Sous l'impulsion de la Chine - et excluant les États-Unis - le Regional Comprehensive Economic Partnership (RECP) pourrait devenir le plus important accord commercial de la planète, associant la moitié de la population mondiale et scellant la domination de Pékin sur le commerce asiatique.
Les dirigeants de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), réunis en sommet ce week-end à Bangkok, ont avancé sur un projet d’accord de libre-échange promu par Pékin, qui associerait seize Etats de la région Asie-Pacifique, ambitionnant de le boucler fin 2019. Mais il reste encore un certain nombre d’obstacles sur le chemin
Qu'est-ce que le RCEP?
Lancé en 2012, le RCEP est un pacte commercial entre le bloc de l'ASEAN (composé de 10 membres), la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Inde. Il associerait ainsi seize Etats de la région Asie-Pacifique soit environ 3,4 milliards de personnes.
Une fois signé, le RCEP deviendrait le plus grand pacte de libre-échange au monde, couvrant environ un quart des exportations mondiales.
L’accord est destiné à supprimer les obstacles au commerce et à dynamiser les investissements afin de soutenir la progression des économies émergentes.
En quoi est-il important?
Le RCEP revêt son importance principalement du fait qu'il exclut les États-Unis et qu'il est initié par Pékin.
Les observateurs affirment qu'il renforcera la domination de la Chine sur son voisinage direct, où elle fait déjà face à une faible concurrence de la part des États-Unis depuis que le président Donald Trump s'est retiré du projet de Traité de libre-échange transpacifique (TPP), un accord qui était en passe de devenir le plus important pacte commercial au monde, jusqu'à ce que Washington se retire, affirmant qu'il détournait les emplois américains.
Les États-Unis déclarent maintenant se concentrer sur les accords bilatéraux avec les pays asiatiques et insistent sur le fait qu'ils ne se retirent pas de la région.
Mais avec Washington et Beijing aux prises dans une guerre commerciale, les partisans du RCEP espèrent finaliser cet accord prochainement. L'appel intervient alors qu'une version évidée du TPP poursuit son chemin sans les États-Unis et leur poids économique.
Quels sont les points de friction?
Il y en a quelques-uns.
Australie et Nouvelle-Zélande veulent que l’accord inclue un renforcement du droit du travail, de la protection de l’environnement, mais aussi de la propriété intellectuelle, alors que de nombreux pays de la zone sont peu soucieux de "copyright".
Quant à l’Inde, elle redoute que le RCEP se traduise par un afflux de marchandises chinoises sur son territoire. C’est donc entre la Chine et l’Inde que la négociation restera la plus difficile, estime un diplomate de l’Asean ayant pris part aux négociations de ce week-end.
"Ils sont en train de négocier un accord bilatéral de libre-échange au sein du RCEP, ils cherchent à résoudre leurs divergences", a déclaré le diplomate, sous couvert de l'anonymat.
Jusqu'ici, sept des 18 chapitres du RCEP ont été entérinés et la Thaïlande insiste pour que l'accord soit conclu cette année.
Il reste d’autres questions, notamment le règlement des différends et l'exclusion de certaines marchandises, qui doivent encore être "mises à plat", a déclaré dimanche un responsable du ministère malaisien des Affaires étrangères. "Nous manquons régulièrement l'objectif de signer le RCEP depuis plusieurs années déjà", a déclaré Muhammad Shahrul Ikram Yaakob à la presse.
"L’Asean doit travailler main dans la main dans les négociations sur le RCEP, afin qu’il puisse aboutir cette année", a déclaré dimanche le Premier ministre thaïlandais Prayut Chan-O-Cha lors de la conférence de presse finale dimanche.
"Le vent du protectionnisme met à mal notre système commercial basé sur le multilatéralisme", a-t-il martelé, dans une allusion à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.
Peut-il vraiment être signé cette année?
Si le bloc de l'ASEAN entend bien conclure l'accord cette année, il faut reconnaitre que les négociations trainent depuis 2013, et certains analystes doutent que cela se fasse d'ici décembre.
Tant que la Chine et l'Inde ne se mettront pas d’accord, "le RCEP n’ira nulle part", estime Michael Michalak, directeur régional de l’US-ASEAN business council.
Et les craintes qu’il se termine en eau de boudin vont croissant.
Le diplomate sud-est asiatique a déclaré à l'AFP que si le RCEP n'était pas finalisé cette année, il serait "mort" et la Chine pourrait poursuivre la conclusion d'accords commerciaux plus petits avec le bloc de l'ASEAN.