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Prix Mujeres Avenir: "La pandémie ne nous paralysera pas"

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Julia Robles
Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 8 mars 2021, mis à jour le 8 mars 2021

La semaine dernière au sein de l'Ecole Diplomatique de Madrid, l'association d'amitié hispano-française organisait, quelques jours avant la Journée Internationale des Droits des femmes, un événement hautement symbolique, qui marque chaque année l'agenda des femmes françaises et espagnoles engagées dans le pays pour la lutte en faveur de l'égalité de genre. Un événement tiroir, intitulé "4e conférence internationale femme et diplomatie", qui a été l'occasion de réunir à la même tribune 4 ambassadrice actuellement en poste à Madrid, et une soixantaine d'ambassadeurs et ambassadrices qui ont suivi les débats, ainsi que les deux lauréates du Prix Mujeres Avenir, remis dans la foulée.

 

"Paix, justice et institutions solides": c'est la thématique qui a rassemblé les participants à cette conférence, qui s'inscrit dans un contexte sordide pour les femmes, celui de la crise du Covid, particulièrement néfaste concernant l'évolution de la question de genre. La Présidente de l'association, Maria Luisa de Contes, l'a évoqué en ouverture des débats, justifiant au passage le choix de centrer cet événement autour du 16e objectif de l'Agenda 2030 des Nations Unies. Infirmières, institutrices ou auxiliaires de gériatrie, mères, sœurs ou grand-mères, elles ont dans bien des cas été en première ligne pour la lutte contre le Covid, et pourtant aussi les victimes les plus affectées par la crise économique et sociale qui a découlé de la pandémie. La crise du Coronavirus a eu un impact négatif pour les droits de la femme et pour l'égalité entre les sexes, tous les indicateurs le montrent, depuis la hausse des niveaux de violence de genre au cours du confinement jusqu'à l'accroissement de la brèche salariale, en passant par la marginalisation économique et sociale. C'est la raison pour laquelle "il faut affronter cette situation avec les critères de la justice et avec l'appui d'institutions solides", a estimé la fondatrice de Mujeres Avenir.

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Maria Luisa de Contes, présidente de Mujeres Avenir / Photo Julia Robles

La 4e conférence internationale Femme et diplomatie a cette année encore constitué l'occasion d'asseoir les débats promus par l'association dans le cadre étendu de de l'amitié franco-espagnole, dépassant les frontières de nos deux pays, pour intégrer les univers de l'hispanité et de la francophonie, et au-delà, les représentants internationaux sensibilisés à la question. Ainsi, se sont retrouvées à la tribune les ambassadrices à Madrid du Guatemala, de Moldavie, du Maroc et d'Afrique du Sud qui, sous la modération de Clara Cabrera Brasero, ambassadrice de la politique extérieure du gouvernement espagnol pour l'égalité de genre, les a fait s'exprimer sur les mesures mises en place dans leurs pays concernant le 16e objectif de l'Agenda 2030 des Nations Unies et, concernant les droits des femmes, sur les défis liés à la crise du Covid. "La pandémie ne nous paralysera pas" : les femmes Mujeres Avenir maintiennent, contre virus, vents et marées leur agenda égalitaire. L'événement organisé en dépit de la distance sociale et avec les difficultés que l'on imagine, prouve leur engagement pour la cause qu'elles défendent, et leur volonté de conserver le débat sur le devant de la scène, en dépit de l'actualité sanitaire.

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Quatre ambassadrices en poste à Madrid ont participé aux débats / Photo Julia Robles

Sans surprise, les intervenantes ont ratifié le constat posé par Maria Luisa de Contes. "La pandémie a fragilisé les acquis des batailles que nous avions menées, et parfois remportées", a ainsi estimé Karima Benyaich, ambassadrice du Royaume du Maroc, qui a évoqué l'augmentation de la violence de genre, ou encore la marginalisation des femmes dans les secteurs informels de l'économie, et leur corollaire, les salaires bas. "La pandémie a démonté le mythe selon lequel nous vivons dans une société post-raciste et que nous sommes tous dans le même bateau" a pour sa part déclaré l'ambassadrice pour l'Afrique du Sud, Thenjiwe Ethel Mtintso. "Car si nos naviguons tous dans les mêmes eaux, celles du Covid, certains le font dans des yachts de luxe, tandis que les autres s'accrochent aux restes de l'épave : principalement les femmes issues des mondes ruraux des pays pauvres ou dits en voie de développement, principalement africaines", a-t-elle dénoncé. Avec la Moldavie au 23e rang mondial selon l'indice d'inégalité de genre (IIG) des Nations Unies, "environ 46% des femmes du pays ont reconnu avoir souffert des violences de genre", a évoqué l'ambassadrice du pays en Espagne, Violeta Agrici. 

