Ses études d’égyptologie, ses années « solidarité » en Pologne, les iles Marquises, l’Indonésie et son métier d’enseignant, Philippe Rigaux revient pour nous sur son parcours.
La période étudiante et parisienne
Égyptologue de formation, Philippe avoue que ce sont des études passionnantes certes, mais qui ne font pas vivre. Pour assurer le quotidien, il enseigne l’histoire tout d’abord dans un établissement privé au pied de la tour Eiffel : « j’attendais le bus sous la pluie et je voyais les collégiens arriver avec leur chauffeur », nous explique-t-il avec malice. En parallèle, il continue ses études au collège de France où il travaille sur sa thèse. Il trouve ensuite un poste d’enseignant en banlieue Nord de Paris à Goussainville, où l’attendent d’autres élèves. Il se rappelle son premier jour au collège Robespierre : « C’était en 1985, le proviseur m’a accompagné jusqu’au second étage du bâtiment B, au fond du couloir ; il y avait beaucoup de bruit. Il m’a dit : ce sont vos élèves, je vous laisse. Les élèves parlaient fort, surtout en arabe, les petites filles, pour beaucoup debout sur les tables, poussaient des cris youlés…. J’ai eu le reflexe de pousser une « gueulante » en breton, ils ont été surpris et m’ont demandé, en francais, quelle langue je parlais. J’ai fait ressortir tout ce petit monde dans le couloir, ils sont rentrés en rang. Et j’ai de suite, embrayé sur un cours que j’ai voulu aussi accrocheur que possible. Voilà le début de ma carrière, qui s’est jouée à pas grand-chose, juste un bon réflexe ».
La période polonaise et l'engagement politique
Philippe aura sa période Polonaise entre 1985 et 1989, il y séjourne régulièrement. Il se rapproche du mouvement Solidarité puis du comité Helsinki. « Vers le 23 décembre 1989, nous avons attaqué la façade de l’ambassade de Roumanie à Varsovie avec des encriers de toutes les couleurs, c’était très beau ! Nous avons pu entrer et nous installer dans le hall d’entrée. À partir de là, nous avons lancé une collecte de vêtements mais aussi de nourriture non périssable, qui, avec l’aide des scouts polonais, devaient être chargée sur trois trains spéciaux en direction de Bucarest. Voulant accompagner l’un de ces trains, j’avais réussi à avoir tous les visas nécessaires, c’est-à-dire la Tchécoslovaquie, la Hongrie et bien sûr la Roumanie. Pour la petite histoire, ce dernier m’a été octroyé le 28 décembre par le numéro deux de l’ambassade, debout dans le hall, où il décida de sa propre initiative de rayer la mention « democratică » sur le tampon officiel, tout en me glissant sa carte de visite… on ne sait jamais… Mais voilà, j’ai raté l’Histoire car je voulais bêtement récupérer des copies d’élèves que j’avais prises avec moi pour les corriger pendant ces vacances de noël. Le temps de retraverser Varsovie, …. Le train était forcément parti… et voilà comment on loupe une révolution pour un paquet de copies de 5ème…. »
La période îles Marquises et le début de l'enseignement
Puis, envie de changement, de grand large, il prend un billet pour Tahiti. Il faudrait être difficile pour ne pas aimer ces îles. Philippe postule au Vice-Rectorat de Papeete pour un poste d’enseignant. Ce seront les îles Marquises pendant deux années, où il se fond dans la culture locale ; il fait partie d’un groupe de musiciens, son instrument : la contre-bassine ! C’est-à-dire un manche à balais avec une corde tendue à une bassine en plastique.
Son contrat se termine, il faut trouver un nouveau poste. Une rencontre sur le port, un plaisancier en escale lui parle de Jakarta et du Lycée français. Philippe postule et décroche rapidement un poste d’enseignant en histoire. Il arrive en 1994 à Jakarta avec deux jolies petites princesses marquisiennes : Tehono et Tehei, ses petites filles ; Tangi naîtra plus tard.
Et depuis 25 années, l'Indonésie
La ville ne lui est pas inconnue, il était venu lycéen en 1973 avec un camarade de classe visiter Jakarta et Bandung. « J’avais dormi à l’hôtel Prapanca sur Jalan Antasari, je me souviens de ma fenêtre, il y avait beaucoup de vert… ».
Et commence ainsi une aventure de 25 ans; Philippe découvre la culture indonésienne et se passionne. Lorsqu’il parle des traits les plus importants, il évoque la gentillesse, l’honnêteté des indonésiens mais explique qu’il ne faut pas passer à coté de la dimension métaphysique en Indonésie. « Qui ne la comprend pas passera à côté de la société indonésienne. Le Kris est un bel exemple de cette dimension, lien entre le matériel et l’immatériel. Il y aussi la richesse de l’histoire de Java tout particulièrement à Jawa Tengah où je séjourne régulièrement."
Enseigner 25 ans l’histoire au lycée français fut un vrai plaisir. Lorsqu’on lui raconte qu’une de ses élèves a visité la chapelle Sixtine au Vatican et à la vue de la fresque de Michel-Ange, elle s’est rappelée de tous les détails appris en cours d’histoire, on voit l’œil de Philippe pétiller.
26 décembre 2004, un tsunami balaie la province d’Aceh et fait 170.000 morts. Philippe avec sept de ses collègues du Lycée français décide de monter une association « des écoles pour Sumatra », ils organisent une levée de fonds et récoltent environ 500.000 euros. Ils orientent leur aide sur l’achat de mobiliers et de livres scolaires. Une personne est engagée sur place, Murdani, pour s’occuper du suivi et chaque mois par binôme les membres de l’association se rendent sur le terrain pour évaluer et contrôler l’avancée des travaux : « nous avons aussi fait venir 350 camions de terre pour rendre une cour d’école praticable.»
Au bout de cinq années, le projet se termine et avec le reliquat Philippe décide de construire une petite école maternelle dans un village qui lui est cher, Panjaran, situé aux pieds des volcans Merbabu et Merapi à Java. Aujourd’hui, une trentaine d’enfants y sont scolarisés. « Nous avons été soutenus régulièrement par des sociétés françaises dont Mane ».
Le contrat d’enseignant de Philippe s’est terminé il y a 3 ans, il a dû quitter le métier et le lycée avec regret. Afin de s’occuper, l’idée lui est venue de transmettre à son personnel une compétence : il se lance dans la fabrication de charcuterie. Des recettes d’Alfred, le charcutier de son village en Bretagne, il adapte les produits à l’Indonésie. Le professeur n’est pas très loin non plus, Philippe travaille à l’écriture d’un livre sur deux anciens militaires membres de la KNIL « Koninklijk Nederlands-Indisch Leger » qui vécurent aux « Indes néerlandaises », dans la deuxième moitié du XIX ème siècle : Le major M.T.H Perelaer pour l’écriture de roman et le colonel J.C.Rappard pour les illustrations.
« L’Indonésie c’est chez moi, je me vois de plus en plus rester ici » nous explique-t-il à la fin de notre entrevue.
Vous pouvez trouver la charcuterie de Philippe sur le site Tybreizh https://www.tybreizh-jakarta.com