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EDITO - Qualité et coût de la vie à l'étranger: Pourquoi se méfier des comparateurs ?

cout de la vie selon les pays et les villes varient mais il faut se méfier des compareteurscout de la vie selon les pays et les villes varient mais il faut se méfier des compareteurs
Écrit par Maud Joulié Moly
Publié le 14 février 2023, mis à jour le 14 juin 2023

 

Les futurs expatriés ont souvent une foule d'interrogations sur leur prochaine destination. Tout outil permettant de se projeter dans un quotidien concret est apprécié par cette population en quête d'informations et d'estimations en tout genre. Nombreux sont les comparatifs qui se proposent alors de satisfaire leur curiosité. Exemple avec le site de Numbeo sur le coût de la vie à Paris et Hanoï. Mais à quel point devrait-on s’en méfier, et pourquoi ?

 

Quels coût et qualité de la vie à Hanoi versus Paris selon Numbeo ?

Le site Numbeo présente ses résultats selon trois catégories : le coût de la vie, le prix de l'immobilier, et la qualité de vie. En se penchant sur le coût de la vie à Hanoï par exemple, on apprendra que le prix d'un repas dans un restaurant bon marché s'élève à environ 2€, contre 15 pour Paris. Si l'écart est impressionnant pour les boissons (bière locale, soda ou encore eau minérale : leur coût est plus de 80% supérieur à Paris), il n'en demeure pas moins important pour la nourriture, qu'il s'agisse de fruits, légumes, viande ou fromage (entre 35 et 70% de différence). 

Concernant les transports, les charges, les activités de loisirs, les gardes d'enfants et l'achat de vêtements, la tendance continue d'être, quasi systématiquement, à l'avantage de la métropole vietnamienne. Le coût de l'immobilier suit la même logique : les loyers parisiens représentent environ trois fois ceux de Hanoï. Néanmoins, du point de vue de la qualité de vie, les salaires plus élevés offrent un pouvoir d'achat plus confortable dans la capitale française, qui bénéficie aussi d'un meilleur climat, d'une pollution moindre et de services de soins de santé plus qualitatifs. Seul l'indice de sécurité pourrait lui faire défaut. Jusque-là, rien de surprenant, et encore moins de préoccupant. Mais alors où se situe le problème ? 

 

un homme compte ses billets d'argent vietnamien

 

Une méthodologie approximative du calcul des indices

D'abord, il faut prêter attention à la manière dont sont collectées les données. Les personnes interrogées ne sont pas sélectionnées selon des critères définis : est contributeur celui qui consulte le site et accepte de répondre aux différents questionnaires. Aucune condition de domicile dans le pays n'est exigée et le nombre de réponses au sondage est illimité. L'échantillon n'est donc ni représentatif (les voyageurs et expatriés, plus susceptibles d'être intéressés par ces données, sont très probablement sur-représentés), ni suffisamment conséquent : à Hanoi, pour certaines sections, leur nombre n'excède pas 44 participants. 

Notons également que, parmi les variables intervenant dans le système de notation, nombre d'entre elles sont ignorées. Par exemple, des différences culturelles pourraient en amener certains à juger avec plus sévérité une situation, ou, au contraire, à sous-estimer sa gravité en raison d'une accoutumance. On pense aux Français et à leur « insatisfaction » réputée par-delà les frontières, ou aux citadins d'Asie du sud-est, possiblement plus « tolérants » envers les niveaux de pollution. 

De la même manière, le choix des critères pris en compte dans le cadrage des notions peut être à interroger, tant pour le choix des questions que pour la lecture des résultats. Sur la dizaine d'entrées relatives à l'insécurité, des questions telles que « avez-vous peur de vous faire agresser physiquement par un étranger ? » cohabitent avec l'absence de données sur les autres types de violences (domestiques notamment). 

