Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 3

Sengakuji : samurai, ronin, vengeance et seppuku à Tokyo !

sengakuji-47-ronin-tokyosengakuji-47-ronin-tokyo
Écrit par Michael Amerigo
Publié le 21 janvier 2019, mis à jour le 4 décembre 2019

Parmi tous les lieux imprégnés d’Histoire que l’on peut voir à Tokyo, le cimetière des 47 ronin laisse sans voix le visiteur tellement il est impressionnant et fort de symbole. Si l’histoire de ces 47 samurai qui ont vengé la mort de leur seigneur au détriment de leur vie est peu connue en Occident, elle est très célèbre au Japon où elle continue d’émouvoir beaucoup de monde. Tout petit espace attenant au temple Sengakuji, la dernière demeure de ces héros d’un autre temps est le témoignage physique d’une histoire de sacrifice qui reste probablement la plus fameuse pour illustrer ce qu’est le code d’honneur et la loyauté du samurai au Japon.

 

47 ronin

 

Sa position, au cœur de la capitale japonaise et entouré de bâtiments de toute part, lui confère une atmosphère unique qui saura immanquablement marquer les esprits et l’admiration des visiteurs étrangers. Pourtant peu signalé dans les guides de voyage et guère plus connu des expatriés au Japon, le musée qui se trouve entre le temple et le cimetière saura également assouvir le plaisir des plus curieux. Le cimetière des 47 ronin est aussi un lieu sacré pour beaucoup de Japonais et fait l’objet à certaines occasions d'une cérémonie bouddhiste. Si l’on veut aussi se rendre au cimetière  de ces 47 valeureux guerriers japonais, auxquels plus de quarante films ont été consacrés, et se recueillir devant leurs pierres tombales vieilles de plus de 325 ans, quelques précisions et précautions sont bonnes à connaître. Car le site, s’il est d’accès libre durant la journée, exige une certaine approche pour ne pas déranger le sommeil du ronin.

 


Une histoire de samurai déchus, de vengeance et de loyauté au Japon


L’histoire des 47 ronin, qui illustre parfaitement l’idée de bravoure, de loyauté et d’abnégation, est devenue légendaire au Japon. À tel point que sa popularité a rendu le travail historique difficile car elle a été reprise maintes fois et adaptée selon les convenances. Aussi, on pourra trouver ici et là plusieurs versions différentes, le cinéma ou le kabuki se permettant des libertés par rapport à la version historique, comme par exemple la dernière version hollywoodienne de 2013, avec Keanu Reeves parmi les acteurs principaux, qui laisse une grande part au fantastique. Néanmoins, la version présente dans cet article est celle qui est inscrite sur un panneau à l’entrée du cimetière et qui est aussi reprise dans un dépliant en anglais vendu pour 200 yens au même endroit. Les faits remontent d'abord au mois d'avril 1701 quand Asano Naganori, le daimyo du domaine d’Ako, blessa Kira Kozukenosuke Yoshinaka, son conseiller et maître des cérémonies, à cause de la façon irrespectueuse dont ce dernier le traitait. L’attaque eut lieu dans le Château d’Edo et, comme il était interdit d'user de son arme dans cette enceinte, le seigneur Asano fut condamné par le shogun au seppuku (suicide par éventration) le même jour. Il fut enterré au temple Sengakuji et, en conséquence de cet incident, la famille du daimyo fut déchue, toutes ses propriétés confisquées, et les samurai qui étaient à son service devinrent des ronin, c’est-à-dire des samurai sans maître.

 

47 ronin

 


Avec ce statut qui faisait d’eux des personnages peu estimés, car exclus de la société féodale japonaise, et ne pouvant accepter le jugement (Kira aurait dû être également puni) autant que la condamnation immédiate qui avait été réservée à leur seigneur (contraint au suicide dans un jardin, un lieu inapproprié), 47 d’entre eux préparèrent en silence leur vengeance et s’unifièrent autour de leur chef, Oishi Kuranosuke Yoshitaka. Le 14 décembre 1702, les 47 ronin, âgés de 16 à 77 ans, prirent d’assaut la résidence de Kira dans le but de le tuer et ainsi venger leur seigneur. Oishi décapita Kira avec l'arme qu'avait utilisée Asano pour se faire seppuku et les ronin amenèrent sa tête sur la tombe de leur ancien seigneur à Sengakuji avant de reporter aux autorités leurs actes. Après plusieurs semaines de difficiles délibérations, le shogunat les condamna à mort le 4 février 1703. Mais comme ils avaient suivi à la lettre le bushido, le code de conduite des samurai, en vengeant la mort de leur maître, ils furent condamnés à se faire seppuku, une mort considérée comme honorable et digne de leur rang. Le 20 mars 1703, 46 d’entre eux s’ouvrirent le ventre et furent enterrés aux côtés de leur seigneur dans un petit cimetière attenant au temple Sengakuji. Le 47ème fut épargné pour ne pas avoir participé aux combats et fut également enterré auprès de ses compagnons quand il mourut bien des années après. C’est précisément cet endroit qu’il est toujours possible de visiter aujourd'hui et qui marque encore durablement l’esprit de nombreux Japonais.


