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Coronavirus: un télétravail généralisé en Espagne, c'est possible ?

coronavirus télétravailcoronavirus télétravail
S O C I A L . C U T
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 10 mars 2020, mis à jour le 11 mars 2020

A quelque chose malheur est bon. L'épidémie qui frappe le monde favorise des solutions qui étaient jusqu’ici décriées. L’une d’elle est le télétravail qui fait dernièrement beaucoup parler de lui et commence à s’imposer en Espagne pour le bien des travailleurs et de l’entreprise.

 

Au début des années 2000, le Centre d’analyse stratégique pronostiquait que pas moins de 50% de la population active utiliserait le télétravail. Loin d’être une réalité, le travail à domicile reste pour la plupart un rêve qui permettrait de mieux concilier vie professionnelle et personnelle. 

C’est particulièrement vrai en Espagne, où il existe une faible culture du télétravail. Ainsi, en 2019, selon les données d'Eurostat seulement 3% des employés espagnols travaillaient à distance régulièrement alors que 93% ne l’avaient jamais fait. En revanche, ce chiffre dépasse facilement les 15% aux Pays-Bas, en Finlande ou au Luxembourg. Lorsqu’il s’agit du télétravail occasionnel, la France s’est beaucoup améliorée. Ainsi, selon une nouvelle étude Ifop, 29% des salariés français y ont eu recours en 2019, avec une moyenne de 7 jours de télétravail par mois. En Espagne, ce chiffre atteint seulement les 4%...


La peur de d’épidémie a été plus forte que la peur du manager

Comme le signale José Luis Casero, le président d’ARHOE (la Commission Nationale pour la Rationalisation des Horaires Espagnols), "C’est triste à dire, mais ce que personne jusqu’ici n’avait pu obtenir en Espagne pour mettre en place le télétravail, c’est un virus qui y est arrivé ! Il est clair que la peur de d’épidémie a été plus forte que la peur du manager de ne plus avoir ses employés sous son contrôle direct".

L'épidémie de coronavirus est en effet en train de catapulter le télétravail dans le monde. Même en Chine, qui n’en avait pas l’habitude, on estime que quelques 300 millions de Chinois travaillent actuellement depuis leur domicile. Aux États-Unis, il existe déjà plusieurs sociétés technologiques, comme Twitter, Amazon, Google ou Facebook, qui prévoient que cette situation exceptionnelle sera l'occasion de dynamiser le télétravail au quotidien.

Quant à l’Espagne, le ministère du Travail vient de lancer un guide d'action concernant le Coronavirus, dans lequel il demande aux entreprises de cesser leur activité en cas de risque de contagion dans leurs installations et de chercher des alternatives telles que le télétravail. Au delà de la controverse au sein du Gouvernement au sujet de cette annonce, PME et grandes entreprises ont déjà commencé à se préparer aux pires scénarios au cas où des mesures drastiques seraient prises si l'épidémie de Coronavirus s’aggrave.


L’Espagne possède plus de fibres optiques que l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, la France et le Portugal réunis

Il y a quelques jours, Vodafone Espagne a ainsi mené une expérience de télétravail pour 2.200 employés. Bien sûr, les entreprises technologiques, de par la nature de leur activité et la formation de leurs travailleurs, ont beaucoup plus de facilité à opter pour ce modèle de travail. Cependant, de nombreuses entreprises ont aussi commencé à tester le travail à domicile et des milliers d'employés de compagnies telles que BBVA, Telefónica, Mapfre ou Iberdrola n'auront pas de problèmes pour continuer à travailler normalement. 

En effet, l’Espagne possède plus de fibres optiques que l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, la France et le Portugal réunis ! Au total, 94% de la population en Espagne dispose d'une connexion à large bande et parmi les trois grands opérateurs (Telefónica, Orange et Vodafone), 48 millions de foyers ont déjà la fibre optique. Il convient d’ailleurs de noter qu’Orange et Vodafone ont déployé plus de fibre sur le territoire espagnol que dans leur propre pays d'origine. Avec le meilleur réseau Internet haut débit d'Europe, l’Espagne est donc mieux préparée aux visioconférences les plus sophistiquées et autres nécessités du télétravail qui exigent un très fort débit pour transmettre à n'importe quelle vitesse tout type de fichier, aussi lourd soit-il. 

Par contre, c’est loin d’être le cas de pays comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Italie qui auraient de réels problèmes à le faire car ils n'ont pas suffisamment de fibre haut débit, la majorité de la population utilisant encore des réseaux câblés obsolètes ou similaires, basés sur d'anciens réseaux en cuivre.

Par ailleurs, ce modèle de travail suppose un véritable défi pour les entreprises qui doivent s’assurer que les structures de leurs systèmes informatiques soient conçues pour une telle éventualité, afin que leur intranet soit accessible de l'extérieur sans compromettre les protocoles de sécurité. Sans parler de l'équipement informatique privé des travailleurs qui doit être suffisamment puissant et mis à jour pour effectuer les tâches. 


La culture du survêtement

La crise actuelle devrait avoir un impact durable sur l’organisation du travail avec une hausse du travail à domicile et de la digitalisation des activités. Jusqu’ici, les télétravailleurs en Espagne étaient l’exception qui confirme la règle. A cause –ou grâce– au Coronavirus, le télétravail, qui s’annonce comme mesure temporaire, pourrait donc bien rentrer dans les mœurs des entreprises qui vont découvrir les avantages et bénéfices pour tous d’un tel modèle. Outre la flexibilité, la liberté des horaires, et l’augmentation de la productivité, cela permet également d'économiser du temps et de l'argent, et aide même à diminuer l’empreinte carbone. 

Cependant, tout n’est pas parfait et le président d’ARHOE recommande un télétravail partiel. "Il peut se produire un risque d’isolement pour le salarié, en restant trop longtemps loin de son lieu de travail, ce que j’appellerais la culture du survêtement. Travailler depuis chez soi deux ou trois jours seulement me semble plus adéquat". Par ailleurs, il n’est pas toujours facile de lutter contre certaines mentalités bien ancrées en Espagne. "Le 'présentisme' -explique José Luis Casero– ce phénomène qu’on appelle plus communément 'réchauffer la chaise' (calentar la silla) est une pratique très répandue en Espagne. Espérons que le télétravail permette de lutter contre ce fléau".
 

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