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Travailler à Singapour : les notions culturelles à connaitre

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Écrit par Clémentine de Beaupuy
Publié le 21 octobre 2018, mis à jour le 13 octobre 2021

Singapour a la réputation d’être une « expatriation facile ». Mais force est de constater, qu’au delà de ce présupposé, de nombreux expatriés ont une mauvaise interprétation de leur environnement, source d’incompréhension, voire de conflits ou de mal-être au travail, pouvant mener à l’échec. Pour amorcer un chemin de compréhension, de respect et  voire d’anticipation pour les entreprises occidentales qui souhaitent s’implanter en Asie, quelques notions essentielles à connaître. 

En préambule, Singapour est bien en Asie 

Singapour cache sûrement bien son jeu et serait une ville plus complexe et asiatique que l’on perçoit au premier abord, et que les interprétations biaisées viennent de ce malentendu de départ : l’occidentalisation de façade de la cité-Etat. 

D’après les derniers chiffres donnés par le gouvernement singapourien, la population d’origine chinoise, représente plus de 75% des citoyens singapouriens, les Malais environ 14% et les Indiens un peu plus de 9%. (data.gov.sg). La majorité très largement chinoise a donc une influence culturelle sur Singapour indéniablement, et cette composante malgré un « extérieur » occidentalisé est importante.  

Par ailleurs, selon les indices culturels (indice de contrôle de l’incertitude, orientation à long terme, de distance hiérarchique, de dimension individualiste, dimension de la masculinité) mis en avant par Geert Hofstede à la fin des années 60, Singapour est bien plus éloigné de la culture française que le Chili par exemple.  

Le mandarin, sans le parler, comprendre sa logique linguistique 

A Singapour, tout le monde parle anglais mais pas forcément le même anglais, ce qui contribue souvent à une incompréhension entre les différents groupes ethniques. En effet, notre façon d’aborder le langage et donc la manière de communiquer aux autres est structurée par notre langue maternelle. 

Le mandarin, à l'instar des autres langues chinoises, est une langue à tons (quatre) essentiellement monosyllabique dont la structure de la syllabe est très rigide. Entre les différents accents, les influences des autres langues et cette structure figée, les chinois ont tendance à donner un contexte général élaboré pour communiquer entre eux et cette façon d’aborder la langue, se retrouve quand les chinois dialoguent en anglais. 

Comprendre que le mandarin nécessite du contexte général est déjà un premier pas vers une compréhension mutuelle et en retour, donner du contexte général à notre propos, plutôt que chercher le mot précis comme nous le faisons en français, permet une meilleure communication. 

Bien entendu, les linguistes pourraient trouver ces raccourcis simplistes, et ils le sont, mais un début de réflexion sur notre manière de parler une langue commune est nécessaire pour se comprendre et se respecter. 

Comprendre les grandes notions du Taoïsme et du Confucianisme 

Evoquer l’Asie et vouloir y travailler sous entend de comprendre les principes de deux philosophies structurantes de cette région. 

Tout d’abord, celle de Lao Tse (500 avant JC) qui a développé le Taoïsme. Le taoïsme qui est à la fois philosophie et religion, met l'accent sur le fait de faire ce qui est naturel et de "suivre le courant" en accord avec le Tao (ou Dao), une force cosmique qui traverse toutes choses, les lie et les libère. 

La philosophie est née de l'observation du monde naturel, et la religion s'est développée à partir d'une croyance en l'équilibre cosmique maintenu et régulé par le Tao. Il n’existe pas une vérité. L’objectif est le chemin pour y accéder. Ce qui implique, par exemple, une approche relative du temps. 

Ensuite, celle de Confucius, contemporain de Lao Tse, imprime également sa marque sur toute la civilisation chinoise. Pour simplifier, là où l’Homme occidental place le bonheur personnel comme aboutissement et réussite d’une vie, pour les Chinois, les individus sont d’abord caractérisés par les relations qu’ils cultivent avec les autres et ces interdépendances entre individus commandent les comportements. La hiérarchie et le statut social sont les deux piliers de la culture chinoise. Se comporter en fonction de son statut en respectant la hiérarchie est source d’harmonie sociale. 

De Confucius, découlent deux notions interdépendantes l’une de l’autre, primordiales à comprendre pour vivre et travailler en Asie. 

Perdre la face « sociale » 

« Si l’on demande à un Occidental où se trouve le siège du moi, il montrera sa poitrine symbolisant un « moi intérieur », intime et caché (…). Un chinois montrera son visage (sa face) symbolisant un moi qui n’existe que dans le regard des autres.» résume parfaitement Jonathan Siboni dans  Argent Fortunes et Luxe en Asie, (éditions Picquier) et continue en expliquant : « Le mianzi (face, au sens de prestige social) structure tous les rapports sociaux, au point que « réussir » se dit en Chinois « avoir de la face » (you mianzi) et que de la perdre est le pire des échecs. ». 

Le Chinois, être social avant tout, est aussi défini par ses relations : le Guanxi. 

La notion essentielle du Guanxi 

Cette notion se réfère aux relations interpersonnelles et se traduirait par le terme de « réseau » en français. Mais dès lors que cette traduction intervient, la notion est réduite. En effet, Le Guanxi est plus complexe que notre traduction française,  dans ses implications. Le cultiver est essentiel en Asie pour signer un contrat.

Et à Singapour, le Guanxi n’est pas à négliger. Par exemple, muter un expatrié de son poste avant la conclusion d’un contrat peut se révéler désastreuse. La personne en face n’a pas forcément envie de recommencer les liens tissés avec son prédécesseur. 

Le Guanxi s’attache aux liens personnels et moins à la fonction occupée par la personne. Elle sous-entend cadeaux, diners et sorties avec des relations de travail qui nous paraissent parfois superflues. 

La notion de Kiasu 

De cette organisation sociale, découle également une notion, peut-être très singapourienne, celle de Kiasu,venant d’un mot Hokkien. Ce terme peut être traduit « par la peur de perdre » la face sociale, impliquant un comportement hyper-compétitif et paradoxalement donne l’impression d’un comportement très individualisé, à l’occidental. 

Ces notions complexes qui structurent le monde asiatique en général et Singapour en particulier, méritent bien entendu d’être approfondies. 

Les notions apportées sont des pistes à creuser, à explorer pour pouvoir s’adapter à son environnement. Bien loin de la notion d’étiquette qui fait fureur dans les entreprises (s’habiller en rouge,  tendre sa carte de visites à 2 mains, etc.), une meilleure préparation à l’expatriation à Singapour, réputée occidentalisée, permettrait à chacun de réussir ou du moins apprécier la cité du Lion dans tout ce qu’elle a à offrir.   

 

Pour aller plus loin 

Une formation : CultureIformation en interculturel ou comment développer son agilité culturelle en Asie ? Par Véronique Helft-Matz et Jordane Liénard 

Un  livre : sur l’industrie du Luxe dans la région, Argent Fortunes et luxe en Asie, (éditions Picquier)

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