Singapour est un des pays les plus densément peuplés au monde. La jungle sur laquelle ce pays a été construit nous rappelle cependant régulièrement à son bon souvenir. Du python qui fait son apparition sur Orchard Road, à la bande de singes qui envahit un appartement, en passant par la famille de loutres qui vient s’ébattre dans la piscine d’un condo, les exemples de collision avec la faune sauvage abondent. Certains sont pittoresques, d’autres ennuyeux, d’autres encore inquiétants, voire dangereux. Comment cohabiter au mieux avec nos amies les bêtes sauvages dont nous avons pris la place ?
Une nature résiliente sous l’équateur
Humidité et chaleur forment un cocktail idéal pour l’épanouissement de la faune et de la flore. Concernant la végétation, il faut tondre les pelouses et tailler les arbres régulièrement sous peine de les voir tout envahir. Malgré l’urbanisation progressive de l’ile, il reste encore de nombreux espaces où la vie sauvage peut s’épanouir, parfois même à proximité immédiate des habitations, voire au cœur de la ville. Des pythons, serpents qui sont les plus communs à Singapour et qui peuvent atteindre 3m, sont capturés chaque année aux endroits les plus improbables, comme dans un distributeur de billets. Dans la plupart des parcs, vous pourrez voir de bandes de singes qui n’hésiteront pas à chaparder votre pique-nique, si vous n’y prêtez pas attention. Un animal peu ragoutant qu’on trouve fréquemment à proximité de l’eau est le varan, qui peut atteindre 3 m de long. Un autre reptile, plus rare mais beaucoup plus dangereux, fréquentant les mêmes espaces est le crocodile. Cela étant, l’animal le plus dangereux ici, comme dans beaucoup d’autres pays, reste le moustique : depuis le début de 2022, 28 personnes sont mortes de la dengue à Singapour.
Mais ces espaces se réduisent, ce qui pousse certaines espèces à s’aventurer dans des espaces urbanisés. La recherche de nourriture est une des raisons pour lesquels les rencontres inopportunes deviennent de plus en plus fréquentes. Le dernier tigre sauvage a été tué à Singapour il y a moins d’un siècle. Mais il reste encore quelques espèces dangereuses. Le sanglier est sans doute celui qui a le plus défrayé la chronique ces dernières années en s’invitant jusque dans des boutiques : bien que de la taille d’un chien, ces animaux pèsent jusqu’à 100kg et ont blessé des personnes à de nombreuses reprises. Les singes sont aussi une espèce envahissante et ils peuvent s’avérer dangereux dans certaines circonstances. Dans la catégorie bruyante, il y a une espèce de coucou (le « koel ») dont les cris aigus ascendants en série sont plus efficaces qu’un réveille-matin.
Heureusement, il y a d’autres espèces sauvages qui sont plus sympathiques. Vous trouverez un peu partout des écureuils, dont Singapour compte de nombreuses espèces, y compris dans l’enceinte des condos. Les loutres se sont multipliées ces dernières années, à partir de quelques individus et vous pouvez en voir des familles folâtrer dans les lacs ou canaux, quand elles ne prennent pas possession de piscines. Les petits sifflements que vous pouvez parfois entendre chez vous sans pouvoir en identifier la source sont des geckos. L’oiseau le plus spectaculaire que l’on peut observer, plutôt dans les quartiers boisés, est le calao, qui, après avoir quasiment disparu il y a 50 ans, a reconquis le milieu urbain. Le plus surprenant est sans doute de voir des volailles sauvages prospérer et se promener en pleine ville en toute quiétude, jusque dans l’enceinte de l’hôpital général.
Une conservation des espèces qui porte ses fruits
L’arrivée des anglais en 1819 a donné le coup d’envoi de la « domestication » de l’ile. 30 ans après, la moitié de la forêt avait déjà disparu pour faire place à des cultures ou des habitations. Malgré la création des premières réserves forestières en 1883, il ne restait plus que 10% de la forêt primaire au début du 20ème siècle. Finalement en 1908, une loi protégeant 15 zones forestières fut votée, mais 20 ans après elle fut remise en question pour des raisons économiques, et en 1936 la loi fut révoquée. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que les soucis environnementaux commencèrent à émerger. En 1951, une ordonnance sur les réserves naturelles fit mise en œuvre, qui évolua jusqu’au « Nature Reserves Act » aujourd’hui en vigueur. Aujourd’hui, les forêts n’occupent plus que 3% de la superficie de Singapour, dont moins de 10% de forêt primaire. Cette petite surface n’en abrite pas moins une grande diversité d’espèces végétales, dont on découvre chaque année de nouveaux spécimens.