"Ces dernières années ont été caractérisées par la création d'institutions et la transformation de notre justice en vue de surveiller les niveaux de violence de genre et de protéger les femmes", a commenté Mónica Bolaños Pérez, ambassadrice de la République du Guatemala à Madrid, qui a par ailleurs observé la corrélation entre les délits commis contre les femmes et les niveaux de violence existants, notamment dans les pays en guerre ou souffrant de conflits armés. "Le monde arabe n'est pas monolithique", a pour sa part tenu à souligner Karima Benyaich, qui a défendu que l'égalité de genre "est au centre de la consolidation de l'Etat de droit dans le pays", rappelant "la firme volonté" du Roi Mohammed VI sur la question. Les femmes ont toujours été une partie essentielle de la lutte pour l'obtention de droits en Afrique du Sud, a enfin avancé Thenjiwe Ethel Mtintso, qui a mentionné qu'en Afrique du Sud, 46% des députés et 50% des membres de l'Exécutif sont issues du sexe dit faible.

 

Rien ne peut être fait pour les femmes, sans les femmes

Les échanges tenus en prologue de la remise du Prix Mujeres Avenir ont néanmoins constitué l'occasion de poser un constat clair : des millions de femmes manquent encore de confiance dans la capacité de la police, des tribunaux et des institutions au sens large de les protéger contre la violence de genre et les inégalités. Une des clés à cette impasse se trouve peut être dans la sentence édictée par la modératrice : "Rien ne peut être fait pour les femmes, sans les femmes", a tranché Clara Cabrera Brasero.

 

Les lauréates du Prix Mujeres Avenir

Ce sont deux femmes particulièrement inspirantes qui ont reçu le Prix de l'association d'amitié hispano-française, remis cette année à des représentantes du monde de l'hispanité, la Brésilienne Maria Da Penha et la Costaricaine Elizabeth Odio Benito, "pour l'effort réalisé pendant des décennies", "leur lutte pour la justice" et "pour l'hégémonie de l'éthique". "Nous avons besoin de femmes comme elles, qui luttent pour occuper des espaces déterminants" a estimé à leur propos Maria Luisa de Contes, évoquant une femme qui lutte "pour obtenir justice", Maria Da Penha, et l'autre "pour que la justice soit impartie", la magistrate Elizabeth Odio Benito.

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Marie-Christine Lang, Consule générale de France à Madrid / Photo Julia Robles

C'est la Consule générale de France à Madrid Marie-Christine Lang, qui a notamment été en poste au Brésil, qui a été en charge de présenter Maria Da Penha. En portugais, la Consule a évoqué la trajectoire de cette femme hors du commun qui, victime de son conjoint, tetraplégique suite à la violence de genre exercé par ce dernier, s'est battue pendant près de 25 ans pour que son agresseur soit condamné -à 10 ans de prison, il n'en aura finalement réalisé que 2-, pour que son pays contraint de reconnaître les lenteurs procédurières inhérentes à son procès, et pour que la justice brésilienne soit enrichie d'une loi contre la violence domestique, la loi fédérale 11340, dite "loi Maria Da Penha". "Cette loi a constitué une conquête pour toutes les femmes de mon pays" a déclaré la lauréate.

Ana Helena Chacón, ambassadrice du Costa Rica en Espagne, a pour sa part présenté la magistrate Elizabeth Odio Benito, juge, politicienne et avocate, mais aussi et surtout activiste pour l'éradication de la violence de genre, Présidente de la Cours inter-américaine des droits de l'homme (CIDH), juge de la Cour pénale internationale et du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. "Nous sommes encore loin d'atteindre l'objectif d'une société pacifique et inclusive, notamment parce que nous n'avons pas encore réussi à mettre fin au patriarcat", a-t-elle exprimé, "et que nous continuons à être absentes des mécanismes de prise de décision, politiques, sociales et économiques".  

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À droite, les lauréates du Prix Mujeres Avenir / Photo Julia Robles

C'est Cristina Gallach Figueres, Secrétaire d'Etat espagnole aux Affaires étrangères pour l'Amérique latine et le Caraïbe, qui a remis aux lauréates -de façon virtuelle, ces dernières étant présentes via la vidéo-retransmission- la statuette qui symbolise le Prix Mujeres Avenir.

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