Chaud devant ! Le monde de la haute gastronomie est divisé après le mini séisme provoqué par les attaques du chef catalan Santi Santamaria contre la gastronomie moléculaire et contre son chef de file Ferran Adria. Si le séisme est passé, des répliques se font encore sentir
La cuisine traditionnelle opposée à la cuisine moléculaire, ou la querelle des anciens contre les modernes, voici à peu près le drame qui se joue à guichets fermés dans la péninsule ibérique. Le chef Santi Santamaria, propriétaire du restaurant étoilé Can Fabes à Barcelone, et gerant du restaurant EVO a mis le feu aux poudres le mois dernier en déclarant dans le quotidien La Vanguardia qu'il se demandait s'il fallait se sentir "fier d'une cuisine, moléculaire ou techno-émotionnelle, avalisée par Ferra Adrià et ses adeptes, qui remplit ses plats de gélifiants et émulsifiants de laboratoire".
En dépit du "grand respect"que ce dernier a déclaré avoir pour Ferran Adrià, chef étoilé de l'établissement El Bulli à Rosas (nord-est de la Catalogne), il a néanmoins enfoncé le clou lors de la présentation de son livre à Madrid, La cuisine à nu (La cocina al desnudo) qui critique la "cuisine spectacle"et son utilisation des ingrédients et des méthodes de la cuisine industrielle. "S'il s'agit d'avoir des expériences artificielles, on y arrive déjà avec des cachets et des drogues".
La haute gastronomie et les professionnels de la santé soutiennent Adria
Dès le début de la polémique, la très grande majorité des chefs s'est positionnée en faveur d'Adria, publiant notamment un communiqué par l'intermédiaire du Forum Gastronomique. Fermi Puig, chef étoilé du Drolma, restaurant du célèbre hôtel Majestic Barcelona a même qualifié l'attitude du chef du Can Fabes de "grossière". De leur côté, les professionnels de la santé ont déclaré, unanimes, que la méthylcellulose (un gélifiant d'origine végétale), jugée dangereuse par Santamaria, était totalement inoffensive pour l'organisme.
"Particulièrement intéressante"pour certains qui se réjouissent de connaître les propriétés physico-chimiques des ingrédients et les saveurs nées des différentes interactions, la cuisine moléculaire n'est qu'un "effet de mode"pour d'autres qui n'y voient que de la "chimie".
Si le débat reste ouvert, la revue britannique Restaurant Magazine a néanmoins élu, pour la 3ème année consécutive, "meilleure table de la planète", le restaurant de Ferran Adrià.
Elise PINSSON. (wwwlepetitjournal.com - Madrid) jeudi 19 juin 2008
Article publié dans l'édition de Barcelone le 11 juin 2008