Quels enseignements pour la Chine continentale de la 5ème vague qui sévit actuellement à Hong Kong avec des niveaux de contamination jamais atteints pour le dernier territoire avec la Chine à avoir maintenu si longtemps une stratégie zéro Covid ? L’équipe bénévole de Solidarité Covid - Français de Chine vous apporte son éclairage.
Le Calme avant la Tempête
Ça a été le calme plat à Hong Kong pendant 7 mois : alors que la vague Delta a engouffré des dizaines de pays épargnés par les vagues précédentes en Asie et Océanie, Hong Kong un moment tenté par l’exemple de la Vaccination Travel Lane de SIngapour a rétabli la quarantaine à 3 semaines pour toutes les arrivées et à vécu une année 2021 quasiment Covid free. Sa grande sœur la Chine n’était pas aussi tranquille avec plusieurs dizaines de foyers à éteindre du fait de la forte activité d’échanges de biens industriels (chaîne du froid ou pas) et ses nombreuses frontières terrestres. La levée des quarantaines entre le continent et le territoire était acquise au 19 décembre après des mois de négociations, et puis patatras, O est arrivé pour doucher les espoirs.
La faille à l’atterrissage
La mésaventure laisse un goût bien amer aux Hong Kong-ais, car c’est dans un hôtel de quarantaine qu’a été contaminé l’employé de Cathay Pacific qui n’a pas respecté les règles de sa quarantaine adaptée (3 jours à l’hôtel + 10 jours à la maison en limitant les contacts sociaux). Le personnel navigant des compagnies aériennes chinoises ne bénéficie pas de cette faveur mais eux au moins peuvent aménager un planning qui alterne des semaines de vols domestiques sans quarantaine avant un vol international, cet aménagement n’avait donc pas été remis en cause dans l’accord de levée de quarantaine qui devait prendre effet le 19 décembre et qui est mort-né avec les premiers cas Omicron transmis par voie aéroportée en quelques secondes dans un hôtel de quarantaine le 25 novembre. Les premières contaminations ont eu lieu au moment des fêtes de fin d’année, croisière de Saint Sylvestre dans la baie, fête d’anniversaire d’un membre du gouvernement aidant, l’étincelle est partie en quelques jours. Parallèlement, un foyer Delta allumé par des hamsters importés des Pays Bas a fini de sonner le glas de la quiétude de l’Ile sur le front de la pandémie.
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Pourquoi ce qui avait marché pour les foyers précédents a échoué malgré le coaching intensif de la Chine continentale pour préparer la levée de la quarantaine ? D’abord le coaching s’était surtout concentré sur la logistique d’arrivées internationales, on a discuté du type de test, des mesures de circuit breaker… pas des cas locaux, car évidemment s’il y avait des cas locaux, les quarantaines seraient immédiatement rétablies. Cela a échoué avec Omicron comme cela a échoué en Australie, Singapour, Probablement car les mises en confinement ont été limitées à quelques bâtiments et pas de suspension des transports, fermeture des commerces, confinement en centre désigné, et dépistage massif.
Pour nous à Solidarité Covid – Français de Chine, la vague Omicron a sonné le glas du suivi détaillé que nous produisions quotidiennement à partir du fichier des case details avec les éléments démographiques de chacun des cas, les dates d’apparition des symptômes ou pas…. Au-delà de 300 cas par jour, cela devient impossible au ministère de la Santé de produire ce fichier. Quelques mois plus tôt on avait aussi vu la fin des case details de Singapour qui étaient pourtant riches en données intéressantes avec notamment les dates de vaccination des cas et des décès.
Quelques indicateurs intéressants issus de « feu » le fichier des case details : la part des asymptomatiques chez les cas importés beaucoup plus importantes chez les cas importés, et en hausse avec la vaccination, beaucoup plus jeunes en moyenne que les cas locaux mais aussi testés systématiquement. En Chine ce poids des asymptomatiques dans les cas est sujet à beaucoup de variation car cela dépend de l’équipement en scanner de la ville d’entrée.