Le Seppuku au Japon

Le seppuku est un suicide honorable qui était commis rituellement par les samurai principalement. Ils se poignardaient dans l’intestin, faisaient quelques mouvements avec la lame et mourraient de perte de sang ou de traumatisme. Une personne désignée pour assister le suicide, appelée kaishakunin, généralement un ami proche, une personne digne de confiance ou un adversaire honorable, donne le coup fatal par la décapitation. Le rituel a été pratiqué pendant des centaines d’années et est encore utilisé occasionnellement de nos jours. La mort par cette méthode soulage le défunt de la honte, de la déloyauté ou du déshonneur, et le rituel qui l’entoure est si complexe qu’il rivalise même avec les cérémonies du thé japonais.

 

47 ronin

 

Le cimetière des 47 ronin : des pierres vieilles de plus de 300 ans au coeur de Tokyo


Un tel site, de plus de 325 ans d’existence, est toujours chargé d’émotion et le poids de l’Histoire qu’on y ressent immanquablement frappe le visiteur d’une réelle sensation ! Son emplacement est déjà très particulier puisqu’il est situé en plein cœur de Tokyo et au milieu d’immeubles de plusieurs étages. Des pétitions ont été lancées par des riverains pour ne pas construire d’immeubles autour du site sacré mais l’environnement urbain, d’apparence peu compatible avec ce genre d’endroit voué au silence, est bien présent. Une fois arrivé au cimetière des 47 ronin pourtant, tout bruit externe ne semble plus avoir d’emprise et le temps paraît comme figé. L’endroit n’est pas très grand et les pierres sont toutes en place, dans la même position depuis plus de trois centenaires et gravées des noms des ronin. Dans un coin du cimetière, une place privilégiée a été réservée au chef du clan, Oishi Kuranosuke, dont une grande statue a été érigée à l’entrée du temple pour accueillir les visiteurs. La dernière demeure de celui qui parvint à amener ses hommes à la vengeance ultime se trouve ainsi à quelques mètres de celle de son seigneur Asano Naganori et avec une protection en bois qui la démarque des autres pierres. Celle de son fils, Chikara, enterré un peu plus loin dans un autre coin du cimetière, possède également cette distinction. Respect et silence sont de mise en ce lieu, comme dans tout site sacré. Et bien que prendre des photos dans les cimetières au Japon est chose à éviter en temps normal, les caméras et autres smarthphones fonctionnent ici à plein régime.

 

47 ronin

 


Un petit emplacement est réservé devant chaque pierre pour un petit de fleurs. Mais c'est surtout avec l'encens que les Japonais viennent rendre hommage aux 47 ronin. Un autre petit emplacement est ainsi réservé au dépôt de bâtonnets d’encens sur leurs tombes. Rien n’empêche le visiteur étranger de procéder de la même façon. C’est même une pratique recommandée en ce lieu et cela participe à la grandeur de l’expérience. Un bouquet de bâtonnets d’encens est mis en vente pour 100 yens à l’entrée du cimetière et il y en a assez pour honorer chacun des ronin. En-dehors du périmètre réservé aux 47 ronin se trouvent d’autres tombes, dont celles évidemment du seigneur Asano Naganori et de son épouse Lady Asano. C’est devant cette imposante tombe qu’une cérémonie bouddhiste se tient le matin du 14 décembre de chaque année devant la foule de visiteurs venus rendre un hommage spécial en ce jour. Pour marquer l’anniversaire de la mort de Kira et de l’accomplissement, en ce lieu même, de la vengeance des 47 ronin, les fêtes d’Akogishi-Sai ont lieu, comme partout au Japon, pour consoler les âmes des fidèles vassaux. Des locaux portant des habits de samurai défilent dans Tokyo et viennent déposer la tête de Kira, symbolisée par un baluchon ensanglanté, sur la tombe de Asano Naganori en milieu d’après-midi. Cérémonies et défilés sont impressionnants, tout comme le nombre de Japonais et Japonaises qui viennent à longueur de journée joindre leurs prières au-dessus des tombes. Le cimetière ferme plus tard ce jour-là et mieux vaut ne pas être allergique à la fumée d’encens tant les bâtonnets sont consumés en quantité industrielle. Les fêtes d'Akogishi-Sai sont également organisées à Sengakuji au printemps.

 

La résidence de Kira Kozukenosuke Yoshinaka

Une petite partie de la résidence originelle de Kira, dans laquelle les 47 ronin lancèrent leur assaut pour le débusquer et le tuer, a été conservée dans le parc Honjo Matsuzakacho-koen, à Ryogoku. Comme pour le cimetière, le site est impressionnant une fois replacé dans son contexte de l'époque. Sinon, sans connaître l'histoire, le badaud pourrait y passer à côté sans rien savoir de ce qui s'y est passé plusieurs siècles en arrière, l'environnement urbain étant là encore oppressant. Le contraste architectural entre ce parc historique et les bâtiments alentour est d'ailleurs très frappante et mérite là aussi le détour. D’accès libre, on peut y voir une statue de Kira, le puits où sa tête, fraîchement séparée du corps, fut lavée, des panneaux explicatifs (en japonais uniquement) sur l’histoire, un petit sanctuaire et des bancs pour pouvoir méditer en se reposant. L'atmosphère est tout aussi spéciale que dans le cimetière et ne manquera pas de séduire les plus curieux. Sur le chemin de 12 kilomètres que les ronin ont emprunté dans la neige pour joindre la résidence de Kira au temple Sengakuji, on peut y voir plusieurs stèles relatant les faits historiques. 


