La troupe de théâtre et d'opéra birmans Peacock Generation est connue des Birmans et très populaires pour ses satires politiques, si populaire que pour Thingyan, le nouvel an bouddhiste, en 2019, ils avaient été invités à réaliser une performance dans les rues de Yangon. Une satire qui n’a pas eu l’heur de plaire aux militaires birmans – des gens pourtant plutôt connus pour leur humour au second degré, comme par exemple leur classique plaisanterie de « il n’y a pas d’exaction de l’armée dans l’Arakan » … - et qui vaut depuis poursuites et condamnations à ces artistes de rue.
La semaine dernière, un tribunal de la région de l’Ayeyarwady et un autre tribunal, de la région de Yangon celui-là, ont prononcé chacun une peine d’un an de prison avec travaux forcés à l’encontre de trois des humoristes de la troupe, lesquels avaient déjà reçu précédemment plusieurs peines du même genre. Les plaintes sont toutes similaires : « trouble à l’ordre public », selon une interprétation très particulière de l’article 505(a) du Code Pénal, et critique de la Tatmadaw (armée birmane), d’après l’article 66(d) du Telecommunications Act. Ces deux articles sont régulièrement dénoncés pour leur flou et leur côté fourre-tout par les organisations de défense de la liberté d’expression et des droits humains, que ce soit localement et internationalement.
En avril 2019, en mêlant danse, mime, musique et poésie, suivant les codes de la tradition birmane, les cinq satiristes ont fait rire la foule en ironisant sur les liens entre les militaires de haut rang et de nombreuses entreprises dont les bénéfices sont censés profiter aux hommes de troupes… et ne leur profitent pas tant que cela. Un mélange des genres qui a conduit à l’enrichissement personnel de bien des officiers supérieurs si l’on en croit un rapport récent d’une commission des Nations-Unies. Un mélange des genres qui est aussi un sujet de plaisanterie absolument banal au sein de la population.
Mais l’idée des militaires comme des juges n’est pas de laisser s’exprimer l’ironie. Les cinq membres du groupe sur « scène » le 15 avril 2019 sont en prison depuis un an, et trois d’entre eux, qui sont particulièrement ciblés par avril les autorités, ont donc depuis le début de l’année collecté plusieurs condamnations du même genre. Au final, le leader du groupe devrait faire cinq ans avec travaux forcés et ses deux collègues quatre ans et demi. Cela fait cher de la moquerie… D’autres membres de la troupe sont eux aussi toujours sous le coup d’accusations du même genre et attendent leur procès.
L’ensemble des accusés refuse de toute façon d’assister aux audiences, ils ont renvoyé leurs avocats, ne signent plus aucun document et rejettent en bloc ce qu’ils considèrent comme une mascarade de justice. Toutes les organisations locales de défense de la liberté d’expression et des droits humains sont vent debout contre ces procès et soutiennent Peacock Generation. Un soutien partagé par de nombreuses organisations internationales.