Un parfait simulateur de vol pour la Chine ?
Mais D’un point de vue épidémiologique 2 éléments sont particulièrement intéressants pour la Chine continentale avec cette vague Hong Kong-aise avec 2 similitudes :
- Comme en Chine, la population est largement naïve par rapport à la maladie, c’est à dire elle n’a que très peu été exposée au virus. Les vagues successives de 2020 à juin 2021 ont concerné 9412 cas locaux (soit un taux d’infection dérisoire de 0.12%, en comparaison de 0.002% pour la Chine out of Hubei ou 5.12% pour Singapour, estimé à 4% à Wuhan en 2020 par une étude sérologique en mai 2020. Les projections d’incidence avec ou sans restrictions, si elles vont ignorer le taux de vaccination puisque celui-ci n’a que peu d’effet sur l’infection Omicron, tiendront compte de l’immunité uniquement vaccinale de la population, et encore, celle-ci n’était pas pressée de se vacciner, le risque lui paraissant éloigné (notamment les résidents de maison de retraite, vaccinés à 22% seulement à mi-février, les 80 ans + vaccinés à 41%), et particulièrement la 3ème dose…
2. La vaccination Sinovac est restée importante à Hong Kong, autant pour la première que la seconde dose, et particulièrement chez les personnes âgées, où elle est très majoritaire. On n’a pas les données sur les combinaisons de dose, mais à voir la remontée de la part de marché de Sinovac en dose de rappel en février, il y a fort à parier que l’on va trouver un groupe conséquent de la population vacciné 3 fois Sinovac, et en même temps exposé à une forte circulation du virus. Et là c’est particulièrement intéressant pour les double / triple vaccinés chinois en Chine continentale. Car on parle beaucoup des taux d’efficacité des vaccins inactivés, mais les données publiées sont maintenant largement caduques puisqu’elles s’arrêtent à 28 jours après la 2ème dose et dur la souche de Wuhan. Il faudrait une étude sur des triple vaccinés Sinovac jamais infectés sur plusieurs mois et exposés à une forte circulation du virus. Or là, on cale, on ne va pas trouver une telle population, puisque tous les pays qui ont reçu des vaccins chinois ont mixé des doses de rappel avec AstraZeneca / ARN (Emirats, Amérique Latine…) ou à peine démarré les 3ème doses et ont surtout des taux d’infection bien plus élevés qui confèrent une immunité plus forte que la vaccination seule à la population. Peut-être va-t-on trouver à Hong Kong une cohorte significative de triple vaccinés Sinovac jamais infectés et soumis à une circulation active du virus (400 c’étaient les niveaux de début 2021 avant Delta dans beaucoup de pays).
Sursaut de vaccination à l’arrivée des foyers locaux. Les informations sur la 3ème dose s’arrêtent au 6 février, mais depuis le dashboard de SCMP montre une forte accélération de la vaccination 1-2 dose Sinovac.
