Cette grande ile située dans le détroit de Johor vaut le déplacement. Non seulement vous y retrouverez le Singapour d'il y a 60 ans, mais vous pourrez aussi y voir des espèces animales et végétales rares. Une demi-journée est au moins nécessaire pour en découvrir les charmes à pied ou en vélo.
L’ile de la pierre de granit
Le nom originel de l’île est « Pulau Batu Jubin », qui signifie « île de la pierre de granit » en malais. En effet, durant près de deux siècles, l’extraction de granit a été la principale activité économique de cette île. Ce granit a servi à la construction de nombreuses infrastructures à Singapour, comme le Causeway, qui traverse le détroit de Johor, l’Istana, qui abrite la Présidence de la République, ou le phare Raffles, qui garde l’entrée Ouest du détroit de Singapour. La dernière carrière a été fermée en 1999. Creusées à près de 40 mètres sous la surface de la mer et maintenant remplies d’eau, ces carrières sont désormais des lieux pittoresques où la nature s’épanouit.
Un endroit où le temps semble s’être arrêté
Le dépaysement commence dès l’embarcadère de Changi Village. Pour rejoindre Pulau Ubin, il faut en effet, pour la modique somme de 4SGD par personne, prendre de petits bateaux rustiques qui démarrent quand ils ont atteint le quorum de 12 passagers. Après 15 minutes de navigation, vous atteindrez le débarcadère qui jouxte le village principal de l’île. Là, vous retrouverez l’atmosphère des Kampongs d’antan, avec leurs maisons basses en bois au toit de tôle ondulée, souvent sur pilotis.
En parcourant, l’ile, vous verrez des maisons isolées dans la forêt, certaines encore habitées, d’autres en ruine, parfois avec des petits champs autour, témoins d’un passé glorieux où l’île hébergeait plus de 4.000 personnes. Aujourd’hui, moins d’une quarantaine de personnes y vivent de manière permanente, la plupart étant des personnes âgées.
Vous aurez ainsi un aperçu de ce qu’était Singapour il y a encore 60 ans. Pour un témoignage aussi instructif qu’émouvant de cette époque, regardez le film du réalisateur singapourien Jack Neo de 2003, Home Run, disponible sur Youtube. Tourné en Malaisie, ce remake du film iranien « les enfants du paradis » reflète d’une manière assez fidèle l’atmosphère du Singapour des années 60.
Plusieurs petits temples pittoresques parsèment l’ile. Le plus insolite est le German girl shrine qui a été édifié en mémoire de la fille catholique du directeur allemand d’une plantation de café. Celle-ci périt en tombent dans une carrière, alors qu’elle fuyait les Anglais qui avaient investi sa maison à la fin de la première guerre mondiale. Les travailleurs locaux qui trouvèrent son corps lui offrirent des prières et elle devint ainsi une déité, et son tombeau, un lieu de pèlerinage.
Mais le bâtiment le plus incongru de Pulau Ubin est certainement celui qui abrite le visitor centre à l’entrée de Chek Jawa Wetlands. Ce bâtiment de style Tudor, construit dans les années 1930, détonne dans le paysage et on peut s’interroger sur l’utilité de sa cheminée, qui abrite aujourd’hui une famille de chauves-souris. Cependant la vue depuis sa terrasse sur la côte de Changi est magnifique.
Un conservatoire de la biodiversité
Dans les années 90, le gouvernement avait dans l’idée de développer Pulau Ubin à l’instar de sa grande sœur Pulau Ujong (nom de l’île principale de Singapour). Mais les défenseurs de l’héritage culturel et naturel qu’elle représente ont permis d’arrêter cette tentative.
Finalement, un gros effort a été fait pour faire de Pulau Ubin un conservatoire de la biodiversité, en particulier pour ce qui concerne les espèces animales et végétales de la zone intertidale (sur la surface découverte à marée basse et recouverte à marée haute). La partie Est de l’île, Chek Jawa Wetlands est un des écosystèmes les plus riches de Singapour, avec six différents habitats, chacun abritant des spécimens rares de faune et de flore. Des chemins bien balisés avec de nombreux panneaux explicatifs permettent de parcourir cette zone avec profit.
Au total, on a recensé sur Pulau Ubin près de 800 plantes natives, dont l’une des plus rares espèces de mangrove au monde, « eye of the crocodile », 242 espèces d’oiseaux, 201 espèces de papillons, 30 espèces de mammifères, dont le pangolin, le dugong, et le chat léopard, 45 espèces de reptiles, dont le cobra royal, 8 espèces d’amphibiens, et 54 espèces de libellules.
Les amateurs de papillons pourront de se rendre à la Butterfly Hill, où la plantation d’espèces végétales propices à les attirer permet d’en voir évoluer en toute liberté des dizaines d’espèces.
Quelques informations pratiques importantes pour profiter a plein de votre visite
Tout d’abord, il n’y a pas de distributeur de billets sur l’ile et le paiement par carte y est loin d’être répandu. Donc munissez-vous d’espèces au préalable
Ensuite, l’ile fait 10 km2, dont la majeure partie est ouverte au public. C’est assez pour pouvoir s’y perdre dans le dédale des sentiers à travers la forêt, malgré les nombreux panneaux indicateurs. Mieux vaut donc vous munir d’une carte et préparer votre itinéraire à l’avance pour être sûr de couvrir ce que vous voulez voir dans le temps imparti. Attention, dès le crépuscule, Il devient très difficile de se repérer. Par ailleurs, ne vous engagez pas hors des sentiers battus : vous pourrez facilement vous égarer, tomber dans un trou, ou faire des mauvaises rencontres (sanglier, serpent, …).
Les seules boutiques se trouvent au village près du débarcadère. Ne le quittez pas sans être équipé de produit antimoustiques, écran solaire, chapeau, suffisamment d’eau, et nourriture si vous envisagez un pique-nique. Pulau Ubin, c’est la jungle ; il peut y faire très chaud. Comme il n’y a pas beaucoup d’abris, il vaut mieux être aussi paré contre la pluie, qui peut survenir à tout moment.
Le moyen le plus simple de découvrir Pulau Ubin est de la parcourir à pied. Mais vous pouvez aussi louer des vélos au village principal. Enfin, il y a aussi l’option kayak pour la découverte des milieux aquatiques.
Bonne balade !