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Les Français de l’étranger face au coronavirus

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 23 mars 2020, mis à jour le 26 mars 2020

Alors que le monde entier subit les conséquences d’une crise sanitaire inédite, comment les expatriés vivent cette situation à travers le monde ? Entre prise de conscience, inquiétudes pour l’avenir et résignation quant au confinement, ces lecteurs expatriés ont accepté de nous livrer leur témoignage.

 

Dans un message adressé aux expatriés, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian a intimé aux Français à l’étranger « d’éviter autant que possible de chercher à revenir sur le territoire national», sauf en cas de «raisons impératives». Une façon de contrôler les déplacements et d’éviter les contaminations extérieures. Mais comment ces expatriés vivant à l’étranger dans des pays parfois également en confinement, perçoivent cette situation sanitaire inédite ?

Une prise de conscience compliquée du Covid-19

Alors que beaucoup critiquent une prise de décision tardive des autorités françaises, dans de nombreux pays le confinement n’est pas encore décrété, de quoi alarmer les expatriés français au courant du risque de pandémie mondiale. Ainsi Julie C., expatriée à Madagascar, nous raconte : « Ici personne ne s'inquiète du Covid-19 car la population dit qu'elle survit à la peste tous les ans donc c'est pas une grippe qui va les tuer. Les résultats ici seront catastrophiques. Nous allons entrer en hiver et là tout va dégénérer. »

Patricia, expatriée en Tunisie, déplore également un manque de prise de conscience dans son pays de résidence : « Je réside à Bizerte et après un séjour de 10 jours en France, j'ai rejoint la Tunisie vendredi 13 au soir. Depuis ce retour, je reste confinée chez moi sauf pour faire mes courses une fois hier. Je suis effarée de voir que la population de la ville ne prend pas la mesure du danger, peu de masques, pas de distances de sécurité, plutôt ils vous pousseraient comme d'habitude parce que vous n'allez pas assez vite... S'ils ne prennent pas conscience rapidement… ça va faire mal ! » 

Monique, expatriée près de Lisbonne, avoue qu’il lui a fallu du temps pour mesurer la gravité de cette crise depuis son pays d’accueil : « Comme nous ne mesurions pas l'étendue de la situation en France en particulier, nous avons été choqués lorsque notre nièce a annulé son séjour chez nous de fin février à début mars. Avec mon mari, nous y sommes allés de tous les arguments possibles pour la faire changer d'avis, nous sommes même intervenus auprès de ses parents et grands-parents, sans succès... La peur les avait tous gagnés et nous, nous pensions que ce n'était pas le virus qui était contagieux mais plutôt la paranoïa! »

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Pas facile d’être confiné.e à l’étranger !

Plus d’un milliard de personnes dans le monde sont aujourd’hui confinées. Pour beaucoup d’expatriés, rester à la maison est donc devenu leur quotidien. Une période d’autant plus difficile quand on vit loin de ses proches. Comme nous le décrit Conactus : « quand on se retrouve seule et en expatriation c’est très, très difficile ».

Ludivine, expatriée en Inde avec ses parents, subit ce confinement : « Nous sommes aussi en confinement, pas d’école, travail, magasin, restaurant, parc, amis. Nous allons peut être nous faire rapatrier en France, même si la situation est bien pire. Seul problème: mon chien looping ne pourrait pas retourner avec nous :( donc pas question de partir ».

