Dans leur analyse publiée récemment sur leurs sites, Jochen Borenich, COO et Administrateur de Kapsch BusinessCom et Barbara Stöttinger, doyenne de l’Executive Academy à la Wirtschatsuniversität Wien expliquent que les nouvelles formes de travail et de collaboration sont certes nées ou ont été renforcées par la pandémie mais aussi qu’elles sont bien là pour durer.
En Autriche comme dans la plupart des pays européens, les dirigeants et les employés ont vu leur mode de collaboration se métamorphoser depuis un an. Le travail à domicile, les horaires extrêmement flexibles, les réunions virtuelles et autres aménagements de l’emploi du temps et du lieu de travail étaient relativement avant-gardistes avant la pandémie. Mais les contraintes des confinements successifs et des mesures barrières ont accéléré les mutations des entreprises vers de nouvelles formes d’organisation.
Qu’est-ce que le « Megatrend Hybrid Working » ?
La tendance de fond relevée par les auteurs est le « Megatrend Hybrid Working ». Le travail hybride est un mélange d’activité présentielle et virtuelle qui révolutionne les outils, l’espace et les méthodes dont il a besoin. Auparavant, cette tendance se détectait exclusivement dans les start-ups, les entreprises de la nouvelle économie, les stars d’internet ou des réseaux sociaux. Depuis, le virus étant passé par là, c’est quasiment l’ensemble des entreprises qui a testé et adopté le mélange par la contrainte en le façonnant à sa manière.
Les experts ont formalisé ces adaptions à la nouvelle donne et ils ont qualifié les transformations autour de trois dimensions : « People » : les changements concernant les acteurs, dirigeants ou employés, « Places » : la remise en question du lieu de travail fixe et l’utilisation intelligente de l’espace de travail, « Technology » : les innovations qui ont permis ces changements ou qui sont nées de la nécessité de travailler autrement.
En parallèle, les constats de Borenich l’ont mené à coopérer avec l‘économiste Michael Bartz et avec Thomas Schmutzer, Directeur chez KMPG Advisory GmbH en Autriche, pour publier l’ouvrage Travail Hybride et Digitalisation (titre original: Hybrides Arbeiten & Digitalisierung) dans lequel ils précisent la pérennisation de la tendance autour de cinq points.
Le travail hybride devient la nouvelle norme
Plusieurs études publiées en Autriche pendant l’été 2020 ont révélé qu’entre 40 et 60% des entreprises planifiaient déjà de pérenniser ces nouvelles formes de travail mobile alors qu’elles étaient seulement 20% avant la pandémie. Les efforts d’organisation et d’équipement réalisés par les entreprises ont permis aux employés d’assumer leur fonction durablement et la qualité des nouvelles infrastructures mises en place jouera désormais un rôle déterminant dans l’attractivité de chaque entreprise et donc dans sa compétitivité.
Les dirigeants sont contraints de développer de nouvelles compétences
Au début du confinement, comme à celui des expériences d’entreprise avant-gardistes, l’approche des dirigeants était plutôt pragmatique, comptant sur l’agilité de leurs équipes pour se débrouiller comme elles pouvaient pour remplir leur mission. Aujourd’hui, les dirigeants doivent assurer un niveau d’attention et de contrôle accru malgré la distance et développer des approches différentes pour s’assurer que chaque employé reste bien à bord, comprend les messages délivrés et exécute correctement les instructions données. En l’absence de ces relations humaines au quotidien qui permettaient de sentir la motivation ou au contraire de détecter les difficultés d’un membre de l’équipe, les dirigeants sont dorénavant contraints de s’impliquer davantage dans un suivi individuel. Cette engagement supplémentaire des cadres dirigeants a induit une augmentation notoire des cas de « burnout » en Autriche au cours des douze derniers mois.
Les bureaux deviennent des lieux de rencontre et de créativité
Dans les grands centres d'activités comme à Vienne, Graz ou Linz, les études ont également révélé que les entreprises prévoyaient dès aujourd’hui de réduire leur surface de bureau de 20 à 30% en développant un système d’espace intelligent. Ce concept remet les open space en question au profit de bureaux plus petits, permettant aux employés de se concentrer plus facilement. En échange, de larges zones sont consacrées à la créativité et aux collaborations soutenues par des outils digitaux puissants. Il revient donc aux chefs d’équipes de générer l’espace, le temps et l’atmosphère nécessaires pour que chaque employé déploie ses capacités de création et remplisse sa mission.
De nouvelles formes de communication homme-homme et homme-machine
La tendance amorcée depuis longtemps qui voit les interactions homme-machine se développer était jusqu’à présent davantage lisible dans les activités de détail ou B-to-C. Les chercheurs ont découvert que maintenant ces interactions homme-machine atteignent aussi jusqu’à 80% dans les activités B-to-B. Dans la vente, plus l’acheteur potentiel est jeune, moins la présence d’un vendeur en chair et en os devient nécessaire. Les opinions se forgent désormais davantage à la lumière des analyses, commentaires et notations publiés en ligne. De même, la généralisation de la réalité augmentée et réalité virtuelle rend l’utilisation d’un showroom obsolète, la présence d’un vendeur inutile et la nécessité de bureaux correspondants superflue.
La dépendance croissante à la technologie devient une menace
L'amélioration de la performance des plateformes de travail en ligne, que ce soit pour la communication, l’échange ou le stockage de données a été remarquable depuis le début de la crise sanitaire. En même temps, corrélées à l’augmentation de l’utilisation de ces plateformes en ligne, les cyber-attaques ont plus que doublé en une année d’après l’expert de Kapsch Autriche. Lorsque l’existence même des activités de l’entreprise repose sur la disponibilité 24h/24 – 7j/7, la fiabilité et la sécurité des données, il est essentiel pour les dirigeants de leur accorder une priorité budgétaire comparable au recrutement des meilleurs talents.