Ce jardin d'une grande simplicité, directement d'inspiration de l'école paysagiste anglaise par son tracé, n'en est pas moins l'un des jardins les plus emblématiques de la capitale portugaise. Avec une surface totale d'environ un hectare et demi, il réunit une végétation d'une grande diversité, comprenant pour le moins 34 espèces différentes d'arbres et arbustes de provenance multiple.
(Photos : M.J. Sobral)
Deux noms pour un jardin
Le deuxième nom de ce jardin vient d'un hommage rendu, en 1915, à un journaliste républicain (1871-1915). En ce qui concerne le nom de «Principe Real», on le doit à un hommage, cette fois, à Dom Pedro V (1837-1861), fils ainé de Dona Maria II, reine du Portugal de 1834 jusqu'en 1853.
Le jardin et son histoire où se détache l´intervention d´un Français
Situé sur un plateau de la ville, le site fut d'abord utilisé comme dépotoir du quartier au XVII º siècle, puis occupé par le Collège des Missions, édifice qui sera complètement détruit par le tremblement de terre de 1755. Un an plus tard, on démarra à cet emplacement la construction de la Sé-Patriarcale, édifice religieux qui sera dévoré par les flammes d'un incendie, en 1771. Une nouvelle tentative aura pour but d'y construire la Trésorerie Centrale du Royaume, en 1789, sans que le projet ne se concrétise. Enfin, sur ce qui est depuis appelé le site de la «Patriarcale brûlée», constitué alors de ruines et de détritus, il faudra attendre 1835 pour que la Mairie de Lisbonne rachète le terrain avec l'intention d'y créer une nouvelle place ouverte. En 1856, toutefois, commenceront les travaux d'aplanissement de l'ensemble et, en 1864, la construction du Réservoir de la Patriarcale, citerne d'une capacité de 880mètres cubiques, de forme octogonale,
Un jardin romantique
Au-dessus de ce réservoir, on trouve donc aujourd'hui un bassin assez pauvre d'expression artistique et décorative, mis là essentiellement pour ventiler les eaux avant leur entrée dans le dépôt souterrain. Tout autour de ce bassin central vont se répartir des tranches de coupe irrégulière où seront plantés les différentes espèces, à partir de 1870, dans une conception de jardin purement romantique.
Un arbre s´impose dans ce jardin tel un parasol géant et naturel
L'arbre, par excellence, qui s'impose au regard dans ce jardin, est le monumental Cèdre de Buçaco plus que centenaire, ayant environ 26 mètres de diamètre, premier arbre classé de Lisbonne, en 1940, véritable ex-libris du lieu, pouvant offrir une surface d'ombre bien appréciable en plein été ou un refuge sommaire sous une averse d'hiver à au moins une centaine de personnes à la fois. Maintenant, d'un point de vue purement botanique, on ne peut aller plus avant sans corriger son nom, car cet arbre n'est pas un cèdre et il n'est pas originaire du Buçaco; en effet, nous avons plutôt affaire à un cyprès du Mexique. Les cyprès (genre Cupressus) se distinguent par les minuscules écailles embouties qui forment leur végétation alors que les cèdres (genre Cedrus) possèdent, comme les pins et sapins (Pinaceae), des aiguilles plus ou moins longues.
Ainsi, pour ce cyprès exceptionnel, châtié et dompté par l'art de trois ou quatre générations de tailleurs, c'est autour de son tronc de quelques deux mètres de haut, presque au ras du sol, que s'étend son épais ramage vert sombre, tel un parasol géant et naturel.
Les espèces d´arbre y sont abondantes
Parmi les autres arbres composant ce jardin, on trouve des tilleuls (Tilia tomentosa) de taille assez imposante et à l'arome délicate quand ils sont en fleur en cette période printanière, tout comme les faux-acacias ou robiniers (Robinia pseudoacacia), qui forment actuellement de jolies grappes de fleurs blanches que l'on peut manger en beignet. Les marronniers de l'Inde (Aesculus hippocastanum/pavia), eux, ont leur floraison constituée par un amas de fleurs roses ou blanches selon l'espèce.
Pour continuer avec les arbres fleuris, les magnolias ((Magnolia grandiflora) qui, comme leur nom scientifique l'indique, auront bientôt leurs grandes fleurs blanches à s'épanouir.
Hormis les figuiers aux racines et troncs impressionnants (Ficus macrophylla), qui cernent le café-restaurant inséré dans le jardin, le continent australien est représenté ici par un sidéroxylon (Metrosiderus excelsa), possédant des racines pendantes sur certaines de ses branches qui permettent de le reconnaître plus facilement, des lauriers de Nouvelle-Zélande (Corynocarpus laevigatus) au feuillage persistant d'un vert intense, ainsi que des pittospores (Pittosporum ondulata) dont les fleurs minuscules mais multiples rappellent celles des orangers.
En conifère, outre le cyprès décrit, nous trouverons l'araucaria de Cook, classé pour son hauteur exceptionnelle (Araucaria colunaris), arbre que l'on ne voit réellement que quand on se trouve assez éloigné du jardin, en arrivant, par exemple, de São Pedro de Alcantara. Sinon, un cèdre de l'Himalaya (Cedrus deodora) est facilement reconnaissable par ses branches qui tombent naturellement pour rappeler que là d'où il vient, il est souvent couvert de neige. Pour finir avec ce type d'arbre à la végétation toujours verte, on verra l'if (Taxus baccata) qui a un tronc déjà bien développé et un autre cèdre provenant du Maroc (Cedrus atlantica).
Quant aux palmiers, ils sont représentés par deux palmiers des Canaries (Phoenix canariensis) et un exemplaire de palmier du Mexique (Brahea armata) aux reflets bleutés de ses palmes.
Le jardin du Principe Real a subi des travaux de restauration des chemins qui le composaient, en 2010, avec également la plantation d'une rangée de micocouliers (Celtis australis), qui bordent désormais l'espace vert, côté rua Politecnica.
Un marché hebdomadaire
Pour compléter la description de ce jardin, on ne manquera pas de signaler son marché hebdomadaire de produits issus de l'agriculture biologique et la restauration récente des deux kiosques à ses extrémités, qui proposent des collations à déguster en terrasse.
André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) Reprise du vendredi 18 mai 2012
Technicien agronome (maria.friesen@sapo.pt)