Tradition, culture mais aussi xénophobie et violence ont marqué l'immigration italienne en France, la plus importante de l'histoire française. Alors que jusqu'au 10 septembre, l'exposition « Ciao Italia ! » retrace ce siècle d'histoire franco-italienne au musée de l'Immigration à Paris, retour sur une période qui a permis d'imprégner la culture française.
Pendant un siècle, de 1860 à 1960, l'immigration italienne en France a été telle que les italiens représentaient la première nationalité étrangère dans l'Hexagone.
Ils ont fui la misère économique, des structures agricoles archaïques, un pays encore faiblement industrialisé. Mais aussi le fascisme de Mussolini. En 1931, 800.000 italiens sont recensés dans l'Hexagone, soit 7 % de la population française.
« Alors que la France souffrait d'une crise démographique, ils sont venus profiter des emplois créés par la croissance économique de l'Hexagone, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Quant aux femmes, elles étaient particulièrement recherchées par la bourgeoisie française pour occuper le rôle de nourrice », nous explique Stéphane Mourlane, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université d'Aix-Marseille et membre du commissariat général de l'exposition.
Ils ont traversé les Alpes et la Méditerranée pour s'installer en masse dans le Sud-Est d'abord. Ils représentent 1/5ème de la population à Marseille avant la Première Guerre Mondiale. Plus tard, ils débarquent en Rhône-Alpes, en Lorraine, dans le Nord et le Sud-Ouest. A Paris, c'est le quartier de la rue du Faubourg-Saint-Antoine qui a eu leur faveur, l'un des quartiers les plus italiens de la capitale encore aujourd'hui.
Entre stéréotypes et xénophobie
Si leur immigration est aujourd'hui célébrée, elle ne se fit pas sans heurts. « Ils faisaient l'objet de préjugés dévalorisants, ils étaient considérés comme des voleurs, sales et criminels, des manieurs de couteaux », rappelle Stéphane Moulane. Au point de faire l'objet d'une violence xénophobe, comme le massacre des Italiens d'Aigues-Mortes en 1893, faisant huit morts et cinquante blessés.
Yves Montand, Modigliani, Marinetti
« Il s'agissait d'une xénophobie ordinaire sur fond de crise », précise Stéphane Moulane. Et d'ajouter : « Aujourd'hui, on considère l'immigration italienne comme une bonne immigration, notamment pour ses apports, tout ce que les italiens ont légué à la France ».
On pense en premier aux nombreux artistes, comme Yves Montand, François Cavanna, Georges Brassens, Serge Reggiani, Lino Ventura. Sans oublier Marinetti, Modigliani, Gino Severini. A la famille Bugatti dans le domaine de la mécanique. Et saviez-vous que le premier vainqueur du Tour de France, Maurice Garin, surnommé « le petit Ramoneur » était italien d'origine ? Comme Lazare Ponticelli, le dernier poilu de la Grande Guerre 14/18.
Remercions aussi l'immigration italienne qui a permis de diffuser sa gastronomie dans l'Hexagone : la pasta et la pizza en tête.
C'est aussi à ce moment-là que l'on commence à chausser des Repetto, porter des Borsalino, préparer son café avec une Bialetti et à travailler sur une machine à écrire Olivetti.
C'est depuis cette époque que l'on se félicite avec des « bravo », que l'on se salue avec des « ciao », que l'on rêve de « farniente », de passer « incognito » et d'éviter tout « fiasco ». Une italianité qui reste aujourd'hui imprégnée dans la culture française?avec brio !
Ciao Italia ! L'exposition retrace le parcours géographique, socio-économique et culturel des immigrés italiens en France, du Risorgimento des années 1860 à la Dolce Vita célébrée par Fellini en 1960. 400 pièces provenant d'institutions françaises et italiennes permettent d'aborder tout à la fois : la religion, la presse, l'éducation, les arts, la musique et le cinéma, les jeux et le sport, ou encore la gastronomie. Elle montre tous ces Italiens : ouvriers, mineurs, maçons, agriculteurs, artisans commerçants ou encore entrepreneurs qui ont fait la France, tout en rendant hommage aux plus connus d'entre eux. Musée de l'Immigration au Palais de la Porte Dorée à Paris, jusqu'au 10 septembre 2017. |
Source photos : Moataz Nasr, Vacanze romane, 2013. Huit Vespa Piaggio, 170 cm © Courtesy de l'artiste / Magasin italien à Paris, vendeur de journaux Emporio Italiano, 1900 carte-postale Paris © Musée national de l'histoire de l'immigration / L'heure du café © Alain Fleischer / Fête de bienfaisance organisée par la Société italienne de Bienfaisance de Paris le 3 mai 1924. Leonetto Cappiello © Pierre Cappiello