Est-il possible d’aimer une ville aussi intensément que l’on aime une personne, jusqu’à tout lui sacrifier ? Peut-on se sentir appartenir à un endroit comme s’il faisait partie de notre être, allant même jusqu’à définir qui l’on est ?
« Oui !» : c’est du moins à l’aune de ce postulat que l’auteur nous dresse le parcours de Joseph Schoene, cet « homme de Shanghai », américain touche à tout tombe en amour pour la perle de l’orient.
De facture assez classique, ce roman prend le parti dès les premières pages d’évoquer les souvenirs d’enfance d’Anna, la fille du héros.
À partir de là, le lecteur est rapidement plongé dans le Shanghai des années 30
Odeurs « si acres, mélange poisseux de fumées d’usines, d’algues et de poisson », descriptions très précises des immeubles du Bund, l’intérêt principal de cet opus réside en effet dans son côté historico-descriptif.
Quiconque vivant ou ayant vécu à Shanghai y reconnaitra les belles villas de Hongqiao, les lions de bronze gardant la Hongkong and Shanghai Bank ou les ruelles de la concession internationale.
Beaucoup de références toponymiques qui accompagnent l’histoire chaotique de Joseph en parallèle de la Grande Histoire.
Car cet homme de Shanghai aime sa ville envers et contre tout : de l’invasion japonaise a la prise de pouvoir par les communistes, en passant par les prisons nippones et divers de revers de fortune.
Amoureux des possibilités que Shanghai lui offre
Rien n’est épargné à notre héros qui s’accroche à son image d’Epinal d’un Shanghai au passé révolu, celui des concessions, des matchs de polos, des cuisiniers exotiques et surtout celui d’une infinité de possibles :
« Un endroit où vous êtes libres de vous réinventer chaque jour mille fois (…). Je ne m’étais jamais vu comme un homme de tous les possibles, mais en ce temps-là à SHANGHAI, tout semblait vraiment possible. »
Un amour incompris qui prend vite trop de place, car si Joseph tombe amoureux des possibilités que la ville lui offre, il décide d’y rester et de laisser partir sa famille.
La fin du roman qui correspond à l’âge adulte d’Anna la narratrice et la fin de la vie de Joseph, a pour décor Los Angeles et s’avère davantage centrée sur les rapports entre le père, sa fille et ce qu’il lui lègue :
« mon père me transmit Shanghai comme un héritage, un trésor familial qui m’était exclusivement destine ».
Car c’est bien de transmission qu’il s’agit ici, transmettre et retranscrire à travers un roman toute l’ambiance d’une ville a une certaine époque.
Pari réussi !
Un article de Nathalie COUTURIER-CRYE
*************
L’HOMME DE SHANGHAI de Bo Caldwell
365 pages
Editions LIANA LEVI , collection Piccolo