Le journaliste de la BBC qui avait obtenu l’interview fracassante de la princesse, Martin Bashir, est accusé de tromperie. Une enquête révèle qu’il aurait falsifié des documents pour approcher Lady Di.
Un nouveau scandale secoue la famille royale. 25 ans après l’interview choc de la princesse Lady Diana, suivie à l’époque par 23 millions de téléspectateurs, le rapport Dyson publié ce jeudi fustige les méthodes “trompeuses” employées par Martin Bashir pour convaincre la princesse de se confier sur le plateau. Dans cet entretien, elle s’était notamment livrée sans filtre sur l’échec de son mariage avec le prince Charles, défrayant une presse avide et fascinée par le couple royal.
Des faux relevés de compte pour gagner la confiance de la princesse
Le journaliste de la BBC avait, à l’époque, frayé son chemin vers Lady Diana par le biais de son frère, Charles Spencer. Celui-ci avait alors rapporté que Martin Bashir lui avait présenté des relevés de compte révélant que les services de sécurité employaient deux personnes parmi la cour pour espionner la princesse. Selon ses termes, c’est par l’intermédiaire des preuves constituées par ces documents qu’il aurait accepté de présenter sa sœur au journaliste.
Aujourd’hui, le rapport indépendant révèle que ces documents étaient falsifiés. Des méthodes peu scrupuleuses dénoncées au Royaume-Uni comme une “sérieuse violation” des principes éditoriaux de la chaîne publique. Le journaliste de la BBC concède regretter l’utilisation des faux relevés de compte, mais précise qu’ils n’avaient selon lui “rien à voir” avec les informations collectées lors de l’interview. Il ajoute d’ailleurs, pour sa défense, que la princesse Diana avait décidé en toute connaissance de cause de se livrer à cet entretien. Un point de vue que la famille royale semble avoir du mal à accepter : le prince William assure que cette interview aurait eu des effets délétères sur sa famille et sur le mariage de ses parents. Selon lui, elle aurait même “alimenté les peurs, la paranoïa et la solitude des dernières années” de la vie de Lady Di. Depuis les Etats-Unis où il réside désormais, Harry, le second fils de Lady Di, a également fait part de ses sentiments quant à cette affaire: "Cette culture de l’exploitation et ces pratiques non éthiques ont fini par lui coûter la vie", a-t-il vertement asséné, en référence au décès de sa mère moins de deux ans plus tard dans un accident de voiture à Paris, alors qu'elle était traquée par des paparazzis.
De nouveau, Martin Bashir se défend d’avoir eu quelconque incidence dans les difficultés personnelles de la famille royale à l’époque. “Je ne crois pas que je puisse être tenu pour responsable des nombreuses choses qui se passaient dans sa vie. Suggérer que je suis responsable individuellement est déraisonnable et injuste”, a-t-il affirmé au Sunday Times, avant d’ajouter que sa famille et lui-même “adoraient” la princesse. Le journaliste a, depuis, démissionné de ses fonctions à la BBC quelques jours seulement avant la publication du rapport Dyson.
Au-delà de Martin Bashir, l’éthique journalistique de la BBC mise en cause
Dans le rapport Dyson, l’ancien juge de la Cour suprême britannique, John Dyson, critique la chaîne publique pour sa gestion douteuse de l’affaire. Un douloureux retour de bâton pour la BBC dont l’interview, explosive, avait propulsé l’audimat de la chaîne ainsi que la carrière de Martin Bashir. En effet, à la suite de la diffusion de l’interview de Lady Di, le journaliste à la modeste réputation avait notamment pu rencontrer Michael Jackson qui avait, lui aussi, émis des réserves quant aux méthodes du journaliste.
Tony Hall, le directeur de la rédaction de la BBC à la période de l’interview, a quant à lui quitté ses fonctions de président de la National Gallery ce samedi. Il lui est reproché, entre autres, de ne pas avoir demandé à Charles Spencer, le frère de la princesse, de confirmer sa version des faits lors de l’enquête menée en 1996 par la BBC elle-même.
Depuis, la BBC a présenté des excuses officielles dès jeudi. Son nouveau directeur, Tim Davie, admet que la rédaction de l’époque “aurait dû faire bien plus d’efforts pour savoir ce qui s’était réellement passé à l’époque”. Un aveu de manquement à l’éthique grave pour cette chaîne qui jouit d’une grande crédibilité au Royaume-Uni et s’érige en institution médiatique pour le pays.
Interrogée sur SkyNews, la ministre de l’intérieur, Priti Patel, a déclaré que "la réputation de la BBC (...) a été compromise.” Elle a ensuite ajouté qu’il était “temps pour la BBC de réfléchir absolument aux conclusions de ce rapport”. D’après la chaîne de télévision, Charles Spencer aurait demandé à la police londonienne de lancer une nouvelle enquête sur les conditions de l’interview.
Pour le fils aîné de la princesse Diana, William, “(...) si la BBC avait correctement mené l’enquête après qu’ont émergé les premières plaintes, en 1995, ma mère aurait su qu’elle avait été trompée. Elle a été dupée non seulement par un journaliste voyou, mais aussi par les responsables de la BBC qui ont regardé ailleurs au lieu de poser des questions difficiles." Une analyse partagée par le spécialiste de la famille royale, Marc Roche, sur la chaîne de télévision française TF1. Selon lui, "personne ne s'attendait à ce que l'acteur de l'audiovisuel public, payé par le contribuable, utilise les mêmes méthodes de voyous que celles des tabloïds" à une période où le couple royal était traqué sans relâche par la presse.
Face à l’ampleur de la situation, le gouvernement a réagi en la personne du Premier ministre lui-même. Boris Johnson a déclaré espérer que la BBC, financée par le pays, “prendra toutes les mesures possibles pour garantir qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais".