennent le mieux à chaque cépage, ceux qui leur permettent d’exprimer une véritable identité… Au fil des années, nous avons fait un travail minutieux de cartographie du Languedoc et pour chacune de nos cuvées nous avons différentes origines de raisins que nous vinifions à part et que nous assemblons après les vendanges pour commencer l’élevage des vins.
Qui sont vos clients ?
Nous travaillons dans une cinquantaine de pays : en France, nos clients sont soit des cavistes, magasins ou restaurants genre brasseries ou bistrots modernes.
Nous avons un très grand succès au Canada
Y a-t-il une dimension internationale de l’activité ?
Oui complètement ! Nous exportons environ 75% de nos vins et ce, dans 50 pays différents et sur les 5 continents ! Nous avons un très grand succès au Canada avec notre Sauvignon par exemple mais nos vins sont aussi très appréciés dans toute l’Europe, aux Etats-Unis, en Chine, en Australie, à Hong-Kong ou encore, et c’est plus exotique, à la Barbade, à Tahiti ou au Myanmar ! Et en France, par exemple, notre Mourvèdre est vraiment apprécié : nous sommes le premier producteur de Mourvèdre dans le Languedoc. Cépage particulièrement intéressant en rouge mais que nous proposons aussi en rosé.
Comment faire pour faire découvrir ce métier, initier, encourager les jeunes à se tourner vers ce métier en lien direct avec la nature ?
Quel est votre plus gros défi ?
Notre plus gros défi pour les années à venir, sera, je pense, le renouvellement des générations. En effet, nos partenaires vignerons vieillissent et commencent à penser à leur transmission mais bien souvent leurs enfants sont déjà partis faire un autre métier et ne sont plus sur l’exploitation familiale… C’est pourtant un métier passionnant, chaque année est différente. Comment faire pour faire découvrir ce métier, initier, encourager les jeunes à se tourner vers ce métier en lien direct avec la nature ? Faire que ces transmissions d’exploitations se fassent sans perte de savoir-faire ? Voilà notre grand challenge pour les années à venir.
J’aimerais aussi beaucoup développer le côté pédagogique des Jamelles
Avez-vous un rêve ? De quoi sera fait demain ?
Continuer à faire découvrir le monde du vin à travers Les Jamelles bien sûr ! J’aimerais aussi beaucoup développer le côté pédagogique des Jamelles à partir de notre propre domaine : planter une vigne « collection de cépages » pour montrer les différences végétales entre les cépages, comment on les cultive … C’est vraiment un aspect de notre métier qui me tient à cœur et que j’aimerais montrer.