Julie, expatriée depuis peu à Amsterdam, avoue avoir été prise au dépourvu : « Fermeture des écoles jusqu'au 6 avril si tout va mieux, mais aussi cafés, restaurants, gyms, coffee shops.. C'est là que tout bascule. Le quartier, jusqu'ici tranquille, fourmille de porteur de PQ. C'est à ce moment là que ça me frappe et que je décide d'aller en acheter, au cas où comme les autres. Supermarché plein de personnes mais étagères vides. Rien. Plus de kit de survie de panique pré-pandémie (pâtes,PQ, riz, savon, alcool, liquide vaisselle, pomme de terre, conserves, céréales,). Et là je panique et pas qu'un peu.. » 

Huguette, qui habite en Espagne, rencontre aussi des difficultés pour se réapprovisionner : « La situation en France n'est pas meilleure que celle de l'Espagne, sauf - c'est à noter - qu'en France on est sur de toujours pouvoir au moins se nourrir, ce qui n'est pas le cas en Espagne, les gens vident les rayons et je n'entends rien sur les réapprovisionnements ; je suis seule et à court de nourriture, et pour la première fois ce matin, depuis quatre jours, je suis sortie pour faire des courses : tout est fermé ! »

Marie-Josée, qui réside en Andalousie, est également effarée par la gestion de la situation, en particulier celle des hôpitaux espagnols : « Mon compagnon a été opéré  d’un adeno-carcinome  pulmonaire  le 26 février à l’hôpital universitaire Virgen de la nieves. Je suis infirmière retraitée.  J’ai constaté des comportements délétères : comment peut-on laisser entrer dans une chambre  où il y a 3 opérés, une dizaine de visiteurs ? Visites jusqu’à 22h le soir!!!, laisser les portes des chambres grandes ouvertes... Au final mon compagnon se bat contre le Covid 19. Son pronostic vital est engagé. J’ai fait part de tout cela au corps médical que cela leur serve de leçon quand  cette période noire sera terminée. L'hôpital  n’est pas un bar. RESTEZ CHEZ VOUS ! » 

Pour Isabelle, Française à Londres, ce confinement lui a donné l’idée de commencer un blog. Sur une Confinée à Londres, elle partage ses états d’âmes mais aide également ses lecteurs à s’évader par le biais de la lecture. Extrait choisi : « Confinée. La dernière fois c’était il y a longtemps, une autre vie presque, quelques jours dans une chambre au papier bleu, au bord de la mer. Les oreillons, des joues de hamster, la rage de ne pouvoir aller avec les copains à la plage et le goût du sirop de menthe dont ma mère me faisait boire des litres. Mais, au-delà de ma chambre, la vie continuait.

Sur notre île britannique, il aurait été facile de croire que seul le continent était concerné. Jusqu’à hier aucune mesure particulière n’avait été prise. Le gouvernement recommandait de se laver les mains et de rester une semaine à la maison en cas de symptômes. Il ne faisait que conseiller des mesures de « restrictions sociales » qui n’ont nullement empêché les parents d’accompagner leurs enfants à leurs matchs de foot ou de rugby ni les gens de fréquenter pubs et restaurants. Paradoxalement, il devenait impossible de trouver du papier toilette ou des pâtes sans les supermarchés. »

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La vie en pause

Cette crise sanitaire impose un certain nombre de difficultés logistiques, pour des Français qui avaient préparé de longue date leur retour en France. Aude, expatriée à Dublin, explique : « Je souhaitais revenir m’installer en France, dans ma Gironde natale mais je suis pour le moment bloquée ici avec mon animal, car les cargos ne prennent pas les animaux de compagnie depuis le 17 mars. J’ai la chance de pouvoir travailler à distance en tant qu'Office Manager. Donc, on attend que cela se débloque pour pouvoir revenir ».

Katy, à Dubaï depuis 2014, prévoyait également un retour en France en juin. Tout est aujourd’hui compromis : « Nous avions planifié  un aller-retour en avril prochain pour préparer notre retour en France et signer des papiers. Nous devons pouvoir revenir à  Dubaï  fin avril . Vu la situation, nous allons vraisemblablement annuler notre voyage. En effet, nous sommes incertains de pouvoir revenir à  Dubaï  depuis la France, les vols pourraient, d'ici là, être suspendus. Nous ne sommes  cependant  pas inquiets pour notre retour en France en Juin prochain pour l'instant  et espérons que tout rentrera dans l'ordre d'ici là. »