Adresse : 3-Chome 13-9, Ryogoku, Sumida, Tokyo 130-0026

 

47 ronin

 

Sengakuji : une temple célèbre et un musée sur les 47 ronin


Avant de se rendre au cimetière, il faut passer devant ce temple majestueux, l’un des plus connus et importants de Tokyo et du Japon. Construit en 1612 sous le règne de Tokugawa Ieyasu, premier shogun de l’époque Edo (1603 – 1868), la construction originale se situait près du château d’Edo mais un incendie l’a réduit en cendres une trentaine d’années plus tard. Il a été rebâti au XVIIIème siècle sur le site présent et fut à nouveau détruit durant la Deuxième Guerre mondiale. Le bâtiment actuel a été construit huit ans plus tard. Les moines venaient de tout le Japon pour y étudier le Soto Zen et il était alors un des trois plus importants temples de Edo (nom ancien de Tokyo). Il est toujours une prestigieuse institution bouddhiste et, aujourd’hui encore, beaucoup de moines viennent suivre leur formation pratique ici pendant qu’ils étudient à l’université. Que l’on soit attiré ou non par leur côté religieux et/ou historique, les temples présentent toujours une architecture saisissante qui fascine, et Sengakuji ne déroge pas à la règle. Même s’il est surtout relié au cimetière des 47 ronin, il est à lui seul une attraction qui mérite l'attention du touriste.  Et si l'on souhaite aller plus loin encore dans la découverte de cette histoire fascinante, un musée se trouve entre le temple et le cimetière, le Ako Gishi’s Memorial Hall. Construit pour les 300 ans de la prise de Kira, le musée des 47 ronin est un petit espace d’une seule pièce qui présente une importante et riche collection d’objets de cette époque, de statues, d’instruments de musique, d’écrits et de tableaux. Les objets militaires exposés ont pour la plupart appartenu aux ronin, telles une côte de maille, des casques ou des arcs. On y apprend notamment que, pour ne pas attirer l'attention sur eux pendant leurs préparatifs, ils ont souvent confectionné eux-mêmes certains de ces objets.

 

sengakuji ronin

 


On peut y voir aussi des documents historiques, comme des lettres, des poèmes ou des parchemins. La confession signée par les 47 ronin attire particulièrement l'attention, tout comme le reçu pour la tête de Kira que reçurent les moines de Sengakuji après avoir ramené le trophée au clan de l'ancien maître des cérémonies. Deux grandes statues en bois de Oishi Kuranosuke et de son fils frappent également le visiteur, tout comme le tambour de guerre prétendument utilisé pour lancer l’assaut de la résidence de Kira. Une vidéo d’une quinzaine de minutes, disponible en anglais sur demande, revient en détail sur l’événement qui a mené à la légende des 47 ronin. De l’autre côté, entre le rocher qui reçut le sang de Asano Naganori après son suicide et le puits dans lequel les ronin lavèrent une deuxième fois la tête décapitée de Kira avant de la présenter à leur seigneur, un autre bâtiment constitue la suite de la visite. Il abrite une collection impressionnante des statues des 47 ronin, avec pour chacune une fiche explicative présentant son nom, l’âge qu’il avait au moment de sa mort, sa position dans le domaine de Ako, son rôle dans l’assaut de la résidence de Kira et son lieu de seppuku (quatre différents). Une statue retient encore plus l’attention que les autres car elle a été peinte en bleu. Kayano Sanpei n’avait pas pu participer à l’assaut à cause de l’opposition de sa famille et, bien avant l’attaque, avait préféré se suicider. En tant que membre du groupe d’origine, il a eu droit à sa statue et un cénotaphe gravé à son nom fut placé plus tard dans le cimetière aux côtés de son seigneur et de ses anciens compagnons. Quelques annotations en anglais sont présentes et les photos ou caméras sont, dans les deux parties du musée, interdites.

 

47 ronin

 


Informations sur le musée des 47 ronin à Sengakuji :

Adresse
2-Chome 11-1 Takanawa, Minato, Tokyo 108-0074 

Horaires 
Avril à septembre : 9h à 16h30
Octobre à mars : 9h à 16h

Prix 
Adultes : 500 yens
Enfants (plus de 10 ans) : 250 yens
Groupe (30 personnes) : 400 yens


Informations sur le cimetière des 47 ronin :

Accès 
À 5 minutes à pied de la station Sengakuji (exit 2) sur la Ligne Toei Asakusa.

Horaires
D’avril à septembre : de 7h à 18h
D’octobre à mars : de 7h à 17h

Prix
Gratuit

 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

    © lepetitjournal.com 2024