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Grégoire Michaud: "La boulangerie m'a ouvert le monde"

Grégoire Michaud Hong KongGrégoire Michaud Hong Kong
Photo@Grégoire Michaud
Écrit par Karine Yoakim Pasquier
Publié le 16 février 2021, mis à jour le 17 février 2021

A Hong Kong depuis 22 ans, après être passé par la Suisse, les Etats-Unis, l’Irlande et les Maldives,  le boulanger, Grégoire Michaud, s'arrête à Hong Kong. Lepetitjournal.com revient sur son parcours et ses multiples voyages.

Remontant la longue file qui s’étend sur le trottoir de la Tai Wong Street East, je me fais happer par les odeurs sucrées et chaudes de la boulangerie co-fondée par Grégoire, avant de le rejoindre, assis à l’une des tables.

Ce Suisse, à la carrure imposante et à la voix grave, me reçoit un grand sourire aux lèvres, prêt à me raconter son parcours hors du commun, des montagnes suisses aux rues effervescentes de Hong Kong.

Du Valais, à Hong Kong en passant par le Colorado

C’est à Verbier, en Suisse, que Grégoire grandit, entre montagnes enneigées, chalets et mélèzes. Après l’école obligatoire, à 15 ans, Grégoire débute un apprentissage de boulanger, une formation en alternance alliant théorie et pratique aux côtés d’un professionnel, à la boulangerie du Pont, dans la jolie petite ville de Martigny.

 

 

Il travaille en Suisse jusqu’en 1998, jusqu’à ce que l’appel du large le titille. Il s’envole alors pour les Etats-Unis, où il devient pâtissier au sein d’hôtels. De Colorado Springs à Las Vegas en passant par le Mississipi, Grégoire s’essaie au rêve américain.

Mais après 3 ans, il veut ouvrir son horizon et répond à une offre d’emploi en Asie: "J'avais travaillé en Europe, j'ai travaillé en Amérique. Je n'étais jamais allé en Asie, alors je me suis dit: allez, on y est... on va découvrir le monde!"

Il est alors embauché au Regent Hotel, de Tsim Sha Tsui. Il fait ses valises et - trois semaines plus tard – débarque à Hong Kong, en pensant arriver au Japon.

"J’ai eu un choc d’intensité en arrivant à Hong Kong!"

Les six premiers mois sont un peu difficiles pour le boulanger: "J’ai eu une relation assez difficile avec Hong Kong, au début. Les six premiers mois, j’ai détesté. C’était beaucoup trop intense et fou. La vitesse et l’intensité de la ville, comparé à ce que je connaissais, ont vraiment été un choc."

Mais il s’habitue: "C’est devenu une drogue. J’ai commencé à y prendre goût. Après un an, je ne voulais plus partir…"

 

Grégoire Michaud Hong Kong
C'est à TST que Grégoire commence sa vie hongkongaise - Photo@Wikimedia Commons

 

Ce que Grégoire apprécie notamment à Hong Kong, ce sont toutes les opportunités qui s’offrent à lui. "C’est monumental ce qu’il se passe ici. Tu peux tout faire. Tu travailles dans des cinq étoiles et tu peux avoir des clients qui dépensent des sommes impressionnantes."

Un soir, un client demande à l’hôtel dans lequel Grégoire officie, de préparer un dîner pour 30 personnes avec 1000 euros de budget par tête: "En tant que chef, les moyens qui nous sont offerts, nous permettent de travailler avec des produits d’exception, d’être créatifs, de manier des ingrédients que le commun des mortels ne verra jamais. Tu peux vraiment t’amuser!"

Les Maldives, l’Irlande, puis à nouveau Hong Kong

Après deux ans et demi sur place, Grégoire repart. Il accepte un emploi dans un hôtel aux Maldives. Si le lieu semble paradisiaque, Grégoire s’y ennuie: "Tous les deux mois, j’avais besoin de revenir à la civilisation. L’hôtel, c’était l’île en elle-même. Il n’y avait rien à faire…"

Il se met à la plongée de manière assidue, passe sa certification PADI Rescue Diver sur son temps libre, puis décide qu’il est temps de passer à autre chose.

 

Grégoire Michaud Hong Kong
Après un séjour aux Maldives, Grégoire retourne en Suisse pour retrouver les bancs d'école - Photo@Wikimedia Commons

 

Il revient alors en Suisse pour passer un diplôme en hospitality management, à l’Ecole Hôtelière de Lausanne: "Je pensais devenir gérant d’hôtel… je m’imaginais travailler en costume et devenir un vrai monsieur…"

Il repart ensuite à Dublin, en Irlande, pendant un an et demi, où il met en pratique ce qu’il a appris à l’EHL, mais le terrain lui manque: "Ça m’a plu moyennement. J’ai découvert le côté de la salle, le service et c’était intéressant, mais le travail manuel me manquait énormément."

