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SORTIR - Jardin de la Fondation Gulbenkian

Fondation GulbenkianFondation Gulbenkian
©M.J. Sobral
Écrit par André Laurins
Publié le 7 décembre 2015, mis à jour le 5 mai 2023

"Ce jardin est une succession de scénario, sans point de fuite, constituée par la lumière et l'ombre" comme l'affirmait à sa création Gonçalo Ribeiro Teles, l'un des paysagistes fondateurs du jardin tel qu'on le voit de nos jours; une véritable manipulation de la lumière.

Un projet d'architectes-paysagistes
Le jardin de la Fondation Calouste Gulbenkian a été conçu dans les années soixante d'après un projet d'architectes-paysagistes, un fait assez innovateur pour l'époque et c'est l'un des jardins du Portugal qui représente le plus de manière évidente les principes fondamentaux d'un jardin moderne dans la culture portugaise avec ses caractéristiques bien précises:
- une volonté de continuité entre l'intérieur et l'extérieur des édifices
- une vision pratique de l'espace vert, qui se veut un lieu fonctionnel
- une valorisation de l'espace sur les formes
- une dimension socialisante du jardin qui réunit plusieurs générations
- un respect pour l'identité culturelle et historique du jardin avec ses antécédents pris en compte
- une apologie de la beauté intrinsèque de la nature
- un jeu de contraste entre zones ombragées et pelouses exposées à la lumière

En somme, un contraste totalement réussi entre une architecture moderne utilisant le béton à vue, intégrant des plantes ornementales en son sein, et un espace vert voulant imiter un coin de nature où il est bon de s'abriter à la fois des rigueurs estivales et de la modernité de la ville alentour, fonction d'un véritable oasis.

Un "jardin de surprises" aussi, avec cette volonté de surprendre celui qui s'y promène par ses recoins ombragés, ses ouvertures bien exposées au soleil, ses miroirs d'eau cherchant à multiplier l'espace végétal et son grand lac rappelant un étang naturel.

Les oiseaux s'y plaisent (jusqu'à 40 espèces différentes) et chaque mois de l'année est dédié à l'un d'entre ceux qui le fréquentent le plus; merles, rouges-gorges ou bergeronnettes pour les plus petits, mais aussi canards, oies, poules d'eau ou même hérons pour ceux aimant avoir les pieds dans l'eau.

Un espace vert au c?ur de Lisbonne
Bien qu'installé en plein quartier moderne de la ville, tout proche de la place d'Espagne, l'une des portes de sortie de la capitale, les Lisboètes l'apprécient pour cette offre généreuse de nature qu'il proportionne; lieu de repos, de lecture, de rencontre, de convivialité et aussi de découverte de plantes provenant de multiples horizons. Cependant, les espèces végétales autochtones, ou endémique du Portugal, sont volontairement bien représentées; viornes (Viburnum tinus), ifs (Taxus baccata), houx (Ilex aquifolium), aubépines (Crataegus oxycantha), lauriers-rose ou sauce (Laurus nobilis), grenadiers (Punica granatum), sureaux (Sambucus nigra) pour les arbustes les plus représentatifs et chênes en tout genre, peupliers, ormeaux, micocouliers, platanes, arbousier ou pruniers sauvages pour les arbres les plus communs. Au total, ce jardin possède une collection d'environ 60 espèces d'arbres différentes pour 90 espèces d'arbustes. (photo : João-Pimentel-Ferreira)

Un peu d´histoire


Les débuts d'aménagement commencèrent en juin 1956, avec le souci de récupérer la végétation arborée déjà préexistante.
Au XVIIIº siècle, une belle ferme s'étendait sur cette pente douce orientée sud-ouest (Quinta do Provador dos Armazens), constituée de diverses édifices, jardin, verger, potager, vigne et champs de culture. En 1861, la ferme est achetée par le Conseillé d'Etat José Maria Eugénio de Almada (1811-1872) et ce dernier va inviter le jardinier et botaniste suisse Jacob Weiss (1815-1898), qui travaillait alors pour le Duc de Palmela (1781-1850), à prendre la direction de ce qui deviendra le Parc de Sainte Gertrude, à partir de 1866. De cette époque initiale, on trouve les murs d'enceinte de style néo-gothique, l'implantation d'un petit lac et une grande rénovation végétale en droite ligne de l'école paysagiste anglaise du XIXº siècle; un massif arboré assez dense, composé majoritairement par des arbres à feuilles caduques et á feuilles persistantes parmi lesquels les plus représentatifs sont plusieurs eucalyptus (Eucalyptus globulus) de grande dimension et dont l'un d'eux a été classé comme «arbre notable», en 2006.

