Le 14 juillet était un peu particulier cette année en France car le jour de la fête nationale française marquait aussi le centenaire de la Première guerre mondiale. Pour l’occasion, la France a invité les 72 pays belligérants à participer aux célébrations, dont la Thaïlande faisait partie. Le Siam s’est en effet engagé dans le conflit en 1917. Une contribution modeste mais qui a constitué un tournant dans les relations franco-thaïlandaises
Il y a cent ans, le 28 juillet 1914, débutait la guerre de 14-18, la Première guerre mondiale, appelée aussi la Grande Guerre. Ce conflit qui a mobilisé 65 millions de soldats de 72 pays (19 nations et colonies), a directement causé la mort de 9 millions de personnes, et fait 20 millions de blessées.
Pour commémorer cet événement majeur du 20e siècle, le Président François Hollande a décidé d’organiser un 14 juillet réunissant toutes les nations qui ont pris part au conflit – même si certaines ont changé depuis de configuration géopolitique.
Les célébrations officielles du 14 juillet comprenaient donc cette année la participation de près de 80 nations auxquelles il avait été proposé d'envoyer un représentant du gouvernement, une délégation de trois militaires dont un porte-drapeau qui a pris part à l'animation d'ouverture (mais pas au défilé), et quatre jeunes gens (à parité de sexe) qui ont participé à l'animation finale.
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Le Colonel Perapol Songnuy, Saint-Cyrien docteur en histoire, sera le nouvel attaché de défense à Paris Le prochain attaché de défense thaïlandais à Paris prendra ses fonctions le 1er octobre prochain avec pour accréditation la France, la Belgique et la Suisse. Il s’agit du Colonel Perapol Songnuy, officier parfaitement francophone passé notamment par Saint-Cyr et docteur en Histoire. Ancien professeur associé au département d’Histoire à l’Académie Militaire Royale de Chulachumklao, il se spécialise dans les relations internationales."Le Colonel Perapol est un bel exemple de la continuité de la coopération militaire", souligne l’Attaché de défense français en Thaïlande et Birmanie, le Lieutenant-colonel Thierry Poignant. Le Colonel Perapol a en effet effectué une grande partie de sa formation en France: Saint-cyrien, stagiaire à l’Ecole de cavalerie de Saumur, stagiaire à l’école d’état-major de Compiègne, docteur en Histoire à l’université de Paris Diderot (Paris VII) et auditeur d’un cours sur la sécurité à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). Dans le cadre de son doctorat en Histoire, il rédige une thèse intitulée "Les fonctionnaires étrangers au service du gouvernement siamois (1900-1940)". En 2012, il est décoré de l’Ordre national du mérite français par l’ambassadeur Gildas Le Lidec. Par cette distinction, le gouvernement français récompensait "le dynamisme d’un ancien Saint-cyrien de la promotion Cadets de la France Libre, qui avait su entretenir une relation pérenne avec la France et mener des actions exemplaires en faveur de notre rapprochement et de notre coopération avec le Royaume de Thaïlande". Bien que les relations politiques de haut niveau soient refroidies en raison du coup d’Etat survenu le 22 mai dernier, les relations techniques n’impliquant pas les plus hautes personnalités des Etats se poursuivent. A Bangkok, si l’ambassadeur n’a pas de contacts avec la junte compte tenu de la prise de position européenne vis-à-vis du nouveau pouvoir, en revanche l’Attaché militaire français, comme ceux des autres pays, assiste toutes les deux semaines, à des réunions de routines avec les militaires thaïlandais. |
La Thaïlande faisait partie des nations invitées, car le Siam est entré dans le conflit, aux côtés de la Triple Entente (les alliés de la France), en 1917. La déclaration de guerre date du 22 juillet 1917, et le contingent siamois est arrivé par bateau le 9 août 1918, à Marseille.