Pour d’autres expats, grands voyageurs, le monde autrefois ouvert n’est aujourd’hui que frontières closes. Nathalie est arrivée en voilier le 18 février 2020 à la marina internationale de Cochin et se retrouve aujourd’hui bloquée en Inde avec son compagnon et ce sans visibilité sur son visa : « Nous attendons une réponse . Notre visa expire le 18 mars, nous ne pouvons plus partir en voilier compte tenu des refus pour les ressortissants français d’accoster  ( Djibouti, Soudan, Liban, Grèce….). Nous retournerons à l’aéroport demain, si nous n’avons toujours pas de réponse, nous ne pouvons pas risquer d être sans visa… On espère une extension mais aucune certitude ! ».

 

Peur pour l’avenir

Le dénouement de cette crise étant incertain, et à géométrie variable en fonction des pays, nombreux de nos compatriotes à l’étranger s’inquiètent pour leur avenir. Les conséquences économiques et les risques de précarité financière sont au coeur de vos témoignages.

Alexandra, expatriée dans le sud de la Thaïlande nous raconte : « Pour ce qui est de mon cas, je n'ai aucun souci concernant les visas mais en tant qu'enseignante, si mon école ferme, je perds mon salaire. Je n'ai pas envie de me retrouver dans la même situation que les enseignants au Vietnam, mais il est très difficile de prendre une décision à cause des incertitudes et changements d'avis du gouvernement, qui perd ses moyens face à la crise mais refuse de l'admettre. On ne sait pas combien de temps tout cela va durer, le moral en pâtit et dans un tel moment, on se sentirait bien mieux à la maison auprès des siens que seul à l'autre bout du monde. » 

Julie A. est expatriée à Madrid et s’inquiète pour sa situation : « Je suis « autónoma » (auto-entrepreneur), je ne vais plus au travail donc je ne serai pas payée ». Mêmes difficultés pour Julie à Amsterdam, après 9 ans en Australie : « Aujourd'hui à 1 semaine de mes 35 ans je dois m'isoler dans mon appart de 30m2 à 1500 euros par mois avec pour seul revenu le chômage de mon copain et mes économies (qui ne sont autres que la retraite australienne que l'on peut demander en quittant définitivement le pays). Pas vraiment d'autres options, j'espère que ça ira mieux vite. »

Monique, expatriée au Portugal, mais rentrée en France avec son mari témoigne également : « Mon mari et moi sommes inquiets pour nos activités respectives. Nous sommes tous les 2 à notre compte. Mon mari a une entreprise de nettoyage (dans le tertiaire et l'industriel = les commerces et les usines) qui emploie environ 35 personnes. Ses employés sont déjà en partie au chômage technique. De mon côté, je suis en profession libérale avec ma grossesse j'avais prévu un arrêt de mon activité avec une baisse de mes revenus. Le souci se pose donc dans une moindre mesure. Se pose toujours la question pour nous tous de savoir combien de temps cela va durer et comment la reprise se fera. »

Rico réside au Cambodge et s’inquiète d’une réaction en chaîne qui pourrait mettre à mal l’économie locale : « Ce n’est pas tant le Covid-19 qui est a craindre mais plutôt les conséquences financières, la fermeture des frontières à certains pays, voire à tous les pays, est une catastrophe. J’ai un business qui fonctionne grâce au tourisme comme plein de Cambodgiens et d’expats. Ce qui nous attend c’est la banqueroute. Là encore, c’est un moindre mal. Les banques par ricochet vont s’écrouler et dans un pays qui ne produit rien ou presque, ça va faire très mal, très vite. La réaction populaire pourrait être cinglante ».

France, qui vit en Tunisie, espère que cette situation inédite, pourra faire réagir le monde sur son inter-dépendance économique et les ravages de la mondialisation : « que dire de plus si ce n'est d'espérer que ce signal sera entendu... Et qu'une réflexion collective fera émerger quelques pistes qui deviendront des voies de bon sens, une mondialisation maîtrisée, un monde meilleur ?  On peut toujours espérer ».

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