Bien que le parc ait servi de Jardin Zoologique et d'Acclimatation de Lisbonne, entre 1884 et 1895, puis comme espace de la Foire populaire de la capitale, entre 1943 et 1956, son caractère de parc-paysagiste, idéalisé par Weiss, continuait de se manifester quand le Conseil d'Administration de la Fondation Calouste Gulbenkian décida d'en acquérir une partie pour y concrétiser les v?ux du fondateur, en 1957.

Dès janvier 1962, au début des travaux des édifices, 330 arbres et une centaine d'arbustes furent plantés afin d'accompagner de près l'édification de l'ensemble architectural et de constituer le plus tôt possible un écran de végétation protégeant le jardin des agressions extérieures.

Les travaux ne s'achèveront qu'en 1969, avec la construction du lac, véritable c?ur du jardin qui, telle une clairière, s'étale en étant cerné par un écran de végétation, essentiellement arbustif. Un amphithéâtre et quelques bâtiments annexes complèteront l'ensemble. Les voies de communication seront élaborées judicieusement en jouant entre les zones d'ombre et de lumière, les zones humides des rives du lac et des différentes sources qui l'alimentent et les espaces plus dégagés composés par les zones des pelouses.

Une végétation d
iversifiée
Les zones les plus ombragées du jardin, composées essentiellement par un dense maquis de chênes, micocouliers et pitospores, sont des lieux de quiétude, marqués par le son de l'eau à courir quand passe non loin une des rivières qui ira se jeter dans le lac central.
La végétation est en grande partie constituée par des espèces courantes pour recréer les bosquets naturels du paysage portugais continental, de la forêt de chênes humides du Minho (carvalhal) à la forêt classique de l'Alentejo (azinhal) composée de chênes-liège et d'oliviers.

On trouvera cependant des représentants d'autres horizons lointains comme les eucalyptus (ce seront ici les premier implantés au Portugal avec ceux des rives du fleuve Mondego), les grévilliers du botaniste anglais Francis Gréville, qui recensera les espèces arborées d'Australie, au XIXºsiècle, les bambous asiatiques formant une végétation dense au bord des cours d'eau ou les casuarines provenant aussi du continent australien.

Des visites thématiques organisées par la Fondation sont proposées régulièrement. L'une d'entre elles est orientée sur les plantes méditerranéennes de l'époque romaine; cyprès, caroubiers ou grenadiers, chacune de ces plantes ayant un rôle particulier dans les pratiques religieuses et culturelles des civilisations de la Mare Nostrum. Beaucoup d'entre elles arrivèrent jusqu'à nous et devinrent communes de nos paysages. Une autre visite est consacrée aux plantes intercontinentales rapportées par des collectionneurs de plantes et d'animaux, qui visitèrent les quatre coins du monde à la recherche de nouveaux produits naturels. Ce furent certainement les Portugais qui initièrent cette recherche de plantes ornementales, épices, fruits exotiques, racines comestibles ou écorces exploitables en teintureries, des produits encore inconnus et potentiellement source de richesse. Cette démarche sera aussi le premier pas d'une globalisation des plantes à l'échelle planétaire et aussi une manière d'assouvir un besoin croissant de s'approprier la diversité du monde végétal. Chacune de ces plantes nouvelles est intimement associée à ces naturalistes en herbe souvent intrépides, qui bravèrent une nature hostile, des populations indigènes peu accueillantes et des autorités coloniales répressives pour ramener dans notre environnement des plantes qui fascineront autant les scientifiques que le grand public.

Reprise
laurins.andre@gmail.com

Publié le 7 décembre 2015, mis à jour le 5 mai 2023

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