Il était constitué de près de 1.300 personnes dont des militaires du Train, des services médicaux, et des aviateurs - les pionniers de l’aviation thaïlandaise. Basés à Miramas, les Siamois ont participé à un flux logistique vers le nord durant les derniers mois de la guerre. Ce contingent siamois dont une partie rentrera au pays le 31 mars 1919, déplorera 8 morts sur le sol français et 19 au total dans le cadre de la Grande guerre. Les effectifs restant ont participé au défilé du 14 juillet 1919."Cette participation – dans le camp allié de la France - n’est pas si anodine que l’on pourrait penser, car le Siam avait des frontières avec la France de par les colonies de cette dernière dans la région", souligne le Colonel Perapol Songnuy, Saint-Cyrien, ancien professeur associé au département d’Histoire à l’Académie Militaire Royale de Chulachumklao, qui sera le prochain Attaché de Défense thaïlandais à Paris (voir encadré).
Et il est important de noter que les relations que la Thaïlande entretenait alors avec l’Allemagne étaient bien meilleures que celles avec la France. Durant la fin du 19e siècle et le début du 20e, le Siam a en effet dû faire face à la pression coloniale, particulièrement française depuis le Laos et le Cambodge, au profit desquels il a dû céder des territoires.
Les raisons qui ont amené le Siam à s’engager dans la Grande Guerre sont d’ailleurs avant tout stratégiques.De son entrée dans le conflit, le Siam a en effet obtenu en retour un certain nombre de contreparties, lui permettant notamment de recouvrer de sa souveraineté. Par exemple, le Siam obtient à l’issue de la guerre la révocation des privilèges d’extraterritorialité qui donnaient à certains Etats comme la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, des droits sur le sol Siamois comme le droit de juger eux-mêmes devant leurs propres tribunaux leurs ressortissants ayant commis un crime en terre siamoise, de jouir d’une taxation très faible sur les produits d’importation ou encore d’acheter des terres.
La participation du Siam à la guerre aux côtés des "alliés" lui a également permis de rehausser son statut international en se retrouvant parmi les vainqueurs de la guerre et, de fait, invité à faire partie des membres fondateurs de la Société des Nations.
Le colonel Songnuy ajoute que cet épisode aura aussi été une occasion pour le Siam de tourner la page de la période des litiges frontaliers avec la France pour en ouvrir une nouvelle plus prometteuse, marquée par la coopération militaire. "De nombreuses photos et films d’archives sur le contingent siamois sont visibles au Fort d’Ivry", note le Lieutenant-colonel Poignant, Attaché de défense français en Thaïlande et Birmanie.
C’est d’ailleurs à ce moment là que le premier Attaché de défense thaïlandais arrive en France et que de nombreux officiers thaïlandais viennent se former en France – aujourd’hui, la coopération militaire franco-thaïlandaise comprend notamment l’entrée en formation chaque année d’un cadet thaïlandais à l’école d’officiers de Saint-Cyr.
"L’aviation thaïlandaise est née du savoir-faire français", indique le Colonel Perapol, rappelant que les trois premiers pilotes siamois ont été formés en France, à l’occasion de la Première guerre, sur la base de Cazaux sur des hydravions - l’armée de l’air siamoise sera créée en 1936, deux ans après l’armée de l’air française.
Parmi les personnalités thaïlandaises formées dans les prestigieuses écoles militaires françaises, on compte notamment le père de la Reine Sirikit, le Prince Nakkhatra Mangala, (formé à Saint-Cyr en 1918), le Maréchal Pibul Songkram, l’un des putschistes de 1932 (début de l’histoire démocratique de la Thaïlande), puis de 1947, et fondateur de l’Ecole polytechnique thaïlandaise sur le modèle français (formé lui aussi à Saint-Cyr). Plus proche de nous, le Général Boonrawd Somtas, ancien élève de Saint Cyr et de l’Ecole de guerre à Paris, fut ministre de la Défense en 2006-2007 (dans le gouvernement post-coup de Surayud Chulanont). Le Colonel Perapol rappelle aussi que le premier Thaïlandais à entrer à l’Ecole de guerre à Paris fut le Prince Prajadhipok (plus tard Roi Rama VII), sur les mêmes bancs qu’un certain Charles De Gaulle.
Pierre QUEFFELEC et Pisit SURIYA (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) lundi 14 juillet 2014