Sur le plancher des vaches
Dans les faits, si c’est un « laboratoire intéressant », c’est vraiment une épine dans le pied pour le contrôle de l’épidémie en Chine continentale. Des dizaines milliers de Hong Kong-ais se pressent au poste frontière de Shenzhen pour fuir les restrictions (et notamment fermeture des écoles depuis mi-janvier) dont on craint qu’elles ne se durcissent sur injonction de Pékin. Les hôtels de quarantaine se négocient au marché noir, les centres « dédiés » construits récemment n’ont pas une telle capacité, la plupart des familles « réfugiées » ont de la famille dans le Guangdong qu’ils n’ont pas vue depuis 2 ans. Avec cet afflux, On se retrouve maintenant avec une multitude de « cas importés » par voie terrestre de Hong Kong dans les villes du Guangdong, mais surtout des chauffeurs de camions non soumis à la quarantaine qui approvisionnent la SAR en denrées de première nécessité, beaucoup plus que les autres points d’entrée terrestre du Myanmar, Vietnam, Laos. Les très nombreux vols de Hong Kong sur la Chine continentale seront-ils soumis au circuit breaker ? c’est probable. Et on voit des « réfugiés clandestins» prendre des embarcations pour Zhuhai afin de vivre la belle vie sans restrictions en Chine continentale avec déjà une contamination locale liés à une entrée illégale. Arrestations, récompenses pour délation, la discipline se met en marche comme pour de vulgaires réfugiés birmans…
Les entrées terrestres dans le Sud-Ouest de la Chine ont généré 2400 cas importés et près de 500 cas locaux, mais après la douloureuse expérience de Ruili (entrées du Myanmar en guerre civile au Yunnan), confiné pendant des mois dans l’indifférence générale du reste de la Chine, les foyers suivants sont rapidement maîtrisés, mais sur un volume d’entrées légales plus bas.
La difficile transition
Quant à l’ampleur de la crise, le bât blesse au niveau de la vaccination des seniors et on a déjà 150 maisons de retraite ayant rapporté des cas, ainsi que la 3ème dose (16.3% seulement). La mortalité sur le 1er semestre 2022 à Hong Kong est en 29ème position sur le classement des territoires selon le taux de mortalité sur le semestre, supérieure à celle de la France, et multipliée par 4 par rapport à Singapour (55% de 3ème dose), effet direct de ce déficit de vaccination des seniors couplé à une vaccination plus ancienne qui avait atteint son pic en août. Le décès de 2 enfants de 3 et 4 ans (sur un total d’une quinzaine de décès) a contribué à la psychose et l’exode des familles. Le % des cas sévères est similaire (les 2 territoires sont sur une définition Intubation pour les cas sévères). La situation est complexe dans les hôpitaux, on a pu lire similaire à celle de Wuhan en 2020, certainement pas, mais il ne sera plus possible bientôt d’hospitaliser tous les cas positifs comme en Chine continentale, ou comme au temps de la stratégie Zéro Covid.
Données au 18/02//2022. Les pays sont classés par ordre croissant de la mortalité (nb de décès/nb de cas sur la periode). Beaucoup à dire sur ce tableau (aussi disponible sur les semestres précédents), on ne trouve pas certains grands pays Européens ni USA dans ce top 40 . Hong Kong qui connait une accélération des décès ces jours-ci a des niveaux plus élevès que les pics de Singapour (du fait de la vaccination moins complète), risque de sortir rapidement du Top 40.
En Chine continentale, sur certains foyers à l’épicentre très reculé, notamment le foyer d’Ejina en octobre 2021 aux confins de la Mongolie Intérieure et frontière de Mongolie, une ville de 90 000 habitants, on a pu « exporter » des patients et des cas contacts sur d’autres villes de la province. Là, ce n’est pas possible, Shenzhen envoie du matériel et des équipes médicales, ira-t-on jusqu’à recevoir des patients ? Pour les centres d’isolation, ils sont pleins de « réfugiés de Hong Kong » dans tout le Guangdong. Les aides domestiques « live-in » d’Asie du Sud-Est se retrouvent désoeuvrées lorsqu’elles tombent malades, les hôpitaux n’en veulent pas et elles peuvent difficilement s’isoler chez leur employeur, elles finissent dans la rue parfois. On le sait Omicron génère un pic de nouvelles hospitalisations, celles-ci sont plus courtes que précédemment et mènent moins en réanimation que les variants précédents mais il faut des lits d’hôpitaux séparés des autres départements. La capacité Covid des hôpitaux a été augmentée, mais cela reste insuffisant. Concrètement, si Hong Kong veut mettre en place les « mesures nécessaires pour endiguer l’épidémie » comme l’a seriné Xi Jinping, et donc isoler correctement les patients. Confinement ou pas, il faudra l’aide la Chine.
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