 

les comparateurs de prix sont souvent biaisés

 

Des résultats basés sur les « ressentis » des personnes interrogées 

Côté prix, Numbeo déclare mêler les estimations de contributeurs à des indices relativement dignes de confiance (NDLR, des sites de vente en ligne de supermarchés, actualisés en théorie deux fois par année). Mais pour les autres catégories, ce sont les avis des internautes qui prévalent. A l’image de l’onglet « qualité de vie » : l'indicateur de pollution ne se fonde pas sur la qualité réelle de l'air, mais sur la pollution « ressentie » avec des questions telles que : « êtes-vous satisfaits des espaces verts et des parcs de la ville ? » ou encore « êtes-vous préoccupés par la pollution de l'eau dans cette ville ? ». Autre exemple, la « criminalité » qui ne se réfère qu'au sentiment de sécurité des contributeurs : « Selon vous, quelle est la gravité du niveau de criminalité ? À quel point êtes-vous inquiet que votre voiture soit volée ? ». Admettons enfin que certaines formulations soient maladroites : « Dans quelle mesure les crimes violents tels que les agressions et les vols à main armée sont un problème ? », en oubliant de préciser « ... dans cette ville ? ». C'est d’ailleurs cette subjectivité qu'omettent de mentionner les journaux qui relaient les classements. Parmi les plus imposants, on retrouve la BBC, le New York Times, The Guardian... 

 

Des chiffres de qualité de vie instrumentalisés par les médias ?

C'est sur ce point qu'en 2017, le suédois Linus Trulsson a voulu alerter : en répondant plusieurs fois d'affilée au questionnaire, il a fait de Lund, paisible petite cité étudiante, la ville la plus dangereuse du monde. Mais certains n'ont pas attendu sa démonstration : lors de la campagne présidentielle philippine de 2016, le candidat Rodrigo Duterte mettait en avant son rôle dans le « nettoyage » de Davao, anciennement gangrenée par le trafic de drogue, dont il avait été maire pendant plus de vingt ans. Selon lui, ses mandats successifs aurait permis à la ville de devenir la quatrième « la plus sûre d'Asie du sud-est », comme en témoignait Numbeo, alors même que la police - Philippine National Police (PNP) - annonçait que Davaos affichait l’un des plus hauts taux de meurtres et de viols du pays entre 2010 et 2015…

 

rapport des crimes aux Philippines par la PNP entre 2010 et 2015
rapport des crimes aux Philippines par la PNP entre 2010 et 2015 - à droite, le maire Rodrigo Duterte

 

Inutile toutefois de regarder de l'autre côté du globe pour observer de pareilles récupérations : en France en 2022, Le Figaro publiait une infographie sur « l'indice de sécurité moyen », basée sur Numbeo, qui faisait apparaître la France entre le Mexique et l'Afrique du Sud. Ces données ont immédiatement été relayées par des journaux tels que Français de Souche sous le titre « une seule ville française dans le top 200 du classement mondial des villes les plus sûres ».

 

Numbeo se veut « une base de données collaborative » sur les villes du monde

Faut-il blâmer les sites comparatifs ? Du côté de Numbeo, pas de mensonges : l'organisation serbe se définit à raison comme une « base de données collaborative », bien que la communication autour de la méthodologie employée se montre insuffisante. Une des solutions serait peut-être de considérer ces comparatifs comme ce qu'ils sont, c'est-à-dire, pour reprendre les mots du suédois Trulsson, des « critiques » et non des « statistiques ». Et ainsi profiter de l'intérêt réel de ce sondage, qui renseigne plaisamment, sans prétention de fidélité au réel, sur l'état d'esprit et la perception des habitants d'une ville ou d'un pays vis-à-vis du lieu où ils résident. 

 


 

Retrouvez ici nos quelques estimations de coût de la vie entre le Vietnam et la France

Et, si vous souhaitez vous faire votre propre avis sur le coût de la vie à Hanoi,  consultez la base de données Numbeo ici

 


 

 

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