Comme la plupart des jardins de la capitale, ce jardin bénéficie de deux noms dont seulement le deuxième est connu de tous. D'aspect symétrique, de forme rectangulaire, longeant le parcours final de l'aqueduc des "Aguas Livres" provenant de Sintra, il se présente selon une ordonnance formelle avec ses plans de verdures bien délimités, sans ressembler tout de même à un jardin "à la française"
(Photos : M.J. Sobral)
Un jardin suivant l'esprit rigoureux du marquis de Pombal
En effet, on sent bien ici l'influence de l'esprit rigoureux du marquis de Pombal (1699-1782) qui est passé par là. Car c'est bien ce même haut personnage de l'histoire portugaise, qui en fut le promoteur et qui se sera chargé de la reconstruction, tracée au cordeau, de toute la partie de Lisbonne (a Baixa), rénovée après le tremblement de terre, suivi d'un raz de marée et d'un incendie cruel, qui avait détruit le c?ur de la capitale, le 1 novembre 1755.
Le jeune noble Sebastião José de Carvalho e Melo a d'abord été envoyé par son roi Don João V dans les cours européennes de Londres (1738-43) et de Vienne (1745-49) afin d'y acquérir une formation intellectuelle et politique de haut niveau. Il fut ensuite nommé secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et de la Guerre en 1750. L'absolutisme et le pouvoir despotique, conçu vers un pouvoir centralisé, qui caractérisaient l'époque, conduisit cependant à un développement notoire dans différents secteurs économiques comme ceux de l'industrie ou de l'agriculture, et dans la mise en place de l'exploitation du vers à soie par exemple. Ce pouvoir s'affirma tout particulièrement après le séisme de 1755 et le Marquis poursuivit implacablement ses ennemis politiques en réduisant les pouvoirs de la noblesse et du clergé (expulsion des Jésuites, en 1759). Le roi Don José le récompensera en le chargeant des titres de Comte de Oeiras (1759) et de Marquis de Pombal (1769).
L´origine du nom du quartier Amoreiras est liée à la soie
Sous l'initiative pombaline, débute en 1759, la construction du quartier des "Fabriques", recevant tout un complexe industriel composé de manufactures diverses, d'habitations pour les ouvriers et même d'un noyau de formation professionnelle ; le "Real Colégio das Manufacturas". En 1771, sur un terrain nommé "largo dos Fabricantes", on plantera 331 muriers (Morus alba ou nigra), ses arbres donnant plus tard le nom au quartier, celui des Amoreiras. Une "usine royale des tissus de soie" sera érigée sur un des côtés, qui deviendra l'actuel Musée Viera da Silva-Arpad Szenes. D'ailleurs, on retrouve les traces d'autres usines exploitant la soie, ou la céramique ou encore la vaisselle dans l'artère qui va de Principe Real jusqu'à Rato et monte jusqu'aux Amoreiras.
L'aqueduc et son réservoir "Mãe d'água"
Dans le sous-sol du jardin, un grand réservoir a été édifié, fournissant à l'origine l'eau potable de Lisbonne, désigné comme "Mãe d'água" et qui vaut la peine d'être visité, surtout en plein été. Autre fait insolite à souligner, c'est de trouver sous l'un des arcs de l'aqueduc une chapelle dédiée à Notre-Dame de Monserrate, les constructeurs de celle-ci ayant exploité judicieusement une partie des piliers de l'ouvrage de génie civile, l'un des seuls ayant résisté au tremblement de terre de 1755 et qui fut construit entre 1713 et 1748 sur ordre de Don João V, le Roi-soleil portugais.
Un jardin avec une grande variété d´arbres
En 1856, le jardin sera totalement remodelé et les muriers du Marquis remplacés, en 1863, par des arbres provenant de différentes origines.
Au centre de ce jardin, nous trouvons un petit bassin d'aspect charmant, donnant une source de fraîcheur qui s'ajoute à celle fourni par les grands arbres, comme les Tipuana tipu ou Orgueil de Bolivie, légumineuse très utilisée à Lisbonne pour offrir une ombre généreuse et une floraison remarquable en mai-juin de fleurs jaunes, qui une fois tombées formeront de véritable tapis de fleurs, au même titre que les Jacarandas aux fleurs violettes. Autres arbres bien développés, les marronniers de l'Inde avec une floraison très appréciée au printemps composée de fleurs en forme de grappes montantes de tons allant du blanc au rose.
Autour du bassin, il faudra découvrir à cette époque de l'année le cercle de Ginkgo biloba pour y apprécier les nuances de tons jaunes allant jusqu'au brun foncé que chaque arbre pourra exprimer individuellement quand l'automne est déjà bien avancé.
Petite touche insolite au niveau botanique, un arbre très rare à Lisbonne ; l'arbre à vernis (Firmiana simplex) qui nous vient de Chine et qui doit son nom à ses graines donnant un vernis non exploité. Ses feuilles ressemblent à celles du figuier, bien que ce ne soit pas un ficus. Il se trouve dans la parcelle du jardin où il fait compagnie à un vieil if (Taxus baccata), arbre dont l'origine se perd dans la nuit des temps et qui a été maltraité pour son caractère toxique.
André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) Reprise du lundi 5 décembre 2011
Technicien agronome (maria.friesen@sapo.pt)