En ces temps de confinement, lepetitjournal.com de Jakarta sort de la capitale et va à la rencontre de nos compatriotes qui travaillent sur d’autres îles de l'archipel afin de connaître la situation économique et sociale de leur ville, ainsi que leur ressenti par rapport à leur activité.
Aurore Boudier, propriétaire de l’hôtel Tiki Lodge à Lombok, répond à nos questions.
Comment avez-vous géré la situation de votre activité depuis le début de la pandémie ?
Dès mi-fevrier et face à l'avancée très rapide du covid-19, nous avons décidé de mettre en place des mesures de précaution d’hygiène plus poussées : désinfection des mains et des pieds à l’entrée, lavage des mains à chaque entrée dans une pièce. Tout cela plus par précaution que par soucis, mais cela s’est révélé difficile à gérer avec la clientèle et nous ne voulions pas donner l’impression de les pister.
Pour le personnel, ce fut plus simple à mettre en place. L’étonnement a fait suite à la peur d’être malade car sur Lombok, tous le savent, il est très dur de se faire soigner si on n'a pas d’argent et cela malgré l’assurance santé, qui n’est pas souvent acceptée.
Voyant la difficulté de la situation, nous avons proposé à nos employés qui habitent loin de rentrer dans leur famille et d’éviter ainsi d’être bloqué loin des leurs.
Dans un deuxième temps, nous avons fermé le spa puis, 5 jours après, le restaurant pour limiter les risques car le restaurant apporte pas mal de clients de l'extérieur.
Nous avons gardé les clients qui étaient dans l'hôtel le temps que leur rapatriement ou que leur voyage se termine afin de rentrer dans leur pays et les avons gérés en confinement en demandant aux personnes de rester au maximum à l’hôtel et de ne s’autoriser que des balades jusqu’à la plage qui se situe à 500 m.
Dans un troisième temps, nous avons fermé l'hôtel et nous avons mis au repos l'ensemble du personnel. En ce qui concerne le maintien de leur salaire, le premier mois nous avons mis en place le paiement complet, le deuxième mois 50 %, le troisième et le quatrième mois 25 %, après nous ne pourrons plus, faute trésorerie. Lombok a été gravement touchée par les tremblements de terre il y a 2 ans, le secteur touristique avait été lourdement impacté; nous n’avons pas eu vraiment le temps de nous remettre. Cette situation nous stresse énormément.
Quelles mesures avez-vous prises pour votre personnel ? Et pour vous et votre famille ?
Avec mon mari et mon fils, nous avons décidé de rester tous ensemble à Lombok. Nous ne pouvons pas laisser notre personnel ainsi que notre business seul ; c'est un peu notre bébé. Nous avons décidé de nous expatrier, donc nous assumons ici le confinement et les mesures de précaution recommandées ; social distancing, port du masque, pas de sortie autre que pour se ravitailler en nourriture.
Nous avons fait le choix de ne pas proposer d'hébergement en long séjour comme certains le font sur l’île. Nous le voyons bien, il est difficile de gérer des clients qui se croient toujours en vacances et qui n’ont pas pris la mesure des choses. Nous le voyons quand nous sortons d’ici, les touristes jouent rarement le jeu et se croient en sécurité. Il est vrai que pour le moment l’île semble être moins touchée, mais le virus est bien présent pour tous.
Comment envisagez-vous la reprise ?
Pour le moment, nous sommes un peu dans l'expectative et nous ne savons pas trop comment cela va se passer tant au niveau de la réouverture des frontières, que des lignes aériennes et surtout quand pourrons nous ré-ouvrir l'hôtel. Nous envisageons une ouverture à 50% et de passer en mode « Bed and Breakfast » en proposant éventuellement une demi-pension avec quelques plats pour commencer. Puis ensuite ouverture de l’hôtel puis suivra le restaurant et pour finir le spa.
Cela s'apparentera un peu à refaire une ouverture progressive. Chacun reprendra sa place, nous le savons il faudra refaire des formations, encadrer car après un arrêt aussi long d’une activité, il faut reprendre les bonnes habitudes.
Quelle est la situation à Lombok ? Comment se passe vos relations avec la population locale ?
En ce qui concerne la vie locale, nous sommes assez impliqués et nous aidons pas mal. Nous continuons à travailler avec les producteurs locaux, achetons aux petits toko à coté de l’hôtel bien qu’ils soient plus chers. Nous avons offert toutes nos noix de coco, ils y en avaient des centaines. Nous avons mis en place des paniers de nourriture avec les bases c'est-à-dire riz, huile, sucre, farine, un peu de légumes verts, bananes pour notre personnel.
Nous leur avons demandé car nous étions inquiets de savoir comment ils envisageaient la gestion de cette pandémie et leur réponse est simple « comme à leur habitude ils mangeront ce qu'il y a dans le jardin et la vie donnera ce qu’elle doit donner. Adviendra ce qu’il doit advenir » c’est une philosophie.
Y-a-t-il des initiatives locales qui se mettent en place pour aider la population ?
Il y a quelques réseaux qui se mettent en place comme « Lombok Aid »pour les locaux mais nous ne savons pas si cela est si sérieux que ce qui est dit. Car nous avons constaté après le tremblement de terre en 2018 que beaucoup d’argent a été donné et que peu d’aide est arrivée à la population locale.
Nous préfèrerons donc aider de notre coté notre personnel et les communautés qui nous entourent. Installés ici depuis 5 ans, les gens savent qu’ils peuvent compter sur nous et que nous ferons ce que nous pourrons pour les aider.
Ce temps de confinement vous laisse-t-il du temps pour faire autre chose et si oui quoi ?
Comme nous n'avons plus de personnel, nous avons beaucoup de travail au sein de Tiki hotel entre l'entretien et la maintenance. Ici sous les tropiques tout s'abîme très vite ; il faut donc ouvrir, nettoyer tous les jours et continuer d’entretenir les jardins et les piscines. Nous avons dû arrêter notre projet de construction d’une nouvelle villa avec piscine et d’un bungalow qui aurait dû se terminer en fin d’année. Projet reporté en 2021.
Pour ce qui est de la vie en famille cela nous permet de profiter de l'hôtel. On gère notre temps, on se retrouve en famille, on joue à des jeux de sociétés le soir, on écoute de la musique un peu plus fort. C’est une pause, car vivre sur son lieu de travail c’est parfois compliqué.
Pour ma part, je relis des livres que j'avais mis de côté, nous discutons beaucoup et j’enseigne à mon fils les recettes de cuisine de ses grands-mères italienne et bretonne. Mon mari lui est à fond dans la décoration et le travail du bois. C'est agréable d'avoir un peu de temps pour soi.
Un premier bilan depuis 7 semaines de confinement ?
Je dirais que nous vivons assez bien le confinement ici. C’est assez doux à vivre, pas comme en Europe. Il y a une certaine insouciance et la situation est beaucoup moins anxiogène ; cependant nous sommes inquiets pour nos proches et nos enfants restés en France.Malgré tous les moyens de communication, ne pas être près de ses proches est dur. On est inquiets, on espère que tout ira bien. On prend de leur stress et essayons de leur apporter joie, rire et bonne humeur.