Fabien Yoon, acteur français en Corée du Sud, est lauréat du Prix du Public des Trophées des Français de l'étranger, parrainé par la Banque Transatlantique. En quelques années, Fabien a réussi à s'imposer durablement dans le paysage audiovisuel de son pays d'accueil en tournant dans des séries télévisées ou des émissions culinaires.
lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous raconter votre parcours en quelques mots ?
Fabien Yoon : Je viens de Paris, à l'âge de 5 ans, j'ai découvert le Taekwondo. Cet art martial m'a fait découvrir une toute nouvelle culture. J'ai commencé progressivement à suivre les séries coréennes - les « dramas ». Peu à peu je me suis intéressée à tous les aspects de la culture et de l'histoire coréenne. Je n'avais jamais eu l'occasion d'y aller, je ne parlais pas coréen du tout et je savais simplement compter jusqu'à dix mais la Corée du Sud est devenue une véritable passion. Pendant mes études j'ai enchaîné les petits boulots pour économiser et me payer un long voyage en Corée du Sud. Je suis parti pour la première fois en 2007. Je n'avais rien préparé du tout, c'était l'aventure. Ça a été un véritable coup de c?ur, tout m'a plu, la nourriture, la culture, les gens, tout le monde était très gentil. Mais ce n'était qu'un voyage, je n'avais pas prévu de rester vivre là bas, j'étais censé rester 3 mois pour visiter à fond. Quand je suis rentré à Paris il me restait 6 mois d'études pour finir mon master. Dès que j'ai eu mon diplôme, j'ai décidé de repartir.
Comment est venue votre envie d'être acteur en Corée du Sud ?
Je faisais déjà du théâtre en France, mais jamais je n'aurais eu la prétention d'imaginer être acteur quand je suis arrivé en Corée du Sud, ne parlant même pas la langue. Ce sont mes amis coréens qui m'ont encouragé à rentrer dans une troupe de théâtre, ils voyaient bien que j'aimais jouer la comédie. J'ai tenté ma chance et j'ai été accepté au bout de quelques mois dans une troupe. J'apprenais le coréen la nuit et je répétais toute la journée. Ce n'était pas rose tous les jours, la culture coréenne est très stricte, je n'avais pas le droit à l'erreur mais tout ce travail a fini par payer.
Quel est le rôle que vous avez préféré jouer ?
Ah, c'est une question difficile... Je pense que c'est lorsque j'ai joué le rôle d'un militaire dans un « drama ». Les conditions de tournage étaient dures, j'ai passé trois jours dans la nature. J'ai tenu un vrai fusil, j'ai vu des explosions, j'ai du dormir à même le sol, dans mon sac de couchage mais ça a été une véritable expérience. C'est le gros plus d'être acteur, on peut voir des choses extraordinaires que l'on ne verrait pas dans la vraie vie. C'était assez intense, ça restera un très bon souvenir et la série a très bien fonctionné, le public a beaucoup aimé.
Votre meilleur souvenir ?
Je dirais que c'est l'année dernière lorsque j'ai obtenu le prix de la nouvelle star, le prix qui récompense le meilleur espoir en télévision. C'était une belle reconnaissance de tout ce que j'avais accompli jusqu'ici. Tout mon travail payait enfin. Ça n'a pas été facile tous les jours lorsque j'ai commencé, j'en ai bavé. Je suis parti au prix de beaucoup de sacrifices, j'ai quitté ma famille, mes amis et un certain confort de vie français. Je viens d'une famille assez modeste, donc mes parents ne pouvaient pas me soutenir financièrement, j'ai du me débrouiller tout seul au début. Finalement obtenir cette récompense m'a montré que j'avais bien fait de ne pas abandonner mon rêve.
Avez-vous envie de jouer une pièce française en Corée du Sud ?
Ça n'existe pas vraiment. Il y a des grosses pièces françaises qui sont jouées mais ce sont des acteurs étrangers qui les montent. Par contre ce serait une bonne idée de jouer une pièce française en coréen un jour.
En dehors de votre métier d'acteur, quelle est votre place à la télévision sud-coréenne ?
D'abord il faut savoir qu'ici tout le monde regarde la télévision, il y a énormément de chaînes, environ 150. Lorsque l'on parle de 10% d'audience, cela signifie qu'on capte plusieurs millions de personnes. C'est une véritable culture de la télévision. J'ai pénétré ce milieu totalement par hasard. Comme je vivais tout seul, je me faisais moi même à manger et je postais mes plats sur Twitter. Une production m'a contacté pour me proposer de faire une émission de cuisine. Pendant une saison j'ai donc pu animer l'émission « You can cook » qui s'adresse aux célibataires masculins pour montrer que si un étranger était capable de cuisiner en Corée tout le monde pouvait le faire. A partir de là, tout s'est enchainé? Ça m'a ouvert plein de portes, je participe désormais à énormément de talk shows avec d'autres célébrités et on discute de l'actualité ensemble autour d'une table. J'ai participé aussi à l'émission « dream team », sorte de Fort-Boyard coréen avec des épreuves de sport.
Quel est votre rôle en tant qu'ambassadeur de la culture française ?
Je travaille beaucoup avec l'ambassade de France. Pour le festival de Busan par exemple, j'ai animé la soirée avec Fleur Pellerin, à l'époque ministre de la culture. Lors de la visite officielle du ministre des sports chargé de la jeunesse, Patrick Kanner en février 2016, j'ai été invité pour discuter avec lui et d'autres jeunes afin de promouvoir la jeunesse française et coréenne. La France jouit d'une très bonne image en Corée du Sud comme partout en Asie et j'essaie au maximum de représenter au mieux mon pays. A terme j'aimerais créer des liens de plus en plus fort entre la Corée du Sud et la France et promouvoir la culture sud-coréenne en France. Je vais d'ailleurs bientôt publier un livre sur la cuisine coréenne qui paraitra en France.
Vous avez réagi sur Twitter à propos du « bad-buzz » provoqué par le jury de la Nouvelle Star en France accusé de racisme à l'égard d'un jeune coréen de 18 ans, qu'avez vous ressenti ? *
Oui je me suis exprimé parce que cette histoire est arrivée jusqu'en Corée du Sud, les gens ont été très choqués. J'ai pris la parole pour montrer que tous les Français n'étaient pas comme ça. Il faut comprendre qu'en Corée du Sud, l'humour est très différent et ce qui peut être perçu comme drôle ou cynique en France est perçu ici comme de la méchanceté gratuite, ce n'est pas du tout passé et nous n'avions pas besoin de ça.
Propos recueillis par Mathilde Poncet (www.lepetitjournal.com) - Mardi 15 mars 2016
* Lors de l'émission française Nouvelle Star diffusée le 16 février sur D8, les membres du jury ont quelque peu malmené un candidat sud-coréen, en plaisantant notamment sur ses origines asiatiques.