Le monde entier est à l’heure du confinement. Les rues sont désertes, les habitants applaudissent et chantent aux fenêtres et les chiffres suivent une inquiétante courbe ascendante. On se dit que l’on n’a jamais vu rien de pareil. On a le sentiment de vivre un épisode inédit.
Malgré tout, l’être humain a un besoin viscéral de comparer son présent à ce qui a pu se produire par le passé. Pour se rassurer sûrement, pour se faire peur peut-être. La terrible Peste Noire du milieu du XIVe siècle est trop lointaine pour être mobilisée. Par conséquent, pour trouver une crise sanitaire de cette ampleur, il faut remonter à la toute fin des années 1910. Le monde est alors dans les ténèbres de la première Guerre Mondiale quand surgit une nouvelle plaie : la grippe espagnole. Que savons-nous de cette pandémie ravageuse qui dura trois longues années ?
Des origines asiatiques ?
Malgré son nom qui suggérerait une origine ibérique, la grippe espagnole vient certainement d’Asie. En effet, les recherches actuelles s’orientent vers une éclosion en Chine en 1915. Dès l’année suivante, du fait de mouvement de populations, la maladie arrive sur le territoire américain : le premier cas officiel est recensé dans le Kansas.
La grippe des soldats américains
Les Etats Unis, après avoir maintenu une posture isolationniste pendant les trois premières années de la première Guerre Mondiale, décident d’entrer en guerre aux côtés de l’Entente (France, Royaume-Uni).
Ainsi, des troupes américaines débarquent à Bordeaux un mois après les premiers cas du Kansas. Nous sommes en avril 1918. C’est le début de la première vague européenne de la grippe espagnole.
Les quatre vagues
Après ce premier pic du printemps 1918, une deuxième vague se déclare avec un nouveau débarquement estival de soldats américains, en Bretagne cette fois-ci.
L’apogée se situe pendant l’automne 1918 –qui verra la signature de l’Armistice. Enfin, un nouveau pic se manifestera au printemps avant que la grippe espagnole ne perde enfin en intensité.
Pourquoi la grippe "espagnole" ?
Lorsqu’éclate cette épidémie de grippe, la première Guerre Mondiale bat son plein. Les puissances engagées dans le conflit comme la France, l’Angleterre ou l’Empire allemand ne peuvent pas se permettre de décourager les soldats au front et la population à l’arrière par les inquiétantes nouvelles de cette féroce grippe. La presse est solidement muselée.
L’Espagne, quant à elle, est restée neutre dans ce conflit. Ses journaux ont ainsi beaucoup plus de liberté pour faire la chronique d’une pandémie qui fait des ravages importants en dans le monde, en Europe et dans le royaume.
Une population madrilène durement touchée
Pour autant, l’Espagne n’est pas uniquement spectatrice de la terrifiante pandémie. En effet, un peu moins d’un mois après l’arrivée des troupes américaines dans le sud ouest de la France au printemps 1918, la capitale espagnole est frappée de plein fouet par la grippe. On estime que près des trois quart de sa population aurait alors été contaminée dont le roi Alphonse XIII.
Une lente prise de conscience
S’il y a peut être un parallèle à tracer avec la situation actuelle, ce serait concernant la lenteur de la prise de conscience. A l’été 1918, alors que frappe déjà la deuxième grande vague de contagion, les autorités françaises ne semblent pas saisir la gravité de la pandémie à venir. Même les scientifiques de l’Institut Pasteur minimisent ce qui est assimilée à une grippe peu dangereuse.
Soigner par le rhum
Si dans la crise sanitaire actuelle, il nous est répété à longueur de journée les règles essentielles d’hygiène afin de freiner la propagation du virus, les conseils pour lutter contre la grippe espagnole sont d’un autre ordre. Le médicament le plus en vogue de l’époque est indéniablement le rhum qui a vu son prix flamber en quelques mois. Il entre comme ingrédient principalement dans la concoction de grogs, réputés très efficaces contre la grippe.
Plus meurtrière que la première Guerre Mondiale
Bien que cela ait été quelque peu éclipsé par le souvenir glorieux de la victoire de 1918, la grippe espagnole fut dévastatrice. Elle aurait causé la mort d’environ 50 millions de personnes ou plus. C’est bien plus que le nombre de morts pendant toute la première Guerre Mondiale. En France, la pandémie aurait tué entre 200.000 et 400.000 personnes.
Des victimes célèbres
Le poète Guillaume Apollinaire, le dramaturge Edmond Rostand ou encore le sociologue Max Weber comptent au rang des victimes célèbres de la grippe espagnole.