Charlotte Restout, enseignante et maman de 3 enfants, a multiplié les rencontres artistiques depuis son arrivée en Tunisie, il y a 8 ans. Une parenthèse enchantée …...
Lepetitjournal.com édition TUNIS : Racontez nous votre arrivée en Tunisie
Charlotte Restout : Arrivée juste après la Révolution de Jasmin, j'ai passé 8 ans en Tunisie et ce fut pour moi l'expérience d'une parenthèse enchantée.
Avant cela, j'étais à Dakar au Sénégal, j'enseignais dans une école franco-sénégalaise. Ce fut ma première expérience d'expatriée, elle a duré deux années et elle fut le début de dix années passées à l'étranger loin de la grisaille parisienne.
Votre intégration a-t-elle été facile ?
Mon intégration fut relativement facile grâce à ma situation professionnelle, ma capacité d'adaptation forgée au Sénégal et l'esprit d'ouverture qui me caractérise.
Loin des contingences politiques qui ont traversé la société tunisienne post révolutionnaire, et loin des contingences matérielles dont j'étais dégagée en raison de mon statut d'expatriée, j'ai vécu des aventures artistiques aussi diverses qu'enrichissantes.
La Tunisie fut pour moi un révélateur de mes différents talents artistiques. Mon métier d'enseignante m'a offert de nombreuses opportunités de rencontres et surtout du temps que j'ai mis à profit pour élever mes trois enfants et aussi développer certaines qualités artistiques qui sommeillaient en moi.
C'était impossible en France ?
En France, on est vite coincée dans une routine, on a moins de temps pour soi, moins de pouvoir d'achat aussi, les possibilités de rencontre sont moins nombreuses.
Je ne sais pas si j'aurais pu vivre toutes ces aventures en France. En Tunisie, à partir d'une simple idée tout devient possible, réalisable avec plus ou moins de succès au final évidemment.
Ce sont les rencontres qui vous ont amené à vous tourner vers les arts ?
Certaines rencontres ont été décisives comme celle d'Anne Céline Souali. Grâce à elle, j'ai pu expérimenter le théâtre en participant à la première troupe d'improvisation théâtrale en Tunisie : Les Marsatac. Ce groupe m'a permis de développer la créativité verbale, l'expression corporelle et le lâcher prise si libérateur les soirs de spectacle comme au café le Liberthé à Tunis ou lors du Festival d'improvisation à Madhia.
J'y ai rencontré des personnes, souvent expatriées comme moi, dont les objectifs aussi divers que louables, étaient d'être capable de s'exprimer en public, de s'affranchir du regard des autres ou tout simplement de jouer en endossant des rôles créés au fil des histoires racontées.
De vrais moments récréatifs et libérateurs dans ma vie de mère et de femme active !
Vous avez également créé une marque ?
L'autre aventure artistique que j'ai poursuivie fut la création de ma marque Tatontamis. Inspirée par les maçons que je voyais quotidiennement dans les rues de La Marsa, je décidai d'investir le tamis en transformant cet outil archaïque en un véritable objet artistique. Peint, tissé, décoré, le tamis devenait un élément de décoration dans les salons ou les chambres d'enfants. Dans mes créations, j'utilisais différents motifs , des poissons à la Tanit en passant par la Kasbah.
Ainsi, j'ai toujours eu à coeur de m'inspirer de la culture tunisienne puis de me l'approprier. Créer ma marque, dessiner mon logo, ouvrir ma page Facebook, proposer mes modèles dans des boutiques d'artisanat comme l'Artyshow, participer à des événements culturels comme le Festival des Arts Méditerranéens à Sidi Bou Said furent pour moi une découverte et une source d'épanouissement personnel. Même si la fibre commerciale ne m'habitait pas, j'ai réussi à croire suffisamment à mon projet pour le rendre viable pendant une courte durée.
Des moments où l'artisane que j'étais devenue s'opposait parfois à la commerciale que je devais être !
Quels autres secteurs artistiques avez vous expérimenté ?
Enfin la dernière aventure artistique menée avec deux amis, Sonia Gandoura et Amar Boumediene fut l'écriture et la production d'un court métrage intitulé Habib. B. Ce film original raconte les tribulations de Félix André venu en Tunisie à la recherche du grand Habib. Au gré de ses rencontres, il finira par rencontrer Habib mais d'une manière fort insolite.
Partis de rien, nous sommes parvenus à tourner dans les rues de Tunis, de Sid Bou Said, au Saf Saf, à filmer une scène de concert, à intéresser Power Solo, à motiver des copains amateurs et des comédiens plus chevronnés. Notre plus grande fierté fut de faire aboutir un projet complètement fou en seulement 3 jours de tournage grâce au concours de JB Cassin le réalisateur du film !
Ce projet insolite connait désormais un certain succès d'estime puisque le film participe à différents festivals au cours de l'été.
Des moments d'écriture intime à la Nanni Moreti, de tournage à la Fellini pour un film à la Roberto Benigni !
Aujourd'hui vous quittez la Tunisie, pourquoi ?
Je quitte la Tunisie pour des raisons professionnelles. Je retourne en France, en région parisienne mais je ne suis plus la même qu'à mon arrivée. J'ai acquis de la confiance en moi, je me suis révélée dans différents domaines artistiques et j'ai encore plein d'idées à développer.
Reviendrez-vous ?
Je reviendrai sûrement pour participer à la promotion d'Habib B dans les festivals, pour tourner sa suite... ou tout simplement revoir mes amis tunisiens.
La Tunisie restera pour moi le pays où l'Art devient possible.
Propos recueillis par Isabelle Enault - Lepetitjournal.com édition TUNIS - le 4 septembre 2019