La vie népalaise est rythmée par plusieurs calendriers : le calendrier grégorien, le calendrier népalais, le calendrier Newar et le calendrier tibétain qui, chacun, célèbrent différentes fêtes. C’est pourquoi le 31 août 2023, en fonction de la communauté d’appartenance et du calendrier utilisé, quatre festivals différents ont eu lieu dans les villes et les campagnes népalaises.
Le 31 août 2023, au Népal, on a fêté :
- Dans la vallée de Katmandou, dans les villes de Katmandou et Patan, la journée des défunts et le lendemain, la journée de la vache, Gai Jatra.
- Toujours dans la vallée de Katmandou, Gunhi Punhi, appelé aussi Janai Purnima, soit le festival hindou du cordon sacré, qui célèbre Shiva.
- Chez les Newars, Kwati Punhi, l’occasion de réunir la famille autour de la soupe traditionnelle, appelée Kwati.
- Dans la région du Terai, le long de la frontière indienne, Raksha Bandhan, une fête hindoue célébrée aussi en Inde.
La journée des défunts et la fête de la vache, Gai Jatra au Népal
Les origines du festival des défunts
La légende raconte que le festival fut lancé au XVIIe siècle par le roi Pratap Malla. La reine pleurait éperdument la mort de leur fils Chakrabartendra Malla, écrasé accidentellement par un éléphant. Ne sachant que faire pour la réconforter, le roi ordonna à tous ses sujets ayant aussi subi la perte d’un proche, de sortir de chez eux et d’organiser une procession ayant pour objectif de redonner le moral à la reine et de lui rappeler qu’elle n’était pas seule dans son chagrin.
Chacun y mit du sien, se surpassant pour inventer des chants, des déguisements et des pantomimes. Une autre version de la légende dit que le roi avait promis de récompenser d’or et de richesses le premier à faire sourire la reine.
Ainsi chaque année le rituel se répète. Le festival symbolise une relation intime entre la vie et la mort dans la religion hindoue. Tout en commémorant les défunts, il célèbre la vie à travers rires et satires et maintient un lien communautaire qui se perpétue, même si de nos jours les jeunes se détachent de leur famille pour vivre leur vie.
Le lendemain, les Népalais célèbrent la vache, qui est l’animal qui permettrait aux défunts d’accéder à la vie d’après. Cette journée est appelée Gai Jatra. Traditionnellement, tôt le matin, les éleveurs Newars de la vallée de Katmandou lavent leurs vaches, et plus spécialement la queue de celles-ci, et les décorent de guirlandes. Ces dernières défilent ensuite dans les rues des villes et des villages.
Selon une version de la mythologie hindoue, Yamaska, le Dieu de la mort, aurait envoyé des vaches garder les portes de l’au-delà et il serait très difficile pour un défunt d’y pénétrer. Une solution serait d'attraper la queue d’une vache qui l’aiderait alors à en trouver l’entrée. Une autre version raconte que pour traverser le fleuve sacré qui sépare l’âme du défunt du Paradis, ce dernier doit s’accrocher à la queue d’une vache.
Reportage à Patan pour le festival des défunts et Gai Jatra
Cette année à Patan, particulièrement sur Durbar Square, on a pu voir des familles entières, équipées de genres de palanquins avec le portrait agrandi de leur défunt, faire le tour des temples et des prêtres en prières. Puis, alors que le jour laissait place à la nuit, surgissant de nulle part, des masques chevelus et déchaînés ont dansé et virevolté au son des tambours et des cymbales, sous les cris enthousiastes de la foule. Durant plus d’une heure, allant et venant d’un bout à l’autre de Durbar Square, soufflant sur les flammes des torches, accompagnés par les mouvements et encouragements joyeux de la foule, ces masques une fois encore célèbrèrent la vie.