De ce fait, lorsque le Four Seasons de Central lui propose un emploi, il accepte sans hésitation et revient à Hong Kong. Il reste huit ans à ce poste, où – en plus de sa casquette de chef – il s’occupe d’accompagner les projets d’ouverture en Asie Pacifique, notamment en Chine.

Puis, souhaitant relever de nouveaux défis, l’entrepreneur décide d’ouvrir sa propre compagnie. "Par chance, j’ai rencontré Frédéric, mon associé, que je ne connaissais pas du tout. Il cherchait de la farine pour faire du pain… on a discuté et c’est parti de là!"

Les spécialités du monde entier

En 2013, Frédéric et Grégoire lancent une compagnie dédiée à fournir du pain aux hôtels et restaurants. Puis, en 2017, ils fondent leur propre boulangerie, Bakehouse. "C'était important pour moi d'avoir pignon sur rue et d'avoir de vrais clients!", me dit le boulanger, dans un sourire.

Lors de sa carrière et de ses voyages, Grégoire découvre de nombreuses recettes et de nouveaux produits qu'il intègre peu à peu à sa cuisine: "Notre boulangerie n’est pas liée à une nationalité."

En effet, en se rendant devant la vitrine de la boutique, on ne retrouve pas les produits classiques d’une boulangerie à la française, à la suisse ou encore à l’allemande… mais un mélange coloré comprenant diverses spécialités. Des scrolls d’origine australienne, aux tartes aux œufs hongkongaises, aux scones à l’anglaise, en passant par des croissants ou des quiches, la boutique n’a pas d’étiquette. "On est une boulangerie, point final. On ne veut pas se plier à rentrer dans le moule en se catégorisant. On veut simplement proposer le meilleur de ce qu’on connaît et de ce que j’ai découvert pendant ma carrière!"

 

Grégoire Michaud Hong Kong
Photo@Grégoire Michaud

 

Quand je demande à Grégoire quel est son péché mignon parmi ce qu’il propose, il me parle des boules de Berlin, ou giant doughnuts, à la confiture de framboises, qui lui rappellent les goûters de son enfance.  D’origine austro-allemande, la pâtisserie est très populaire en Suisse et Grégoire en a fait une version améliorée, avec de la confiture, du chocolat ou de la crème pâtissière à la vanille ou au matcha.

"Pour être un bon boulanger, il faut être fier de ce que l'on fait!"

Chaque jour, Grégoire et son équipe commencent à travailler aux aurores. "Faire du pain, ce n’est pas compliqué. C’est former ses équipes qui est un vrai défi."

Son équipe, Grégoire en est fier. Ses bras droits et gauches sont tous deux Hongkongais, comme l’ensemble de ses employés. "Ils savent comment je travaille. Quand je leur parle, ils me comprennent immédiatement."

 

 

Dans sa cuisine, c’est dans un cantonais teinté d’anglais que tous communiquent, travaillent la pâte et font émerger pains, pâtisseries et viennoiseries.

"Pour être un bon boulanger, le travail est important… mais ce qui compte aussi, c’est d’être fier de ce qu’on fait, de ce qui sort de nos fours, de la qualité des produits que l’on fabrique. Tous les jours, ce que mon équipe fait dans les cuisines, c’est du boulot en or! Et c’est ce côté humain qui est aussi important dans la boulangerie. Les gens ne sont pas de simples outils… Je dois rendre fières mes équipes pour qu’elles fassent du bon travail!"

"Le pain, c'est une valeur refuge"

Le Covid a bien évidemment amené son lot de difficulté à l’entreprise: "Cette année a été très difficile. On travaillait beaucoup avec les hôtels, l’aéroport, les compagnies d’aviation. En février, ça a été la massue…"

Pour y pallier, Grégoire et Frédéric ouvrent une nouvelle boutique en mode take-away. "Notre chance, ça a été d’être dans la boulangerie. Les gens sont restés chez eux et nos ventes à l’emporter ont augmenté…".

Quand je demande à Grégoire s’il en connaît la raison, il n’hésite pas une seconde: "Le pain, c’est une valeur refuge. Ça rassure et réconforte!"

 

 

Si le pain ne fait pas partie historiquement de la culture alimentaire hongkongaise, c’est un aliment qui devient de plus en plus populaire. "Les choses ont beaucoup changé ces vingt dernières années. Maintenant, on peut vraiment trouver de tout, à Hong Kong: des fromages, à la charcuterie, en passant par le vin ou la bière… et le pain. Les gens s’y intéressent et le marché évolue! D’ailleurs ma clientèle est composée à 85% de Hongkongais…"

Pour la suite, le boulanger ne manque pas de projets. Il réfléchit à l’ouverture d’une nouvelle boutique, du côté de Kowloon et travaille, en ce moment, sur une nouvelle ligne de pains au levain qui sera prochainement disponible dans les supermarchés.

 

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