En dépassant pour la septième année consécutive les limitations fixées par l'Union Européenne, la capitale espagnole fait état de ses difficultés à prendre en charge la pollution de l'air. Danger pour la population, contreperformance pour les autorités, elle provient essentiellement des émissions dues au trafic dans Madrid. C'est donc à la fois à un défi environnemental comme structurel auquel doit se confronter la ville.
(photo CC scambelodelete) Dans son rapport annuel sur l'évaluation de la qualité de l'air de la capitale, Ecologistas en Acción tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme. Même si la situation s'est améliorée par rapport à 2015, année particulièrement noire concernant l'air à Madrid, elle reste toujours un problème majeur et un défi à relever pour les autorités. En effet, sur les vingt-quatre stations de mesures, neuf affichent un taux de dioxyde d'azote (NO2) dépassant la limite établie par l'Union Européenne à quarante microgrammes par mètre cube. À titre de comparaison, en 2015, treize stations affichaient ce constat. Plus inquiétant, Madrid serait la seule ville d'Espagne mais surtout une des rares capitales européennes à dépasser le temps annuel légal de forte pollution (200 microgrammes par mètre cube), fixé à dix-heures par an d'après les résultats de quatre stations de mesure. Plus que le seul dioxyde d'azote, la mauvaise qualité de l'air est aussi due à un taux excessif d'ozone troposphérique (O3) notifié par sept stations sur les quatorze que possède la ville, mais aussi par les particules en suspension qui sont à la limite des quotas autorisés.
Des conséquences sur la santé
Si cette situation est tant décriée, c'est avant tout car la population madrilène en est la principale victime. La mauvaise qualité de l'air est ainsi responsable de la dégradation des conditions de vie des habitants: apparition et aggravation de maladies respiratoires, de maladies cardio-vasculaires ou encore de cancers. En effet, dans son dernier rapport publié en novembre 2016, l'Agence Européenne pour l'Environnement (AEE) estime que près de 24.000 personnes par an meurent prématurément en Espagne à cause de la pollution de l'air.
Un impact variable selon les quartiers
Les vingt-quatre stations de mesure de la qualité de l'air, réparties de manière inégale dans la capitale, permettent de percevoir les différences de pollution entre les quartiers de Madrid. Avec cinquante-cinq et cinquante-deux microgrammes de dioxyde d'azote par mètre cube de moyenne, les stations de Escuelas Aguirre (quartier Retiro) et de Plaza Fernández Ladreda (quartier Carabanchel) enregistrent les plus mauvaises performances de la capitale espagnole. À l'inverse, celle de El Pardo et de Casa de Campo, avec respectivement dix-sept et dix-neuf microgrammes de NO2 par mètre cube de moyenne, représentent les quartiers où l'air est le moins vicié.
Le trafic routier, principale cause de la mauvaise qualité de l'air
Ce n'est un secret pour personne, Madrid est une ville où le trafic est important. Même si les réseaux de transport en commun sont développés, beaucoup de Madrilènes utilisent encore leur véhicule personnel, ce qui, en plus de créer des embouteillages, contribue à cette dégradation de la qualité de l'air. Il est important de noter que la pollution de l'air de la capitale est due pour les trois quarts aux gaz des pots d'échappement. S'il faut également mentionner le réchauffement climatique comme autre cause, il semble que ce soit sur le trafic routier que les autorités doivent en priorité concentrer leurs efforts. La mairie a notamment activé, en décembre dernier, la troisième phase de son protocole antipollution visant à mettre en place une "circulation alternée" afin de diminuer le nombre de véhicules circulant dans la capitale. Ainsi, les jours pairs, seules les voitures disposant d'une plaque d'immatriculation impaire sont autorisées à circuler et inversement. De même, pour contenir le trafic, les autorités ont limité plusieurs fois au cours de l'année 2016 la vitesse de circulation à soixante-dix kilomètres heures sur la voie rapide M-30 comme sur les routes d'accès à la capitale.
Des mesures pour améliorer la situation
La maire actuelle, Manuela Carmena, a pris des mesures pour tenter de réguler le problème. Le trafic est ainsi contrôlé en cas de pic de pollution: des plans ont été proposé (tels que la suppression des véhicules diesel d'ici à 2025) et des premiers tests ont été effectué afin d'évaluer leur pertinence. On peut notamment mentionner la récente fermeture pendant vingt-deux jours au mois de décembre (dont la période de Noël) de la Gran Vía, une des principales artères de la ville, ainsi que d'une partie du centre-ville. Le nombre de véhicules en marche a ainsi été réduit de 43% selon les données de la mairie et le trafic dans les quartiers de Cuesta de San Vicente et de Princesa a diminué de plus de 20%. Si le projet de piétonisation totale de la Gran Vía d'ici à 2019 a été abandonné, la mairie de Madrid souhaite réitérer sa fermeture pour certains événements et occasions. De même, un projet d'urbanisation est en projet afin d'interdire l'accès de la rue aux véhicules privés et à éliminer les trottoirs pour la paver de manière continue. Seuls les transports publics devraient à terme y être autorisés. Pour faciliter le déplacements de la population, la création de navettes parcourant la Gran Vía est aussi en projet. C'est donc également au niveau structurel que les autorités doivent agir de manière à remodeler la ville pour limiter les problèmes environnementaux.
Un projet qui fait débat
Le projet de la mairie de Madrid de rendre la Gran Vía entièrement piétonne est contesté par le Partido Popular (PP). Pour ce parti, l'investissement que demanderait une telle initiative semble démesuré au regard du bilan de la limitation du trafic d'une partie de la rue au mois de décembre. Pour pallier aux restrictions, la population a utilisé le métro de manière plus intensive, obligeant les forces de l'ordre à se déployer pour assurer la sécurité. De même, les membres du PP dénoncent les pertes subies par plusieurs commerçants pendant la période de Noël où une partie de la rue était fermée: le nombre de véhicules diminuant, ils auraient eu moins de clients passant devant leurs magasins. Une alternative à la piétonisation de la Gran Vía est donc proposée par le PP, visant à construire un tunnel sous-terrain de Cibeles à Plaza de España. Ils ont également contraint la maire de Madrid à consulter la population afin de connaître leur opinion sur cette initiative pour lutter contre la pollution de l'air.
Clémentine COUZI (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 16 janvier 2017
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