Le lendemain, c'était au tour de jeunes garçons portant un masque de vache et un ruban en guise de queue, de défiler dans les rues, en tête des cortèges. Des musiciens et des chanteurs en costumes traditionnels Newars, des hommes, des jeunes garçons et des jeunes filles, ont parcouru les rues, par groupes distincts, parfois accompagnés de jeunes agités, déguisés et masqués, cabriolant et jouant des pantomimes. Tous portaient des masques épouvantables de diables, de squelettes et de lions pour le plus grand bonheur des spectateurs qui étaient venus les admirer. Et durant le spectacle, ces derniers discutent, mangent des glaces et boivent un thé, assis sur les marches surélevant de la rue toutes les habitations et les magasins de la ville. Les rues, déjà colorées par la brique des habitations, éclatent des couleurs des saris, la mode népalaise est de sortie.
Traditionnellement, des habitants distribuent à tous les participants des cortèges, avec le sourire, des boissons et à manger ou du riz et des bonbons pour faire des offrandes. On dit que la musique de fête apaise le Dieu de la colère et que les battements des tambours et le choc des cymbales effrayent les démons.
Quelle chorégraphie merveilleusement orchestrée ! C’est une surprise lorsque l’on connaît les embouteillages invraisemblables qui parfois bloquent ces mêmes ruelles étroites.
De nos jours, tout comme historiquement le carnaval en Europe, Gai Jatra est aussi l’occasion de satires et de commentaires humoristiques sur des personnalités publiques et de plaidoyers en faveur des groupes marginalisés, en particulier LGBT, dit-on…
Le festival hindou du cordon sacré
Dans la vallée de Katmandou, le 31 août 2023, on a aussi fêté Gunhi Punhi, également appelé Janai Purnima, soit le festival hindou du cordon sacré, qui célèbre Shiva.
Les pèlerins se baignent dans les eaux sacrées et changent le bracelet de fils qu’ils portent autour du poignet. Pour les brahmanes et les chamanes, c’est aussi le jour de changer le cordon qu’ils portent en travers du torse.
À Patan, la célébration a lieu dans le temple de Kumbeshwar.
La fête de Kwati Punhi chez les Newars du Népal
La fête de Kwati Punhi est l’occasion de réunir la famille autour de la soupe traditionnelle, appelée Kwati. Kwa en Newari signifie chaud et ti signifie soupe.
Au Népal, le plat traditionnel quotidien est le dal-bhat où le riz domine. La fête de Kwati Punhi est originaire de l’époque où il fallait trouver une solution pour se nourrir alors que les greniers à riz étaient vides, la récolte précédente consommée et la suivante plantée dans les eaux boueuses des rizières mais pas prête avant le mois d’octobre.
Le Kwati était alors la meilleure source d’énergie et de réconfort.
Ce plat est composé de neuf sortes de haricots germés (on compte environ 13 variétés de pois dans l’agriculture népalaise) dont des lentilles, des pois chiches, des haricots bleus, des pois de jardin et des haricots de riz.
L’imaginaire collectif populaire propose une infinité d’explications au chiffre neuf. Nous retiendrons une interprétation faite par l’anthropologue Tesjesh Babuwor Gongah : neuf est un nombre de bon augure issu du bouddhisme et lié au concept hindou de Navagraha. Les Navagraha sont les neuf corps célestes et divinités qui influencent la vie humaine selon l’astrologie hindoue : le soleil, la lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne et les deux côtés nord et sud de la lune.
Pour les Newars d’aujourd’hui, cette fête marque la fin de la mousson et le début de l’hiver, c’est le moment de nettoyer les sources, les puits et les réservoirs d’eau. Et dans tous les cas, ce plat délicieusement épicé et riche en énergie doit apporter des bienfaits aux membres de la famille.
Raksha Bandhan au Népal
Au Népal comme en Inde, la fête hindoue de Raksha Bandhan symbolise le lien entre les fratries. Selon la terminologie sanskrite, Raksha signifie noeud de protection et Bandhan, attacher.
Traditionnellement, les sœurs attachent un rakhi, soit un bracelet de fils au poignet de leurs frères et en échange ils leur offrent un cadeau, bijou ou vêtement en leur promettant de les protéger toute leur vie.
Raksha Bandhan : un festival hindou qui fête les frères et les sœurs
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