Il a fallu attendre 1884 et un massacre d’oiseaux pour exporter leurs plumes pour que le premier règlement de protection de la faune sauvage, en l’occurrence le « Wild Birds Protection Ordinance » soit édicté : il punissait d’amende, voire d’emprisonnement, les personnes tuant ou attrapant des oiseaux autres que le gibier ou les oiseaux de proie sans autorisation. En 1904, la réglementation fut étendue à d’autres espèces animales. Elle évolua progressivement jusqu’au « Wild Life Act » qui régit aujourd’hui ce domaine : il punit d’amende ou de prison les personnes qui, sans autorisation, nourrissent, capturent, gardent en captivité, tuent, importent ou exportent des animaux sauvages. Par ailleurs, en 1986, Singapour a signé la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction (CITES).
Toutes ces mesures ont permis de sauver plusieurs espèces endémiques de Singapour. Mais certaines restent fragiles comme le « Raffles‘ banded langur » (« semnopithèque malais » en français !), dont la population ne comptait plus que 10 individus dans les années 80, et atteindrait 40 aujourd’hui. Une quarantaine d’espèces animales sont protégées à Singapour, parmi lesquels le pangolin, le chat léopard, le dugong (mammifère marin), quelques rapaces, le roi cobra (le plus grand serpent venimeux au monde, qui peut atteindre 5m, rôde à Singapour !), l’hippocampe, et plusieurs types de coraux. Aujourd’hui, Singapore compte plus 65 espèces de mammifères, 392 espèces d’oiseaux, 800 espèces d’araignées, 324 espèces de papillons, 122 espèces de libellules, en plus de la faune marine.
Réduire les occasions de rencontre
Mieux vaut éviter de vous promener hors des sentiers battus dans des zones boisées sans guide : non seulement vous risquez de vous trouver face à face avec un animal dangereux, mais vous risquez aussi de vous perdre, comme cela arrive régulièrement, même à des personnes du cru.
Si vous vous promenez dans des réserves naturelles, munissez-vous de vêtements longs et de chaussures fermées : cela vous évitera des piqures de moustiques (les répulsifs ne sont pas toujours totalement efficaces), mais surtout des piqures d’insectes plus dangereux, voire des scorpions ou des serpents qui abondent ici. Par ailleurs, regardez où vous mettez les pieds : à Sungei Buloh par exemple, les crocodiles prennent fréquemment le soleil sur les sentiers.
Ne jamais nourrir des animaux sauvages. Tout d’abord cela peut être dangereux pour vous. Mais surtout, cela les habitue à chercher leur nourriture auprès des humains et donc à fréquenter davantage les zones d’habitations. De plus, cela favorise leur multiplication. Enfin, vous pouvez finir en prison si vous êtes pris. Cela vaut aussi pour les pigeons !
Ne les tentez pas non plus en laissant des aliments apparents devant des fenêtres. D’une manière générale toute nourriture doit être soigneusement enfermée, ne serait-ce que pour éviter les fourmis et les cafards.
Que faire quand on est confronté à un animal nuisible ou dangereux ?
La plupart des animaux sauvages n’attaquent pas tant qu’ils ne se sentent pas agressés. A votre approche, leur réflexe sera plutôt de fuir. Donc éloignez-vous calmement. Ne vous fiez pas à la taille de l’animal : les plus petits ne peuvent pas moins en être dangereux.
Les singes, plus habitués aux êtres humains, peuvent être plus aventureux, voire agressifs, surtout s’ils identifient des récipients susceptibles de contenir de la nourriture. Restez calme, ne faites pas de mouvement soudain, et évitez de les regarder dans les yeux. Essayez de cacher les objets susceptibles d’attirer leur convoitise, sans vous retourner.
Deux numéros à appeler si vous vous trouvez en difficulté face à la faune sauvage, que ce soit dans la nature ou chez vous : 1800-476-1600 (NParks, l’organisme national en charge de la protection de la nature entre autres choses) et 97837782 (Acres, un organisme visant à la protection des animaux).