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MAFIA CAPITALE – Un scandale qui ébranle Rome et l’Italie

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 9 décembre 2014, mis à jour le 10 décembre 2014

C'est une bombe pour Rome et l'Italie. Le démantèlement d'un réseau mafieux dans la capitale pourrait avoir des conséquences lourdes. Un système mis en place qui a infiltré toutes les strates de l'administration et qui concernerait des hommes politiques, des chefs d'entreprises et des fonctionnaires. Mafia ou affairisme ? Une organisation digne de celle d'une entreprise.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle série mais bien de la réalité. Parce qu'en Italie, la réalité dépasse parfois la fiction en matière de mafia et de corruption. Et pourtant, une sombre histoire mafieuse agite Rome depuis une semaine.

Surnommée Mafia Capitale en référence à Roma Capitale, le nom administratif de la capitale italienne, l'entreprise mafieuse démantelée le 4 décembre dernier dévoile jour après jour l'ampleur de son action. Le réseau est accusé de détournement de fonds publics et de contrôle des appels d'offres dans la capitale italienne.

Des dizaines de personnes seraient concernées, parmi lesquelles des hommes politiques, des chefs d'entreprises et des fonctionnaires. Le nom de l'ancien maire de Rome, Gianni Alemanno est également cité. Au total, 30 personnes ont été arrêtées et 39 autres sont poursuivies.

Un ex-terroriste à la tête du réseau

D'après les informations qui émanent des magistrats chargés de l'affaire, Massimo Carminati, ancien terroriste d'extrême-

droite de 56 ans serait à la tête du réseau mafieux. Il aurait noué des liens dans l'entourage de l'ancien maire de la capitale, grâce à leur attache commune au Movimento Sociale Italiano (MSI), un groupe néofasciste très actif dans les années 1970. C'est ainsi que l'ex-terroriste se serait infiltré dans différents appels d'offres favorisant ainsi des entreprises liées à son réseau, sur fond de pots-de-vin et serait ainsi devenu le nouveau Re di Roma (Roi de Rome).

Un autre personnage serait également dans le corps décisionnaire de Mafia Capitale. Il s'agit de Salvatore Buzzi, un ancien militant d'extrême-gauche de 59 ans. Après un détour par la case prison, il fonde une coopérative d'anciens prisonniers qu'il nomme 29 Giugno. Puis, en corrompant divers hommes politiques, il devient directeur d'un consortium de coopératives qui géraient des camps de Roms, des centres d'accueil pour immigrés et des espaces verts.

Un réseau au bras long

S'agirait-il alors d'une banale affaire de détournement de fonds ? Pas vraiment. Le réseau mafieux, également appelé Il Mondo del Mezzo (le Monde du Milieu) était organisé de manière à ce qu'il y ait toujours une personne bien placée pour le renseigner sur une procédure d'appel d'offres. Et c'est ainsi que l'on se rend compte à quel point Mafia Capitale avait infiltré toute l'intelligentzia romaine, de la Préfecture aux institutions religieuses influentes, en passant par l'entourage du président de la République.

Le but de tous ces contacts était plutôt primaire : enrichir la petite bande devenue grande. Alors peut-on parler de mafia ? Cette dernière, organisée de manière frauduleuse est sensée protéger une population en échange. Mais le système mis à jour à Rome, organisé comme n'importe quel réseau mafieux de prime abord s'apparente plus à de l'affairisme comme le prouve cette affaire concernant le Cara di Castelnuovo di Porto, un centre d'accueil de demandeurs d'asiles, situé à une trentaine de kilomètres de Rome. L'appel d'offres truqué concernant sa gestion aurait rapporté 20 millions d'euros au réseau mafieux.

Au c?ur de cette affaire, un certain Luca Odevaine, arrêté le 4 décembre dernier et accusé de corruption aggravée. Il était membre de la coordination nationale pour les réfugiés et aurait mis en place un système qui rapportait gros. Il gonflait les chiffres sur le nombre d'immigrés accueillis dans les centres gérés par Salvatore Buzzi afin d'obtenir de plus grosses subventions et un budget de fonctionnement pus important et touchait ainsi d'énormes pots-de-vin sur les comptes bancaires de sa femme et de son fils. Une conversation téléphonique interceptée par la police et publiée dans la presse fait état du système lucratif : "Tu ne peux pas imaginer combien on gagne sur le dos des immigrés. A côté, le trafic de drogue est moins rentable" se vante-t-il.

L'ancien maire impliqué ?

Parce que la mise au jour d'un tel système crapuleux apporte son lot de nouvelles chaque jour, c'est Gianni Alemanno, l'ancien maire de Rome (2008-2013) qui fait les choux gras de la presse italienne. Le très sérieux Il Sole 24 Ore titrait en début de semaine : "Alemanno à Buenos Aires, avec des valises pleines d'argent". L'homme politique  se serait-il enrichi illégalement en profitant du système de Mafia Capitale ? A l'origine de l'accusation, une autre conversation téléphonique interceptée prononcée par Luca Odevaine : "Alemanno a fait quatre voyages, accompagné de son fils avec des valises remplies de billets".

Même si Alemanno s'est défendu en disant n'être allé en Argentine qu'une seule fois pour un réveillon, il reste néanmoins surveillé de près par les enquêteurs qui n'ont pour le moment pas commenté les révélations. Pour montrer sa bonne foi, l'ex-maire de Rome lançait : "Je suis le seul maire de Rome qui a quitté ses fonctions plus pauvre que quand il les a prises".

Mani pulite version 2014 ?

L'éclatement au grand jour de cette affaire est non sans rappeler l'opération Mani pulite (Mains propres) lancée par la justice milanaise au début des années 1990 et qui avait sonné le glas de la première République, favorisant ainsi la prise de pouvoir de Silvio Berlusconi. 

Matteo Renzi s'est ainsi exprimé sur ce nouveau scandale et pourrait annoncer d'ici peu le placement en tutelle de la Rome. "Nous ne laisserons pas Rome aux mains des voleurs" a-t-il dit, montrant sa volonté de nettoyer la capitale de l'affairisme, au risque de mouiller des membres de son parti.

De son côté, Ignazio Marino, l'actuel maire de Rome assurait qu'il continuerait à se rendre au travail à vélo malgré la révélation des écoutes téléphoniques sur lesquelles on entend la bande de Mafia Capitale le qualifier de "problème".

Aurélien Bureau (Lepetitjournal.com de Rome) ? mercredi 10 décembre 2014

Crédits photos : S.C pour lepetitjournal.com - Wikimedia - capture d'écran youtube

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