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LITTERATURE - Gérard Philipe soixante ans après

Gerard-PhilipeGerard-Philipe
Écrit par Fernando Couto e Santos
Publié le 8 janvier 2020, mis à jour le 8 janvier 2020

Soixante ans après la mort prématurée de Gérard Philipe, à l´âge de 36 ans, l´écrivain et journaliste Jérôme Garcin, mari d´Anne-Marie Philipe, fille de l´ acteur, rend un émouvant hommage à cette figure majeure du cinéma et du théâtre français avec le récit Le dernier hiver du Cid, seize ans après Théâtre intime, un autre récit où il l´évoquait déjà.

Jérôme Garcin journaliste et écrivain

Né le 4 octobre 1956 à Paris, Jérôme Garcin est un journaliste et écrivain français fort réputé qui dans ses ouvrages -soient-ils des romans, des essais ou des récits- évoque ce que l´on pourrait dénommer -selon les paroles mêmes de l´auteur- ses chers disparus, le plus souvent des membres de sa famille, mais aussi des personnalités dont il admire l´œuvre comme, entre autres, les écrivains Jean Prévost (Pour Jean Prévost) et Jacques Lusseyran (Le voyant) ou l´aristocrate du dix-huitième siècle Hérault de Séchelles (C´était tous les jours tempête). Pourtant, étant encore un enfant lorsque une certaine figure du théâtre et du cinéma français s´est éteinte, Jérôme Garcin était loin de penser à l´importance que la mémoire de cette figure-là aurait un jour dans sa vie. Cette figure prestigieuse n´est autre que Gérard Philipe dont il a épousé la fille, l´actrice et femme de lettres Anne-Marie Philipe.

Déjà en 2003, avec Théâtre intime, Jérôme Garcin avait rendu hommage au célèbre acteur français dans un récit où il racontait aussi la découverte de son amour pour Anne-Marie. Quand il évoquait le moment où Anne-Marie interprétait la fière infante dans le Cid, il a écrit : «Peut-être n´ai-je écrit Théâtre intime que pour répondre, longtemps après, à cette question restée en suspens. Qui jouait sur scène, ou plutôt qui voyait-on jouer ? Quel cœur battait sous cette longue robe d´Infante ? : une fille sans père ou la fille d´un mythe ? La jeune femme que j´aimais ou celle qui, dans la lumière des projecteurs, déjà ne m´appartenait plus ?».

 

Le dernier hiver du Cid

Seize ans plus tard, Jérôme Garcin revient à l´histoire de sa belle-famille avec un récit, intitulé Le dernier hiver du Cid, centré sur la figure de Gérard Philipe, mort prématurément d´un cancer du foie, à l´âge de 36 ans, le 25 novembre 1959, il y a donc soixante ans.

Le récit retrace les derniers mois de la vie de cet acteur, né le 4 décembre 1922 à Cannes. Il était le cadet de son frère Jean et fils de Marie Elisa Villette, dite Minou (fille d´un pâtissier beauceron établi à Chartres et d´une émigrée tchèque directement venue de Prague), et de Marcel Philip (c´est Gérard qui a ajouté la lettre «e» à la fin de son patronyme), riche hôtelier et avocat, qui fut condamné à mort en 1945, pour intelligence avec l´ennemi pendant l´Occupation, et s´est réfugié à Barcelone où il a enseigné le français jusqu´en 1968, année où il a pu rentrer en France grâce à une loi d´amnistie.     

Homme engagé, Gérard Philipe a participé -en tant que membre des Forces Françaises de l´Intérieur- à la Libération de Paris. Il est aussi devenu, avec sa femme Anne qu´il a épousée en 1951, compagnon de route du Parti Communiste e a effectué des tournées dans les pays socialistes où il a joui d´une énorme notoriété. En 1958, il fut président du Syndicat français des artistes-interprètes (SFA). En tant qu´acteur, il a joué dans des films de Yves Allégret, Marcel Carné, Claude Autant-Lara (Le diable au corps), Christian-Jaque (Fanfan, la Tulipe), René Clair, René Clément, Louis Buñuel ou Roger Vadim. Montant sur les planches, il a intégré l´équipe du Théâtre National Populaire (TNP) de Jean Vilar et a joué des pièces de grands dramaturges comme Le Prince de Hombourg de Kleist, Le Cid de Corneille ou Caligula d´Albert Camus.

Le récit du Dernier hiver du Cid commence à Ramatuelle en août 1959, trois mois avant la mort de l´acteur. La famille est au complet, Gérard, son épouse Anne, et les enfants  Anne-Marie, Olivier et leur demi-frère Alain, fils du premier mariage de leur mère avec le sinologue François Fourcade. Avant de rentrer à Paris, où ils habitent Rue Tournon, ils passent encore par la propriété de Cergy où ils retrouvent, toujours dans la dèche, le poète Georges Perros, un ami de longue date de Gérard. De retour à Paris, Gérard se demande si sa fatigue et ses lancinantes douleurs au ventre ne cachent pas un mal plus profond. Il consulte son médecin, le professeur François de Gaudart d´Allaines, qui préconise des examens radiologiques, la théorie de l´abcès amibien au foie se présentant comme la plus probable. Une intervention chirurgicale est prévue pour le 9 novembre.  

Ce jour-là, le drame commence à se dessiner. L´intuition de Gérard n´était pas infondée.  Le mal était plus profond qu´on ne l´avait pensé. Comme le docteur  Gaudart d´Allaines l´annonce à Anne, qui «l´écoute sans l´entendre», Gérard souffre d´un carcinome hépatocellulaire : «Le cancer de votre mari est très rare, il n´en existe qu´une poignée de cas dans les annales de la médecine». La tumeur est trop grosse et l´ablation n´y changerait rien. Il n´aurait selon les médecins que quinze jours à six mois de vie. Anne décide alors de jouer la comédie, ce qui n´était pas facile devant un comédien de l´acabit de Gérard. En aucun cas, l´acteur ne saurait la profondeur du mal qui le rongeait. Peu avant sa mort, il annotait donc des tragédies grecques, rêvait d´incarner Hamlet et se préparait à devenir, au cinéma, l´Edmond Dantès du Comte de Monte-Cristo.

Il est enterré au petit cimetière de Ramatuelle où une foule attend le corbillard. Anne voit partir à jamais l´amour de sa vie : «Elle jette des fleurs sur le bois clair, qu´étouffent aussitôt les pelletées de terre fraîche, dont le bruit mat achève le silence. Elle pourrait rester longtemps ainsi. Comme si elle s´enracinait. Comme si elle voulait se préparer à l´inéluctable décomposition du corps de la beauté. «Nous sommes seuls au monde, se dit-elle, toi couché, moi debout, mes yeux traversant le bois et le plomb»».

De Gérard Philipe, on garde à jamais l´image de l´éternel jeune homme à qui Jérôme Garcin rend, dans ce livre, un émouvant hommage.

Jérôme Garcin, Le dernier hiver du Cid, éditions Gallimard, Paris, octobre 2019.

 

Publié le 8 janvier 2020, mis à jour le 8 janvier 2020

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