La cérémonie de remise des trophées des Français d’Asie-Océanie s’est déroulée le 5 décembre à la résidence de l’ambassadeur de France à Singapour. Installé aux Philippines depuis 2011, Frédéric Tardieu est le lauréat du trophée innovation pour le travail réalisé avec sa fondation Sulubaai sur l’île de Pangatalan. Rencontre.
“Je suis très fier de recevoir ce prix, salue Frédéric Tardieu. Cela montre que les Philippines sont un endroit du monde où il se passe des choses intéressantes pour sauver les océans.” “Même au bout du monde, en tant qu’expatrié je suis toujours très attaché à la France, poursuit-il. Il faut oser s’expatrier, le monde est ouvert, le monde est à vous.”
S’expatrier, c’est le pari qu'il a fait avec sa femme il y a bientôt neuf ans. “Avec mon épouse Chris, nous avons eu un véritable coup de cœur pour les Philippines lors d’un voyage en 1992, raconte l’ancien promoteur immobilier marseillais. Dans un magazine, nous avions lu un article sur un Robinson français installé sur l’île de Flower et nous avions décidé de partir sur ses traces.” Séduit par le pays et la gentillesse des gens, le couple plaque sa vie en France et achète l’île de Pangalatan en 2011 en créant la fondation Sulubaai dont l’objectif est d’aider à la protection des ressources naturelles de Palawan, l’aide au développement et aux populations locales.
La tache est énorme : l’île de 4 hectares située au nord-est de l’archipel de Palawan avait été laissée à l’abandon pendant des années. “Quand nous sommes arrivés, l’île était dévastée, les fonds marins avaient été détruits par la pêche à l’explosif et au cyanure, il n’y avait plus d’habitat pour les poissons”, se souvient Frédéric, pêcheur sous-marin depuis l’enfance. Un défi de taille qui ne fait pas peur à Frédéric et sa femme, ancienne décoratrice d’intérieur. En cinq ans, 63.000 arbres et 6.000 pieds de mangroves sont ainsi plantés sur l’île de 400 m de long par 120 m de large. Peu à peu, l’île reverdit, la faune locale reprend ses droits (oiseaux, pythons, cobras…).
Une méthode de restauration corallienne innovante
Pour la restauration des 20 hectares fonds marins, le couple fait appel en 2016 à Thomas Pavy, un biologiste marin installé à El Nido. Ensemble, ils établissent un plan d’action et créent leur propre méthode de restauration corallienne : le Sulu-Reef-Prothesis (SRP), un module de récif artificiel où sont greffés des coraux. Une méthode innovante, 100% bio. Les mérous, Lapu-Lapu, napoléons, tortues, raies… reviennent. L’île devient une aire marine protégée.
Un travail qui n’aurait pas été possible sans l’implication des populations locales rappelle Frédéric : “Dès le départ on a très bien été intégrés par les communautés locales - des villages de 300 personnes, sans eau ni électricité. On a un partenariat moral avec eux. Ils ont compris qu’il fallait préserver les océans et ont demandé notre aide pour créer des aires marines protégées car ils en connaissent les bénéfices pour la survie des nouvelles générations. Ce transfert de technologies vers les populations locales leur permet d’être autonomes.” C’est ainsi qu’est née l’Académie de la mer dont le but est de créer d’autres aires marines protégées en collaboration avec les populations locales.
Tournage de la suite du film Demain de Cyril Dion
Suite à la publication d’un article par l’Unesco sur le SRP, des chercheurs du monde entier affluent sur l’île de Pangatalan. Aujourd’hui, l’île est consacrée à la recherche scientifique, à l’aide au développement et à la protection des océans.
Une cartographie en 3D à partir de milliers de photos et une cartographie sonore sur un hectare de fonds marins ont été réalisées. “Il s’agit d’obtenir l’ADN de l’eau, explique Frédéric Tardieu. Concrètement, on a mis des hydro-phones dans l’eau pendant 1 mois pour connaître le nombre et le son de tous les poissons.” Un inventaire qui a permis d’identifier le son de 2.000 poissons et crustacés ! Parmi les découvertes : le son de la limule. Une première mondiale qui sera bientôt diffusée sur National Geographic. Autre grand projet à venir : le tournage sur l’île de la suite du film Demain de Cyril Dion en 2020.
Un projet d’éco-tourisme
Pour pérenniser le projet et auto-financer l’île, Pangatalan sera louée à partir de l’année prochaine 100 nuits par an. “Nous souhaitons développer un modèle d’éco-tourisme durable, haut de gamme. La maison de 500 m2 et sa piscine seront en location pour 30 clients par an, détaille Frédéric. L’idée est d’offrir du luxe tout en gardant un esprit 100 % conservation. On fonctionne à l’énergie solaire, on recycle tout, on utilise les eaux de pluie pour l’arrosage automatique des plantes, on a notre propre ferme écologique, on ne veut pas que nos clients utilisent de la crème solaire qui abîme les coraux…”
Retrouvez plus d’informations sur le site Internet de la fondation Sulubaai.